Nouvelle critique musicale de Benoît XVI, de haute volée, en commentaire du concert qui lui a été offert par le président de la République italienne à l'occasion du quatrième anniversaire de son Pontificat.
J'ai trouvé le choix des compositions très adapté au temps liturgique que nous vivons : le temps de Pâques. La Symphonie n°95 de Haydn - que nous avons écoutée en premier - semble contenir en elle un itinéraire que nous pourrions qualifier de « pascal ». Elle commence en effet dans la tonalité de do mineur, et à travers un parcours toujours parfaitement équilibré, mais non exempt d'un caractère dramatique, se termine en do majeur. Cela fait penser à l'itinéraire de l'âme - représentée particulièrement par le violoncelle - vers la paix et la sérénité. Tout de suite après, la Symphonie n°35 de Mozart est presque parvenue à amplifier et couronner l'affirmation de la vie sur la mort, de la joie sur la mélancolie. En effet, le sens de la fête domine incontestablement en elle. La progression est très dynamique, et dans le final, irrésistible même - et ici nos instrumentistes virtuoses nous ont fait sentir combien la force peut s'harmoniser avec la grâce. C'est ce qui se produit au plus haut degré - si on me permet ce rapprochement - dans l'amour de Dieu, dans lequel puissance et grâce coïncident.
Après quoi les voix humaines - le chœur - entrent pour ainsi dire en scène , comme pour donner une voix à ce que la musique avait déjà voulu exprimer. Et ce n'est pas un hasard si le premier mot est « Magnificat ». Sortie du cœur de Marie - objet de prédilection de Dieu pour son humilité -, ce mot est devenu le chant quotidien de l'Église, précisément en cette heure des vêpres, un moment qui invite à la méditation sur le sens de la vie et de l'histoire. Le Magnificat préfigure clairement la Résurrection, c'est-à-dire la victoire du Christ : Dieu a réalisé en Lui ses promesses, et sa miséricorde s'est révélée dans toute sa puissance paradoxale. Jusque là : la « parole ».
Et la musique de Vivaldi ? Avant tout il convient de noter que les airs chantés par les solistes ont été composés expressément pour quelques chanteuses parmi ses élèves à l'Hôpital vénitien de la Pitié : cinq orphelines douées d'extraordinaires qualités vocales. Comment ne pas penser à l'humilité de la jeune Marie, dont Dieu tira de « grandes choses » ? Ainsi, ces cinq « solo » représentent presque la voix de la Vierge, tandis que les parties chorales expriment l'Eglise-Communauté. Toutes les deux, Marie et l'Église, sont unies dans l'unique cantique de louange au « Saint », au Dieu qui, avec la puissance de l'amour, réalise dans l'histoire son dessein de justice. Enfin, le Chœur a donné sa voix à ce sublime chef-d'œuvre qu'est l'Ave verum Corpus de Mozart. Ici, la méditation cède le pas à la contemplation : le regard de l'âme se pose sur le Très saint Sacrement, pour y reconnaître le Corpus Domini, ce Corps qui a vraiment été immolé sur la croix et dont a jailli la source du salut universel. Mozart composa ce motet peu avant sa mort, et en lui, on peut dire que la musique devient vraiment prière, abandon du cœur à Dieu, avec un sens profond de paix.