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Liturgie - Page 108

  • Sainte Scholastique

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    L'Abbesse, seule éveillée parmi le peuple de ses brebis,
    Écoute son frère qui parle et qui ne sait pas qu'il est minuit.
    Son frère, c'est Saint Benoît, patriarche des Moines d'Occident.
    Scolastique le regarde et tremble et loue Dieu qui l'a rendu si grand !
    Elle a fait ce qu'il lui a commandé de faire et elle sait que c'était bien,
    L'Abbesse dans le grand vestige de l'Abbé, attentive jusqu'à la fin.
    Maintenant ce n'est pas qu'elle écoute mot à mot et comprenne tout ce qu'il dit :
    Benoît est avec elle simplement, et demain elle sera dans le Paradis.
    Et de même que le soir, en ces temps où l'on met la table en plein air,
    La lampe éclaire d'en dessous le noyer qui paraît vermeil et vert,
    Avec sa tige et le feuillage frais rempli de fruits pondéreux,
    L'arbre au-dessus de la famille d'où sort un souffle ténébreux,
    Tout de même dans l'ombre de Dieu et la stature de ce puissant qui la protège
    Scolastique écoute son frère et ses paroles qui tombent comme de la neige !
    Elle entend le nom de Jésus dans sa bouche et elle frémit :
    Il est là, c'est son dernier jour de la terre et demain elle sera dans le Paradis.
    C'est fini. Que Dieu est grand et qu'il est magnifique d'être né !
    Son frère, c'est Saint Benoît, elle a fait ce qu'il lui avait commandé.
    C'est bien son tour à présent de lui faire faire ce qu'elle veut, ainsi que les femmes en ont l'art !
    Il parle, et parfois s'interrompt, s'inquiète et il lui semble qu'il est tard.
    Mais alors on entend ce grand vent et cette grande pluie
    Qu'accorde à sa fille Scolastique Dieu qui est à qui le prie.
    Elle sourit, Benoît cède, et attend avec patience et douceur,
    Tout plein de textes et d'idées, et les yeux fixés sur sa sœur,
    Que le tonnerre à son tour ait fini et lui permette de reprendre le fil.
    Et c'est pourquoi le charretier à deux mains qui retient ses chevaux indociles,
    Le meunier en toute hâte dans la nuit qui court pour lever les vannes de son écluse,
    La barque qui fuit devant le temps comme une caille qui piète et ruse,
    S'étonnent et ne comprennent rien du tout à cette furie de tempête à tout casser,
    Qui sans rime ni raison s'est tout-à-coup déchaînée,
    Afin que les Anges tranquillement écoutent comme une musique
    Benoît, pur comme un enfant, qui cause avec sa sœur Scolastique.

    Paul Claudel, Corona benignitatis anni Dei.

  • Saint Cyrille d’Alexandrie

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    Saint Cyrille imposant la maternité divine de Marie au concile d'Ephèse. Icône copte.

    Tout ce que le Christ avait à faire sur la terre était maintenant accompli ; mais il fallait absolument que nous « devenions participants de la nature divine » du Verbe (2P 1,4), c’est-à-dire que nous abandonnions notre vie propre pour qu’elle se transforme en une autre… En effet, aussi longtemps qu’il demeurait dans la chair auprès des croyants, le Christ leur apparaissait, je crois, comme le donateur de tout bien. Mais lorsque viendrait le moment où il devrait monter vers son Père des cieux, il faudrait bien qu’il soit présent par son Esprit auprès de ses fidèles, qu’il « habite par la foi dans nos cœurs » (Ep 3,17).

    Les hommes en qui l’Esprit est venu et a fait sa demeure sont transformés ; ils reçoivent de lui une vie nouvelle comme on peut facilement le voir par des exemples pris dans l’Ancien et le Nouveau Testament. Samuel, après avoir adressé tout un discours à Saül, lui dit : « L’Esprit du Seigneur fondra sur toi et tu seras changé en un autre homme » (1S 10,6). Quant à saint Paul : « Nous tous qui, le visage dévoilé, reflétons la gloire du Seigneur, nous sommes transfigurés en cette même image, de gloire en gloire, comme il convient au Seigneur qui est Esprit. Car le Seigneur, c’est l’Esprit » (2Co 3,18).

