Après que Norbert eut fait quelque séjour à Floreffe pour en régler la fondation, et contenter la piété d'Ermensende, il en partit pour se rendre à Prémontré avant les Fêtes de Noël. Il avait déterminé ce temps-là pour la profession de ses Religieux.
Jusqu'alors ils avoient vécu sans aucun engagement. L'exemple de leur chef était la régie de leur conduite, et l'abrégé de leur discipline était de faire ce qu'ils voyaient faire à leur Maître. Ils conspiraient tous ensemble à mener une vie apostolique, mais ils n'y étaient liés par aucune obligation permanente. La charité, qui est le fondement de tous les ordres religieux, faisait le lien de leur société et de son gouvernement. Norbert voulut perpétuer dans son Ordre l'esprit qu'il avait communiqué a ses enfants, et pour le rendre héréditaire, il jugea qu'il était important de les fixer par la Profession au genre de vie qu'ils observeraient à l'avenir.
Il ouvrit sur cela sa pensée à ses disciples, il leur proposa l'exemple des Apôtres, les Constitutions des Saints Pères, et leur dit que la Religion serait toujours sujette aux variations, et peut-être en danger de se détruire , si elle n'était appuyée sur des règles qui assurassent sa stabilité par une police uniforme et constante; Que fur cette affaire capitale il avait déjà pris conseil des prélats et des abbés, que les uns lui avaient voulu persuader de suivre la profession érémitique, les autres d'embrasser la vie monastique, et de s'unir a l'Ordre de Cîteaux qui commençait de produire ses premières fleurs; mais que n'ayant pas encore consulté le Ciel sur le parti qu'il devait prendre, il les conjurait de joindre leurs vœux aux siens, pour ne rien hasarder sur le choix d'un état qui devait être l’ouvrage du Saint Esprit; Que s'il suivait son inclination, il préférerait la vie apostolique mais qu'il n'y avait point d'autre inclination à suivre que celle que Dieu autoriserait par son approbation ; Qu'ainsi ils devaient tous s'adresser à Dieu avec indifférence, et dans une disposition entière de se conformer à sa volonté, dès qu'il la leur aurait manifestée.
Ils s'appliquèrent pendant plusieurs jours à de ferventes prières, ils redoublèrent leurs mortifications, pour implorer les lumières du Saint-Esprit. Norbert qui était à leur tête, les animait par ses exemples, et enfin Dieu exauçant les vœux de ses fidèles serviteurs, ils se trouvèrent tous d'accord sur le choix de la vie canonique. S. Augustin que Norbert vit en esprit dans l’ardeur de ses oraisons fortifia leur choix. Alors le Saint ne douta plus que désormais il devait s'attacher à la règle de ce Saint Docteur. Tous s'y soumirent d'autant plus volontiers, que de quarante Religieux qui étaient à Prémontré, il n'y en avait pas un qui dans le siècle n'eût fait profession de la vie canonique.
Sur ce principe il commença le plan de son Ordre. Il donna pour fin à ses enfants de vaquer avec la grâce de Dieu au salut et à la perfection de leurs âmes. Il joignit à cette fin l'emploi de la prédication, et le soin de sanctifier le prochain, persuadé que rien ne contribue davantage à notre sanctification que de nous dévouer nous-mêmes au salut des âmes, et que rien ne nous rend plus propres à sauver les âmes que de nous sanctifier nous-mêmes. Il rassembla dans son institut le silence et les austérités de la vie monastique avec les fonctions de la vie cléricale. Il prit de la première l'oraison, la retraite, l'abstinence de chair, le chant de l’office divin. Il tira de la seconde tout ce qui peut aider au salut et à la perfection du prochain, les prédications, les missions parmi les infidèles et les hérétiques, l’administration des curés, l'étude de l'Ecriture Sainte et de la théologie sans laquelle on ne peut s'acquitter du ministère de l'Evangile. Sur ce projet il dressa le formulaire de leur profession, qu'ils firent tous avec lui le jour de Noël de l’année 1121.
Extrait de La vie de saint Norbert par le P. Louis-Charles Hugo, 1704.