Lettre apostolique Providentissimus Deus de Léon XIII
Ad perpetuam Dei memoriam
Le Dieu de toute providence, en organisant le monde, d’une main forte et douce à la fois, a entouré l’Église d’une sollicitude toute spéciale. Aux heures les plus critiques, il tire pour elle, de la difficulté même du temps, des consolations inespérées. Ce fait, maintes fois constaté, peut être remarqué plus nettement que jamais dans le circonstances que traversent actuellement la religion et la société. Alors, en effet, que les ennemis de l’ordre commun, se montrant de jour en jour plus audacieux, s’efforcent par des attaques quotidiennes et très vigoureuses d’anéantir la foi chrétienne et de bouleverser la société tout entière, la bonté divine se plait à opposer comme une digue puissante à ces flots soulevés, d’admirables manifestations de piété.
Cela est clairement prouvé par l’extension qu’a prise la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus ; par l’ardeur avec laquelle, dans tout l’univers, on travaille à promouvoir le culte de Marie ; par les honneurs dont est l’objet l’illustre Époux de la Mère de Dieu ; par les réunions diverses organisés par les catholiques pour défendre leur foi ; enfin par un grand nombre d’institutions que l’on fonde ou auxquelles on donne un nouvel essor et qui tendent à la gloire de Dieu ou à l‘accroissement de la charité mutuelle des chrétiens.
Bien que toutes ces manifestations procurent à Notre cœur une joie bien douce, Nous pensons que la grâce la plus signalée qui nous a été accordée par Dieu, c’est le progrès de la dévotion envers le Sacrement de l‘Eucharisties parmi les fidèles, à la suite des célèbres Congrès tenus à cette fin dans ces dernier temps. Ainsi que nous l’avons déclaré ailleurs, pour animer les catholiques à professer vaillamment leur foi et à pratiquer les vertus qui conviennent aux chrétiens, aucune moyen n’est plus efficace que de nourrir et d’augmenter la piété des peuples envers ce gage ineffable d’amour, lien de la paix et de l’unité.
Comme le sujet est très important et Nous tient fort à cœur, après avoir souvent loué les Congrès et les Associations eucharistiques, mu par l’esprit de les voir produire des fruits plus abondants. Nous jugeons maintenant utile de leur assigner un Patron Céleste, choisi entre les saints qui ont été embrasés d’un plus ardent amour envers le très Saint Sacrement de l’Eucharistie.
Or parmi les saints dont la piété à l’égard de ce sublime mystère a paru se manifester avec une ferveur plus ardente, Pascal Baylon tient le premier rang. Doué d’un goût très profond pour les choses célestes, après avoir saintement passé sa jeunesse à la garde de son troupeau, il embrassa une vie plus sévère dans l’Ordre de Frères Mineurs de la stricte observance, et par la contemplation habituelle de l’auguste mystère, il parvint à une connaissance plus parfaite de se Sacrement d’amour. Cet homme, dépourvu de notions et d’aptitudes littéraires, devint capable de donner des réponses sur les dogmes les plus difficiles et d’écrire même des livres de piété. Il professa ouvertement en face des hérétiques la vérité de l’Eucharistie, ce que lui attira de graves persécutions. Émule du martyr Tarcisius, il fut menacé plusieurs fois de la mort. Enfin l’affectueuse ardeur de sa piété parut se prolonger au delà de sa vie mortelle. On dit en effet, que, pendant son service funèbre, étendu dans son cercueil, Pascal ouvrit deux fois les yeux, au moment des deux élévations.
Nous croyons que les Associations catholiques dont Nous parlions ne sauraient être confiées à un meilleur patronage. C’est pourquoi, de même que Nous recommandons la jeunesse studieuse à Saint Thomas d’Aquin, les Associations charitables à Saint Vincent de Paul, les malades et ceux qui s’occupent de les soulager à Saint Camille de Lellis et à saint Jean de Dieu ; de même, espérant que Notre décision favorisera l’intérêt et le bien et la chrétienté,
Nous déclarons et Nous constituons, de Notre autorité Suprême, et en vertu des présentes Lettres, Saint Pascal Patron spécial des Congrès et de toutes les Associations qui ont pour l’objet la divine Eucharistie, tant de celle qui ont été constitués jusqu’à ce jour que de celles qui se seront dans l’avenir.
Nous formons des vœux pleins d’espoir pour que les exemples et le patronage de ce grand saint aient pour fruit l’augmentation du nombre de ceux qui, parmi les fidèles, consacrent chaque jour leur zèle, leurs projets, leur amour, au Christ Sauveur.
Donné à Rome, auprès de Saint-Pierre, sous l’anneau du Pêcheur, le vingt-huit novembre mil huit cent quatre-vingt-dix-sept, la vingtième année de Notre Pontificat.
Léon XIII