    Vous voyez comment l’Esprit transforme pour ainsi dire en une autre image ceux en qui on le voit demeurer. Il fait passer facilement de la considération des choses terrestres à un regard exclusivement dirigé vers les réalités célestes ; d’une lâcheté honteuse à des projets héroïques. Nous constatons que ce changement s’est produit chez les disciples : fortifiés ainsi par l’Esprit, les assauts des persécuteurs ne les ont pas paralysés ; au contraire, ils se sont attachés au Christ par un amour invincible. C’est absolument indubitable. Elle est donc bien vraie, la parole du Sauveur : « C’est votre intérêt que je retourne au ciel » (Jn 16,7). Car c’est le moment de la descente de l’Esprit.

    Commentaire sur l’évangile de saint Jean, 10 (trad. Delhougne, Les Pères commentent).

  • Saint Jean de Matha

    Extrait de la longue notice sur saint Jean de Matha dans Les Petits Bollandistes (édition 1881).

    Les détails attendrissants que les deux disciples de saint Jean de Matha lui donnèrent sur leur mission à Maroc [Marrakech], si heureusement accomplie, le portèrent à suspendre toutes ses fondations et ses œuvres de zèle en Italie et en France, et à partir lui-même, après avoir recommandé à saint Félix de Valois, supérieur de la maison de Cerfroy, de veiller à la délivrance des chrétiens esclaves dans les contrées occidentales du Maroc, et de réaliser au plus tôt les espérances que les deux premiers envoyés avaient laissées dans les cachots qu'ils avaient déjà visités. Il voulait, quant à lui, briser les fers des Italiens qui gémissaient en grand nombre à Tunis et à Tripoli. Ainsi, sur tout le littoral d'Afrique, on vit briller en même temps l'étendard de la rédemption; car, peu de jours après, Jean et quelques-uns des siens parurent sur ces plages inhospitalières et si justement redoutées.

    La ville de Tunis, quoique plus antique que Maroc, n'en avait pas la magnificence. Celle-ci comptait à peine un siècle d'existence, que déjà elle était la capitale d'un des plus puissants empires du monde. Tunis, au contraire, était pauvre, et ses féroces habitants avaient encore moins d'égards pour les droits de l'humanité que ceux de la capitale des Etats barbaresques; éloignés des regards du souverain, ils pouvaient se livrer, sans contrôle, à leur fanatisme cruel sur leurs esclaves chrétiens.

    L'homme de Dieu n'ignorait point cela : inaccessible néanmoins à tout autre sentiment qu'à celui de la charité, il demanda audience au gouverneur qui ne put résister à son éloquente parole. Toutefois, la rançon des captifs fut taxée à un prix énorme, ce qui fit que notre Saint, malgré d'abondantes aumônes, ne put obtenir que cent dix esclaves. Il fournit à d'autres des vêtements et quelques objets de première nécessité, en même temps qu'il ranimait leur foi et leur laissait l'espoir de voir arriver bientôt de nouveaux libérateurs.

    Les mahométans, irrités du zèle avec lequel le saint missionnaire exhortait les captifs à mourir plutôt que d'abandonner leur religion, épiaient le moment d'assouvir leur rage. Quelques-uns de ces furieux l'ayant trouvé seul, se précipitèrent donc sur lui, le dépouillèrent de ses habits, lui firent subir mille outrages, l'accablèrent de coups, et le croyant mort, ils le laissèrent, nageant dans son sang. Mais Dieu le conserva par miracle, et ses forces à peine revenues, il recommença, plein d'ardeur, son œuvre de miséricorde.

    Nul ne peut peindre la scène qui s'offrit au moment où notre Saint, muni du sauf-conduit du gouverneur, descendit dans les antres hideux de l'esclavage. Les infortunés qui y gisaient, couchés sur leurs chaînes, s'étonnèrent d'abord de voir des figures qui n'étaient point celles de leurs impitoyables geôliers; puis, revenus de leur surprise et instruits de la mission de ces charitables étrangers, ils se jettent spontanément à leurs pieds, implorent leur tendre commisération, baisent leurs mains libératrices et les arrosent de larmes amères; ils montrent leurs fers, disent leurs souffrances, exposent leurs malheurs. Ah ! il n'en fallait pas tant pour toucher le cœur aimant de Matha. Le tableau de tant de misères lui déchirait l'âme, et l'impuissance de les soulager toutes grandissait sa douleur. Il fallut choisir. Ce choix difficile désigna, pour la liberté, les malheureux esclaves dont l'état excitait le plus la pitié; puis les portes de fer se refermèrent sur leurs compagnons d'infortune.

