Une fois encore, le diable a porté pierre. Le diable, c’étaient les rédacteurs du rapport d’étape du synode, inspirés par le pape qui veut absolument changer la « pratique » de la morale catholique fondée sur la loi naturelle et la parole de Dieu. Mais les rédacteurs sont allés trop loin, tellement loin qu’ils ont déclenché un choc en retour d’une puissance sans précédent, et qui, je dois le dire, m’a étonné (mais je ne suis pas le seul…).
De ce fait, on s’attendait à ce que le texte soit très édulcoré dans le rapport final. Mais pas à ce point-là. Il n’est pas édulcoré, il est profondément modifié. Y compris dans les paragraphes qui ne prêtaient pas à discussion, au moins à discussion urgente et nécessaire. Le texte a été partout amélioré, notamment par l’ajout de références au magistère des derniers papes. On renvoie trois fois à l’enseignement de saint Jean-Paul II, ce qui aurait dû être une absolue évidence dès le départ.
Le texte a été tellement changé qu’il ne reste plus qu’un seul point vraiment litigieux. Ce n’est pas un hasard si, bien sûr, il s’agit des « divorcés remariés », la première obsession de François.
La riposte à la tentative de révolution du rapport d’étape a été telle qu’à part le paragraphe sur les « divorcés remarié », deux autres paragraphes n’ont pas obtenu les deux tiers des voix, donc ont été rejetés (même s’ils font quand même partie du texte par la volonté du pape…) : sur la communion spirituelle (il s’agit encore des divorcés remariés) et sur les homosexuels.
Or ces deux paragraphes, tels qu’ils sont rédigés, sont acceptables. Naturellement, on voit ce qu’il y a entre les lignes, et ce vers quoi on veut aller, et c’est pourquoi les pères les ont rejetés : le rapport est le texte préparatoire du synode de l’an prochain. Mais à les prendre tels quels, ils n’ont rien de choquant.
Le 53 dit que « certains pères ont soutenu que les divorcés remariés peuvent recourir avec fruit à la communion spirituelle », que « d’autres pères se sont demandés pourquoi alors ils ne peuvent pas accéder à la communion sacramentelle », et qu’il faut approfondir le sujet pour faire ressortir les particularités des deux formes et leur lien avec la théologie du mariage ». Sans doute l’opinion théologique très majoritaire est qu’il faut être en état de grâce pour communier spirituellement, donc que c’est exclu pour les « divorcés remariés », mais en effet rien n’empêche de réfléchir à la question « en lien avec la théologie du mariage », et par exemple de bien distinguer la « communion spirituelle » au sens strict et une autre forme de « communion de désir ».
Le 55, quant à lui, consiste pour l’essentiel en deux citations du magistère, la première rappelant qu’on ne peut faire absolument aucune analogie entre les unions homosexuelles et le dessein de Dieu sur le mariage et la famille, la seconde rappelant que les personnes homosexuelles doivent être accueillies avec respect (comme tout le monde) et ne doivent pas souffrir de « discriminations injustes ». Il semble que le verbe « accueillir » ait été considéré comme ambigu compte tenu de ce qu’on y faisait passer dans le pré-rapport, ou peut-être est-ce l’expression « nous nous sommes interrogés », dans la mesure où il n’y a pas à s’interroger sur de telles évidences, et que l’on n’a pas à faire croire aux fidèles qu’il y a matière à s’interroger.
Le seul point vraiment mauvais est le 52, celui qui a eu le plus de votes négatifs (74 sur 183). Mais, contrairement à ce que l’on lit ici ou là, il n’y a pas à s’offusquer qu’une majorité d’évêques, même faible (ici 104 sur 183) ait voté pour « des hérésies ». Il n’y a pas davantage d’hérésie (même au sens large) dans le paragraphe 52 que dans les deux autres (pour lesquels les mêmes qui n’ont rien lu s’offusquent sans savoir). Ce paragraphe 52 dit que les pères « ont réfléchi sur la possibilité d’un accès aux sacrements de pénitence et d’eucharistie aux divorcés remariés ». Or c’est vrai qu’ils y ont réfléchi, ou du moins qu’ils en ont discuté. Le texte dit ensuite que « un certain nombre de pères » ont insisté pour qu’on garde les règles en vigueur « en raison de la relation fondamentale entre la participation à l’Eucharistie et la communion avec l’Eglise et son enseignement sur le mariage indissoluble ». Puis il dit que « d’autres » se sont exprimés en faveur d’un « accueil non généralisé », dans les conditions déjà dites. Et le paragraphe conclut qu’il faut « encore approfondir la question ».
De fait de nombreux évêques ont voté non en considérant sans doute qu’il n’y a rien à approfondir, mais enfin il n’y a rien qui soit « hérétique » dans ce paragraphe, puisque de toute façon il ne comporte aucune décision.
Certes, on comprend bien que le pape va revenir sur la question pendant toute l’année qui vient, et que les groupes de pression et les évêques les plus progressistes vont « approfondir » le sujet dans le sens que l’on sait et en liaison avec les médias. Mais ce synode de 2014 a montré de façon éclatante que même ce pape adulé du monde et d’une grande partie de l’Eglise peut être tenu en échec dans ses tentatives de corruption de la morale catholique. Car l’Eglise sera toujours l’Eglise. Ce qui ne veut pas dire qu’il faille se reposer sur nos lauriers (je veux dire les lauriers des évêques et cardinaux qui se sont battus pour sauver la vérité). Il va falloir continuer à se battre, combattre les insinuations permanentes et insupportables du pape et des ses âmes damnées, et soutenir tous ceux qui veulent garder l’Eglise aussi propre que toujours miséricordieuse.
NB. François a perdu des plumes dans cette affaire. Mais au finale il s’est encore déconsidéré davantage quand il a fait dire que c’est par souci de « transparence » qu’il faisait publier le rapport avec les paragraphes rejetés. C’est évidemment pour faire croire qu’ils font quand même partie intégrante du rapport : dans la perspective de la préparation du synode de 2015. Mais il est amusant, disons, de prétendre vouloir la « transparence », quand on a commencé par décréter que le synode serait à huis clos et qu’il y aurait un briefing quotidien de la propagandastaffel pour dire aux médias ce qu’ils doivent savoir, puis qu’on a décrété que les textes des commissions ne seraient pas publiés, avant de devoir faire machine arrière devant la bronca générale des pères…
Voir aussi l’analyse de Jeanne Smits.
J’ai beau chercher, je ne trouve toujours pas le rapport en français. Le voici en italien, c’est la version officielle.
P.S. "Ce n'est pas un document du magistère", a précisé le P. Lombardi. Ce qui va de soi. Mais ça va mieux encore en le disant.