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Sainte Agathe

Le doxastikon byzantin des vêpres de sainte Agathe chante ceci :

Παράδοξον θαῦμα γέγονεν, ἐν τῇ ἀθλήσει τῆς πανενδόξου Ἀγάθης, καὶ Μάρτυρος Χριστοῦ τοῦ Θεοῦ, ἐφάμιλλον τῷ Μωϋσεῖ· ἐκεῖνος γάρ, τὸν λαὸν νομοθετῶν ἐν τῷ ὄρει, τὰς ἐγγραφείσας ἐν πλαξὶ θεοχαράκτους Γραφὰς ἐδέξατο, ἐνταῦθα δὲ ὁ Ἄγγελος, οὐρανόθεν τῷ τάφῳ πλάκα ἐπεκόμισεν ἐγγεγραμμένην· Νοῦς ὅσιος, αὐτοπροαίρετος, τιμὴ ἐκ Θεοῦ, καὶ πατρίδος λύτρωσις.

Un miracle étonnant s'est produit lors de la passion de l'illustre Agathe, la martyre du Christ Dieu ; ce prodige la rend égale à Moïse, car ce dernier pour donner au peuple la Loi reçut les tables sur la montagne où furent gravées les inscriptions divines ; dans notre cas, c'est un Ange qui du ciel apporta sur le tombeau une plaque où il était écrit : Nous osios aftoproairetos timi ek Théou kai patridos lytrosis.

Cette épitaphe promise à une grande postérité dit à peu près : « Âme sainte, qui agit librement, honneur (venu) de Dieu et rédemption de la patrie. »

On en trouve l’écho latin à la fin de la préface du missel ambrosien : « Hanc Christo nuptam susceperunt angelorum agmina, quae mentis ejus sanctitatem indicarunt, et patriae liberationem » (l’armée des anges la reçut, mariée au Christ, et proclama la sainteté de son âme et la délivrance de sa patrie).

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Codex 390 de Saint-Gall.

Au moyen âge, dès le Xe siècle au moins, ce fut une antienne de Magnificat des premières vêpres de sa fête, très répandue, sous cette forme :

Mentem sanctam, spontaneam, honorem Deo, et patriae liberationem

Âme sainte, s’offrant volontairement, honneur pour Dieu et délivrance de la patrie. La traduction spontaneam souligne le sens du mot grec : Agathe s’est offerte volontairement en sacrifice, en référence aux sacrifices de la Loi qui étaient soit ceux qui étaient prescrits soit ceux qui étaient offerts volontairement, spontanément.

On retrouve cette épitaphe dans la Légende dorée, où le récit est (bien sûr) embelli et amplifié :

« Au moment où les fidèles ensevelissaient son corps avec des aromates et le mettaient dans le sarcophage, apparut un jeune homme vêtu de soieries, accompagné de plus de cent autres hommes fort beaux ; ornés de riches vêtements blancs, qu'on n'avait jamais vus dans le pays ; il s'approcha du corps de la sainte, à la tête de laquelle il plaça une tablette de marbre ; après quoi il disparut aussitôt. Or, cette table portait cette inscription : « Mentem sanctam, spontaneam, honorem Deo, et patriae liberationem. » En voici le sens : Elle eut une âme sainte ; elle s'offrit généreusement, elle rendit honneur à Dieu, et elle délivra sa patrie. (Mentem sanctam habuit, spontaneam se obtulit, honorem Deo dedit et patriae liberationem fecit). »

Ainsi Jacques de Voragine rendait-il compréhensibles ces accusatifs qui n’étaient les compléments d’aucun verbe.

Durand de Mende, à la même époque, reste plus sobre, mais n’explique pas les accusatifs (supposant sans doute que son lecteur instruit peut suppléer lui-même un verbe) :

« La bienheureuse Agathe, après de nombreux supplices, mourut en prison. A la tête de cette sainte, dans son tombeau, un ange posa visiblement une tablette avec cette inscription : Mentem sanctam, spontaneam, honorem Deo et patriæ liberationem. C’est pourquoi la coutume s’est établie de faire la procession avec cette tablette, qui contient la description de ses vertus. »

Juste un an après la mort de sainte Agathe une éruption de l’Etna menaça directement Catane. Les habitants prirent le voile de la sainte et le mirent face à la coulée de lave qui s’arrêta aussitôt. Depuis lors elle devint la sainte qui protège des incendies, des tremblements de terre et de tous les assauts de la nature, et par extension de tout mal et du malin. C’est pourquoi c’est l’une des inscriptions que l’on trouve le plus souvent sur les cloches entre le XIIIe et le XVIIIe siècle, en relation avec leur bénédiction qui demande à Dieu que leur son « procul recedat virtus insidiantium, umbra fantasmatum, incursio turbinum, percussio fulminum, lesio tonitruorum, calamitas tempestatum, omnisque spiritus procellarum » : repousse loin la puissance de ceux qui veulent nous tendre des pièges, les ombres des fantômes, l’attaque des ouragans, la frappe des éclairs, les dégâts des orages, la calamité des tempêtes, et tout souffle de bourrasques.

Au point que sainte Agathe est devenue la patronne des fondeurs de cloches.

Et, des cloches, l’inscription protectrice s’est transportée sur les images pieuses :

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Commentaires

  • Vraiment, vos explications sont passionnantes ! C'est un peu ce qui me relie encore à l'église catholique.

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