    A la suite de Jean de Matha, les captifs rachetés quittèrent l'affreux séjour si longtemps témoin de leurs maux. Puis ils montèrent dans le navire qui devait leur rendre une patrie, une famille et le repos, après les longues fatigues de l'esclavage; le vaisseau ne voguait pas assez vite à leur gré. Enfin, on découvrit le rivage, on salua avec transport les côtes de l'Italie, et on jeta l'ancre dans le port d'Ostie; alors on put les voir dans le délire de la joie, baiser, avec reconnaissance, cette terre hospitalière, d'où était parti leur libérateur.

    Jean de Matha, dont le contentement avait quelque chose de céleste, dirigea vers Rome ses chers esclaves. Une multitude empressée accourut. Rome païenne avait insulté des guerriers et des rois vaincus, Rome chrétienne, au contraire, vint s'associer au bonheur de ces pauvres affranchis. Jadis les vainqueurs traînaient au Capitole leurs malheureux captifs; en ce jour, Jean de Matha, plus grand que les Scipion et les César, conduisait au temple saint ceux dont il avait brisé les fers et les renvoyait libres dans leurs familles reconnaissantes.

  • Saint Romuald

    Quelques images de la cellule de saint Romuald. La pauvreté, le dépouillement, l’austérité, la simplicité, n’empêchent pas de vivre dans le beau, et aussi dans un certain confort.

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    1. Corridor - 2. Buanderie - 3. Salle de bain - 4. Intérieur de la cellule - 5. Lit - 6. Bureau - 7. Bûcher - 8. Chapelle.

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    Dictionnaire de spiritualité, Beauchesne 1971

  • 5e dimanche après l’Epiphanie

    Celui qui sème la bonne semence est le Fils de l'homme, dit-il en parlant de lui-même. Le champ, c'est le monde ; la bonne semence, ce sont les enfants du royaume ; l'ivraie n'est pas autre chose que les enfants du malin esprit. L'ennemi qui répand cette dernière, c'est le démon ; la moisson, c'est la fin du siècle ; les moissonneurs sont les anges. Quand donc le Fils de l'homme viendra, il enverra ses anges, et ceux-ci enlèveront de son royaume tous les scandales, et ils en enverront les auteurs dans la fournaise du feu ardent où il y a pleur et grincement de dents. Alors les justes resplendiront comme le soleil dans le royaume de leur Père.

    Je vous cite ici des paroles de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Voyez maintenant ce que nous devons désirer d'être dans son champ. Voyez en quel état il faut que nous soyons trouvés au jour de la moisson. Car si le champ est le monde, il est aussi, et par là même, l'Eglise qui est répandue par tout le monde. Que celui qui est froment persévère jusqu'à la moisson. Que ceux qui sont ivraie se transforment en froment. Voilà précisément la différence qui existe entre les hommes, d'une part, et d'autre part les épis et l'ivraie proprement dits, qui croissent dans la terre. Ce qui est épi demeure épi ; ce qui est ivraie demeure ivraie. Dans le champ du Seigneur, au contraire, c'est-à-dire dans l'Eglise, ce qui était d'abord froment se change parfois en ivraie, et parfois aussi ce qui était ivraie devient froment, et nul ne sait ce qui adviendra demain soit de l'un, soit de l'autre. C'est pourquoi, lorsque les ouvriers indignés veulent arracher l'ivraie, le père de famille ne leur permet point de le faire. Ils voudraient faire disparaître l'ivraie, mais on ne leur permet point de la séparer du bon grain. Leur activité doit avoir pour limite la limite même de leurs aptitudes : aux anges maintenant d'accomplir l'œuvre de la séparation de l'ivraie. A la vérité, les ouvriers n'auraient point voulu réserver aux anges le soin d'accomplir cette séparation ; mais le père de famille, qui connaissait les uns et les autres, et qui savait que cette séparation devait être remise à un temps plus éloigné, ordonna à ses ouvriers de laisser subsister l'ivraie, et de ne point la séparer. Non, leur répondit-il, quand ils lui firent cette demande : Voulez-vous que nous allions et que nous arrachions l'ivraie ? Non, de peur qu'en voulant arracher l'ivraie, vous n'arrachiez peut-être le bon grain en même temps. Donc, Seigneur, l'ivraie même sera avec nous dans votre grenier ? « Quand le temps de la moisson sera venu, je dirai aux moissonneurs: Arrachez d'abord l'ivraie, et liez-la en gerbes pour la brûler. » Laissez subsister dans le champ ce que vous n'aurez point avec vous dans mon grenier.

