C'est aujourd'hui dans le calendrier romain la fête de saint André Corsini. J’ai déjà consacré neuf notes à saint André Corsini, qui était assurément un saint évêque mais qui ne doit d’avoir une fête qu’à la puissance de sa famille et particulièrement au rejeton qui devint le pape Clément XII, et je ne vois rien à ajouter. (On les trouvera en tapant Corsini dans le cadre en haut à gauche : “Rechercher”.)
Le dernier nom du martyrologe de ce jour est sainte Jeanne de Valois, qui eut sa fête liturgique dans le propre de France. Au milieu du martyrologe, il y a la mention de saint Isidore de Péluse, « prêtre et moine, renommé pour son mérite et son savoir ». C’est le saint dont fait mémoire aujourd’hui la liturgie byzantine, encore que ce qui prime soit toujours l’après-fête de l’Hypapante.
Saint Isidore de Péluse eut une grande influence en Orient, comme en témoignent les 2000 lettres qui nous restent de lui, écrites entre 393 et 433, adressées à des correspondants extrêmement variés, du simple laïc à l’empereur en passant par des évêques et le patriarche d’Alexandrie, auquel il était apparenté. (Les Sources chrétiennes ont récemment publié les lettres 1214 à 2000 en trois tomes.)
Voici un extrait du chapitre sur saint Isidore de Péluse dans Les Vies des Pères des désert d’Orient, d’Eugène Veuillot (le frère de Louis) d’après le R.P. Michel-Ange Martin.
Il suffit d'avoir quelque connaissance de l'histoire ecclésiastique, pour ne pas ignorer ce que saint Chrysostome eut à souffrir de la part de Théophile d'Alexandrie, le chef de ses persécuteurs, et la difficulté que fit saint Cyrille, neveu et successeur de Théophile, de mettre dans les sacrés dyptiques ce saint docteur, par un préjugé dont enfin saint Isidore le fit revenir. Mais il n'est rien de plus fort que ce que celui-ci a écrit à Symmaque sur le procédé de Théophile. Quoiqu'il fût son allié, il ne le ménage point, parce que la gloire de Dieu y était trop intéressée, et qu'il importait que l'innocence de saint Jean fût reconnue et justement vengée. « Vous voulez, dit-il, que je vous apprenne la tragédie de Jean, cet homme divin : je vous avoue mon impuissance ; non seulement je n'ai point de termes pour cela, mais mon esprit s'y perd. Tout ce que je vous dirai en peu de mots, c'est qu'il semble que l'Égypte ait été dans tous les temps en possession de commettre des méchancetés et de noires injustices, en rejetant Moïse et en suivant les ordres iniques de Pharaon. On y déchirait les faibles à coups de fouets, on les opprimait par le travail, on les forçait à bâtir les villes, et on ne leur donnait point de salaire ; et c'est encore de notre temps qu'on a renouvelé cette horrible vexation ; car on y a vu de nos jours Théophile, homme dévoré de la passion de bâtir, et avide de l'or qu'il regardait comme sa divinité, s'unir avec quatre autres qu'on peut appeler apostats comme lui : on l'a vu, dis-je, attaquer cet homme si pieux et si éclairé dans les choses divines, pour satisfaire encore plus par cette méchanceté la haine qu'il avait conçue contre celui qui porte le même nom que moi. Mais observez en comparant Jean avec Théophile, qu'il en est d'eux comme de la maison de David et de Saül. Celle de ce dernier s'éteint, tandis que comme la maison de David, la réputation de Jean va en croissant, quoiqu'après avoir été agité par les tempêtes de cette vie, il soit enfin heureusement arrivé au séjour de la paix céleste dont il a le bonheur de jouir. »
Saint Cyrille prévenu contre saint Jean Chrysostome, et trop attaché au sentiment de Théophile, refusait, comme nous avons dit, de mettre après sa mort son nom dans les sacrés dyptiques. Il revint pourtant de son erreur, Dieu ne permettant pas qu'un si saint homme, qui se ressentit dans cette occasion de la faiblesse de ses lumières naturelles et de la fragilité humaine, fût plus longtemps séduit par ses préventions. Saint Isidore lui en écrivit fortement, au rapport de Nicéphore ; et c'est à cette affaire que le cardinal Baronius rapporte ce qu'il lui écrit en ces termes : « Je suis effrayé par les exemples renfermés dans les divines Écritures ; mais je ne suis pas moins obligé, quand il est nécessaire, de dire la vérité. Car, si je suis votre père, puisque vous me donnez ce titre, je ne veux pas être condamné comme Hély, qui négligea de reprendre ses fils lorsqu'ils péchaient ; et si je suis votre fils, comme je le reconnais moi-même, je crains aussi de subir la peine de Jonathas, qui ne détourna pas son père de consulter la Pythonisse : que ce soit donc pour empêcher d'être condamné, ou afin que vous ne le soyez pas vous-mêmes, déposez tout ressentiment; ne vengez pas vos propres injures sur les morts, de peur de nuire à l'Église vivante, en rendant sous prétexte de piété, les disputes éternelles. »
Commentaires
Vous aviez raconté cette histoire il y a six ou sept ans, merci de l'avoir rapportée. Puissions-nous avoir encore de ces évêques qui écrivent un jour à l'empereur, le lendemain au simple fidèle, et ensuite aux sommités littéraires de l'époque!