    Ecoutez, ô très chers grains du Christ, écoutez, ô très chers épis, écoutez, ô très cher froment du Christ. Recueillez toute votre attention et portez-la sur vous-mêmes et sur votre conscience. Interrogez votre foi, interrogez votre charité, excitez votre conscience. Et si vous reconnaissez en vous le vrai froment, souvenez-vous de cette parole : « Celui qui aura persévéré jusqu'à la fin, c'est celui-là qui sera sauvé. ». Quiconque, au contraire, après cet examen de sa conscience, reconnaît être de l'ivraie, qu'il ne craigne point d'être transformé : l'ordre de le couper n'a point encore été donné, le jour de la moisson n'est point encore venu. Cessez aujourd'hui d'être ce que vous étiez hier, ou du moins ne soyez plus demain ce que vous êtes aujourd'hui. A quoi vous sert-il de dire parfois que vous changerez ? Dieu vous a promis d'être indulgent au jour de votre conversion, mais il ne vous a point promis le jour de demain. Tel vous sortirez de votre corps, tel vous serez moissonné. Un homme vient de mourir, ne me demandez pas son nom, je ne le connais point ; cet homme était de l'ivraie au moment de sa mort, pensez-vous qu'il lui soit encore possible de devenir du froment ? C'est dans ce champ seulement que l'ivraie se transforme en froment et le froment en ivraie. Cette transformation est possible ici-bas ; ailleurs, c'est-à-dire après la vie présente, c'est le temps de recueillir le fruit des œuvres accomplies, non point d'accomplir celles que l'on a omises. Quiconque aura voulu être ici-bas de l'ivraie et se séparer soi-même du champ du Seigneur Jésus-Christ, ne sera point alors du froment. Peu importe, du reste, que l'ivraie demeure mêlée avec le bon grain, celui-ci n'a rien à craindre de ce mélange. Laissez croître l'un et l'autre jusqu'à la moisson, dit le père de famille ; oui, qu'ils croissent ensemble. Les moissonneurs ne se tromperont point, ils sauront ce qu'ils devront lier en gerbes destinées à être jetées au feu. Le froment ne pourra point être ni lié en gerbes, ni jeté au feu. Les gerbes rendront toute erreur et toute confusion impossibles.

    (…) Votre charité n'ignore pas que l'ivraie se rencontre jusque dans les moissons les plus élevées et les plus sublimes, même parmi les personnes qui ont embrassé la vie religieuse ; et vous dites : Il y a des hommes pervers dans cet endroit, et encore dans cet autre. Oui, sans doute, il se rencontre partout des hommes pervers, mais les méchants ne régneront pas toujours avec les bons. Pourquoi vous étonner de rencontrer des hommes pervers dans le lieu saint ? Ne savez-vous pas que le premier péché fut un acte de désobéissance accompli dans le Paradis ? L'ange tomba par un acte de ce genre, est-ce qu'il souilla le ciel pour cela ? Adam tomba de la même manière : est-ce qu'il souilla le Paradis ? Un des enfants de Noé tomba à son tour, est-ce que la maison du Juste fut souillée pour cela ? Quand enfin Judas est tombé, est-ce que sa chute a souillé le chœur des Apôtres ? Parfois aussi les hommes considèrent comme froment ce qui est en réalité de l'ivraie, et d'autres fois ils considèrent comme ivraie ce qui est du froment véritable. C'est à cause de ces mystères cachés que l'Apôtre dit : « Ne jugez de quoi que ce soit avant le temps, jusqu'à ce que le Seigneur vienne et expose à la lumière ce qui est caché dans les ténèbres ; au jour où il manifestera les pensées les plus secrètes du cœur, et alors chacun recevra de Dieu sa louange. )» La louange sortant de la bouche des hommes passe ; parfois aussi les hommes accusent les saints sans les connaître. Que le Seigneur pardonne aux ignorants et vienne au secours de ceux qui souffrent.

    Saint Augustin, sermon 73/A

    • Dans le calendrier byzantin c'est aujourd'hui le dimanche du pharisien et du publicain, premier dimanche de préparation au carême.

  • Sainte Agathe

    Le doxastikon byzantin des vêpres de sainte Agathe chante ceci :

    Παράδοξον θαῦμα γέγονεν, ἐν τῇ ἀθλήσει τῆς πανενδόξου Ἀγάθης, καὶ Μάρτυρος Χριστοῦ τοῦ Θεοῦ, ἐφάμιλλον τῷ Μωϋσεῖ· ἐκεῖνος γάρ, τὸν λαὸν νομοθετῶν ἐν τῷ ὄρει, τὰς ἐγγραφείσας ἐν πλαξὶ θεοχαράκτους Γραφὰς ἐδέξατο, ἐνταῦθα δὲ ὁ Ἄγγελος, οὐρανόθεν τῷ τάφῳ πλάκα ἐπεκόμισεν ἐγγεγραμμένην· Νοῦς ὅσιος, αὐτοπροαίρετος, τιμὴ ἐκ Θεοῦ, καὶ πατρίδος λύτρωσις.

    Un miracle étonnant s'est produit lors de la passion de l'illustre Agathe, la martyre du Christ Dieu ; ce prodige la rend égale à Moïse, car ce dernier pour donner au peuple la Loi reçut les tables sur la montagne où furent gravées les inscriptions divines ; dans notre cas, c'est un Ange qui du ciel apporta sur le tombeau une plaque où il était écrit : Nous osios aftoproairetos timi ek Théou kai patridos lytrosis.

    Cette épitaphe promise à une grande postérité dit à peu près : « Âme sainte, qui agit librement, honneur (venu) de Dieu et rédemption de la patrie. »

    On en trouve l’écho latin à la fin de la préface du missel ambrosien : « Hanc Christo nuptam susceperunt angelorum agmina, quae mentis ejus sanctitatem indicarunt, et patriae liberationem » (l’armée des anges la reçut, mariée au Christ, et proclama la sainteté de son âme et la délivrance de sa patrie).

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    Codex 390 de Saint-Gall.

    Au moyen âge, dès le Xe siècle au moins, ce fut une antienne de Magnificat des premières vêpres de sa fête, très répandue, sous cette forme :

    Mentem sanctam, spontaneam, honorem Deo, et patriae liberationem

    Âme sainte, s’offrant volontairement, honneur pour Dieu et délivrance de la patrie. La traduction spontaneam souligne le sens du mot grec : Agathe s’est offerte volontairement en sacrifice, en référence aux sacrifices de la Loi qui étaient soit ceux qui étaient prescrits soit ceux qui étaient offerts volontairement, spontanément.

    On retrouve cette épitaphe dans la Légende dorée, où le récit est (bien sûr) embelli et amplifié :

    « Au moment où les fidèles ensevelissaient son corps avec des aromates et le mettaient dans le sarcophage, apparut un jeune homme vêtu de soieries, accompagné de plus de cent autres hommes fort beaux ; ornés de riches vêtements blancs, qu'on n'avait jamais vus dans le pays ; il s'approcha du corps de la sainte, à la tête de laquelle il plaça une tablette de marbre ; après quoi il disparut aussitôt. Or, cette table portait cette inscription : « Mentem sanctam, spontaneam, honorem Deo, et patriae liberationem. » En voici le sens : Elle eut une âme sainte ; elle s'offrit généreusement, elle rendit honneur à Dieu, et elle délivra sa patrie. (Mentem sanctam habuit, spontaneam se obtulit, honorem Deo dedit et patriae liberationem fecit). »

    Ainsi Jacques de Voragine rendait-il compréhensibles ces accusatifs qui n’étaient les compléments d’aucun verbe.

    Durand de Mende, à la même époque, reste plus sobre, mais n’explique pas les accusatifs (supposant sans doute que son lecteur instruit peut suppléer lui-même un verbe) :

    « La bienheureuse Agathe, après de nombreux supplices, mourut en prison. A la tête de cette sainte, dans son tombeau, un ange posa visiblement une tablette avec cette inscription : Mentem sanctam, spontaneam, honorem Deo et patriæ liberationem. C’est pourquoi la coutume s’est établie de faire la procession avec cette tablette, qui contient la description de ses vertus. »

    Juste un an après la mort de sainte Agathe une éruption de l’Etna menaça directement Catane. Les habitants prirent le voile de la sainte et le mirent face à la coulée de lave qui s’arrêta aussitôt. Depuis lors elle devint la sainte qui protège des incendies, des tremblements de terre et de tous les assauts de la nature, et par extension de tout mal et du malin. C’est pourquoi c’est l’une des inscriptions que l’on trouve le plus souvent sur les cloches entre le XIIIe et le XVIIIe siècle, en relation avec leur bénédiction qui demande à Dieu que leur son « procul recedat virtus insidiantium, umbra fantasmatum, incursio turbinum, percussio fulminum, lesio tonitruorum, calamitas tempestatum, omnisque spiritus procellarum » : repousse loin la puissance de ceux qui veulent nous tendre des pièges, les ombres des fantômes, l’attaque des ouragans, la frappe des éclairs, les dégâts des orages, la calamité des tempêtes, et tout souffle de bourrasques.

    Au point que sainte Agathe est devenue la patronne des fondeurs de cloches.

    Et, des cloches, l’inscription protectrice s’est transportée sur les images pieuses :

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  • Saint Isidore de Péluse

    C'est aujourd'hui dans le calendrier romain la fête de saint André Corsini. J’ai déjà consacré neuf notes à saint André Corsini, qui était assurément un saint évêque mais qui ne doit d’avoir une fête qu’à la puissance de sa famille et particulièrement au rejeton qui devint le pape Clément XII, et je ne vois rien à ajouter. (On les trouvera en tapant Corsini dans le cadre en haut à gauche : “Rechercher”.)

    Le dernier nom du martyrologe de ce jour est sainte Jeanne de Valois, qui eut sa fête liturgique dans le propre de France. Au milieu du martyrologe, il y a la mention de saint Isidore de Péluse, « prêtre et moine, renommé pour son mérite et son savoir ». C’est le saint dont fait mémoire aujourd’hui la liturgie byzantine, encore que ce qui prime soit toujours l’après-fête de l’Hypapante.

    Saint Isidore de Péluse eut une grande influence en Orient, comme en témoignent les 2000 lettres qui nous restent de lui, écrites entre 393 et 433, adressées à des correspondants extrêmement variés, du simple laïc à l’empereur en passant par des évêques et le patriarche d’Alexandrie, auquel il était apparenté. (Les Sources chrétiennes ont récemment publié les lettres 1214 à 2000 en trois tomes.)

    Voici un extrait du chapitre sur saint Isidore de Péluse dans Les Vies des Pères des désert d’Orient, d’Eugène Veuillot (le frère de Louis) d’après le R.P. Michel-Ange Martin.

    Il suffit d'avoir quelque connaissance de l'histoire ecclésiastique, pour ne pas ignorer ce que saint Chrysostome eut à souffrir de la part de Théophile d'Alexandrie, le chef de ses persécuteurs, et la difficulté que fit saint Cyrille, neveu et successeur de Théophile, de mettre dans les sacrés dyptiques ce saint docteur, par un préjugé dont enfin saint Isidore le fit revenir. Mais il n'est rien de plus fort que ce que celui-ci a écrit à Symmaque sur le procédé de Théophile. Quoiqu'il fût son allié, il ne le ménage point, parce que la gloire de Dieu y était trop intéressée, et qu'il importait que l'innocence de saint Jean fût reconnue et justement vengée. « Vous voulez, dit-il, que je vous apprenne la tragédie de Jean, cet homme divin : je vous avoue mon impuissance ; non seulement je n'ai point de termes pour cela, mais mon esprit s'y perd. Tout ce que je vous dirai en peu de mots, c'est qu'il semble que l'Égypte ait été dans tous les temps en possession de commettre des méchancetés et de noires injustices, en rejetant Moïse et en suivant les ordres iniques de Pharaon. On y déchirait les faibles à coups de fouets, on les opprimait par le travail, on les forçait à bâtir les villes, et on ne leur donnait point de salaire ; et c'est encore de notre temps qu'on a renouvelé cette horrible vexation ; car on y a vu de nos jours Théophile, homme dévoré de la passion de bâtir, et avide de l'or qu'il regardait comme sa divinité, s'unir avec quatre autres qu'on peut appeler apostats comme lui : on l'a vu, dis-je, attaquer cet homme si pieux et si éclairé dans les choses divines, pour satisfaire encore plus par cette méchanceté la haine qu'il avait conçue contre celui qui porte le même nom que moi. Mais observez en comparant Jean avec Théophile, qu'il en est d'eux comme de la maison de David et de Saül. Celle de ce dernier s'éteint, tandis que comme la maison de David, la réputation de Jean va en croissant, quoiqu'après avoir été agité par les tempêtes de cette vie, il soit enfin heureusement arrivé au séjour de la paix céleste dont il a le bonheur de jouir. »

    Saint Cyrille prévenu contre saint Jean Chrysostome, et trop attaché au sentiment de Théophile, refusait, comme nous avons dit, de mettre après sa mort son nom dans les sacrés dyptiques. Il revint pourtant de son erreur, Dieu ne permettant pas qu'un si saint homme, qui se ressentit dans cette occasion de la faiblesse de ses lumières naturelles et de la fragilité humaine, fût plus longtemps séduit par ses préventions. Saint Isidore lui en écrivit fortement, au rapport de Nicéphore ; et c'est à cette affaire que le cardinal Baronius rapporte ce qu'il lui écrit en ces termes : « Je suis effrayé par les exemples renfermés dans les divines Écritures ; mais je ne suis pas moins obligé, quand il est nécessaire, de dire la vérité. Car, si je suis votre père, puisque vous me donnez ce titre, je ne veux pas être condamné comme Hély, qui négligea de reprendre ses fils lorsqu'ils péchaient ; et si je suis votre fils, comme je le reconnais moi-même, je crains aussi de subir la peine de Jonathas, qui ne détourna pas son père de consulter la Pythonisse : que ce soit donc pour empêcher d'être condamné, ou afin que vous ne le soyez pas vous-mêmes, déposez tout ressentiment; ne vengez pas vos propres injures sur les morts, de peur de nuire à l'Église vivante, en rendant sous prétexte de piété, les disputes éternelles. »

  • Saint Blaise

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    Fresque de l’abside de l’église de l’Annonciation de Sant'Agata de' Goti (Bénévent), fin du XIVe siècle.

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    Il est représenté en évêque (de Sébaste en Arménie). Autour de lui des épisodes de sa vita. Ou du moins ce qu’il en reste.

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    En haut à gauche saint Blaise ermite. Avec des disciples, ce qui est curieux, car il vécut longtemps seul dans une caverne pour fuir la persécution de Dioclétien, et il n’y eut jamais personne avec lui, en dehors des bêtes sauvages qui venaient à lui sans lui faire aucun mal. On aperçoit juste une étrange petite bête blanche (une hermine ?) derrière les hommes en prière.

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    En dessous, on voit la même caverne, et deux soldats qui viennent arrêter saint Blaise. Derrière eux il y avait un cheval, dont on ne voit plus que les deux pattes antérieures.

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    La troisième scène montre saint Blaise comparaissant devant le féroce gouverneur (il n’a pas une auréole mais une couronne de laurier). Il y a une statue sur un pilier, rappelant le dialogue entre les deux hommes : « — Tu es donc bien déterminé à ne pas adorer les dieux ? » « — Apprends, misérable, que je suis le serviteur de Jésus-Christ et que je n'adore pas les démons. »

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    En haut à droite c’est le miracle le plus célèbre : une mère apporte son enfant en train de s’étouffer avec une arrête de poisson. Saint Blaise le guérit. En France on le représente avec deux cierges croisés, mais en Italie on le montre bénissant de la main (et c’est au moment où il fait le signe de croix sur la bouche de l’enfant que l’arrête est expulsée).

  • La purification

    « Purificátio beátæ Maríæ Vírginis, quæ a Græcis Hypapánte Dómini appellátur. » La Purification de la Bienheureuse Vierge Marie, fête appelée par les Grecs Hypapante du Seigneur, dit le Martyrologe. Voici l’isodikon, l’apolytikion et le kondakion de la divine liturgie de l'Hypapante, en l'église Saint-Nicolas de Palazzo Adriano, Eglise grecque-catholique italo-albanaise, en Sicile, le 2 février 2021.

    Σοφία. Ὀρθοί.

    La Sagesse ! Debout !

    Ἐγνώρισε Κύριος τὸ Σωτήριον αὐτοῦ, ἐναντίον πάντων τῶν ἐθνῶν ἀπεκάλυψε τὴν δικαιοσύνην αὐτοῦ.

    Le Seigneur a fait connaître son salut, aux yeux des païens il a révélé sa justice.

    Σῶσον ἡμᾶς Υἱὲ Θεοῦ, ὁ ἐν ἀγκάλαις τοῦ Δικαίου Συμεὼν βασταχθείς, ψάλλοντάς σοι, Ἀλληλούϊα.

    Sauve-nous, Fils de Dieu, qui fus porté dans les bras du juste Siméon, nous te chantons:  Alléluia.

    Χαῖρε κεχαριτωμένη Θεοτόκε Παρθένε· ἐκ σοῦ γὰρ ἀνέτειλεν ὁ Ἥλιος τῆς δικαιοσύνης, Χριστὸς ὁ Θεὸς ἡμῶν, φωτίζων τοὺς ἐν σκότει. Εὐφραίνου καὶ σὺ Πρεσβύτα δίκαιε, δεξάμενος ἐν ἀγκάλαις τὸν ἐλευθερωτὴν τῶν ψυχῶν ἡμῶν, χαριζόμενον ἡμῖν καὶ τὴν Ἀνάστασιν.

    Salut, ô pleine de grâce Vierge Mère de Dieu, car de toi s’est levé le soleil de justice, le Christ notre Dieu, illuminant ceux qui sont dans les ténèbres. Réjouis-toi, toi aussi, juste vieillard, qui as reçu sur tes bras celui qui libère nos âmes et nous donne la Résurrection.

    Ὁ μήτραν παρθενικὴν ἁγιάσας τῷ τόκῳ σου, καὶ χεῖρας τοῦ Συμεὼν εὐλογήσας ὡς ἔπρεπε, προφθάσας καὶ νῦν ἔσωσας ἡμᾶς Χριστὲ ὁ Θεός. Ἀλλ' εἰρήνευσον ἐν πολέμοις τὸ πολίτευμα, καὶ κραταίωσον Βασιλεῖς οὓς ἠγάπησας, ὁ μόνος φιλάνθρωπος.

    Ô toi qui as sanctifié par ta naissance le sein virginal, et qui as béni comme il le fallait les mains de Siméon, tu nous as maintenant sauvés, ô Christ notre Dieu, en venant à notre rencontre. Mais donne la paix à l’Etat quand c’est la guerre, et affermis les rois que tu aimes, ô seul ami des hommes.

  • Deux précisions

    A propos de mon texte d’hier « Non possumus ».

    Il semble que certains l’aient pris pour une attaque contre les communautés anciennement Ecclesia Dei. Je n’ai peut-être pas été assez clair, mais le mot « aussi » dans la première phrase, et les motifs non doctrinaux de garder « aussi » l’ancienne messe indiquent que ce n’est pas du tout le cas. Au contraire, c’est même en pensant aux communautés ED critiquées pour refus de célébrer la nouvelle messe que j’ai écrit cela. Je n’avais donc nullement l’intention de critiquer leurs réactions à Traditionis custodes. Je ne l’ai pas fait et je ne me permettrais pas de le faire. Chacun réagit notamment selon les responsabilités qu’il assume.

    On me demande, dans un commentaire, et aussi par courriel, si la solution est de devenir orthodoxe. La question ne se pose pas aujourd’hui, et, grâce à Dieu, je serai mort si un jour elle se pose. Si François interdit complètement la célébration de la liturgie traditionnelle latine, il restera les liturgies traditionnelles orientales, à savoir essentiellement la liturgie byzantine et les liturgies syriaques des Eglises catholiques orientales. Tant que François ne les a pas supprimées. (Ceci n’est pas un procès d’intention : Sandro Magister avait fait état de rumeurs selon lesquelles François voulait supprimer la petite Eglise italo-albanaise. Or il y a deux ans il a fait d’un de ses deux évêques le secrétaire de la congrégation pour les Eglises orientales, et ne l’a toujours pas remplacé.)