Largíre nobis, quǽsumus,Dómine, semper spíritum cogitándi quæ recta sunt, propítius et agéndi : ut, qui sine te esse non póssumus, secúndum te vívere valeámus.
Nous vous en prions, Seigneur, accordez-nous toujours, dans votre bonté, l’esprit de penser et d’agir selon la justice : afin que, ne pouvant exister sans vous, nous puissions conformer notre vie à votre volonté.
La collecte nous prémunit contre le péril de rendre stériles nos prières, par défaut de rectitude d’intention dans la demande. Les impies demandent parfois à Dieu la satisfaction de leurs mauvais désirs, et c’est de l’un d’eux qu’il est écrit au psaume 108 : Et oratio ejus fiat in peccatum. D’autres, par défaut de préparation et de sérieux, ne savent que dire à Dieu dans la prière et se comportent si irrévérencieusement que la Sagesse les compare à des gens qui tentent le Seigneur. D’autres, dans la prière, ne savent pas s’élever au-dessus de leurs petits intérêts égoïstes de cupidité, d’ambition, de jalousie ; à ceux-là, Dieu dit, comme aux deux fils de Zébédée : Nescitis quid petatis. Pour que Dieu accueille notre prière, il faut qu’elle nous soit vraiment utile, et la grâce seule nous est vraiment utile, elle qui nous dispose à la gloire. Prions donc, mais que notre prière s’inspire de la règle de l’oraison telle que Jésus nous l’a donnée : Sic ergo vos orabitis. Demandons au Père céleste sa gloire et l’accomplissement de sa volonté, et tout le reste nous sera donné par surcroît.
Bienheureux cardinal Schuster
Non seulement nous sommes par nous-mêmes incapables de toute bonne œuvre, mais la pensée même du bien surnaturel ne peut se produire en nous sans le secours de la grâce. Or le plus sûr moyen d’obtenir un secours si nécessaire, est de reconnaître humblement devant Dieu le besoin absolu que nous en avons, comme le fait l’Église dans la Collecte.
L’Année liturgique
En réalité la collecte va plus loin que le rappel de la nécessité de la grâce (le mot ne s’y trouve pas, d’ailleurs) pour produire de bonnes œuvres. Elle rappelle d’abord que sans Dieu nous n’avons aucune existence, en jouant sur les verbes esse et vivere. C’est seulement par Dieu et en Dieu que nous existons, et nous demandons à Dieu de vivre aussi selon la justice et la volonté de Dieu.
D’autre part on n’est pas surpris de voir dans cette collecte le mot « propitius ». Il est fréquent dans les collectes, comme il l’était déjà dans les prières de l’Ancien Testament, avec un écho en saint Luc quand le publicain dit : « Deus, propitius esto mihi peccatori » : ô Dieu sois propice à moi pécheur. Pourtant, le plus ancien sacramentaire avait « promtius », à savoir promptius (?), ce qui donne : « accordez-nous toujours l’esprit de penser et d’agir plus résolument (ou plus promptement), selon la justice ». C’est peut-être ce qu’avait écrit l’auteur de la collecte, avant que l’omniprésent « propitius » chasse le plus original « promptius »… A moins que promtius soit simplement une mauvaise graphie de propitius…
Cette collecte, qui souligne si fortement notre totale dépendance à Dieu y compris pour notre seule existence, n’est pas dans le goût de l’homme moderne. Elle a été néanmoins conservée dans les nouveaux livres (avec promptius), mais reléguée au jeudi de la première semaine de carême, où les pratiquants du dimanche ne peuvent la voir, pour remplacer une collecte quant à elle proprement insupportable, qui parlait de l’abstinence par laquelle les fidèles observant le carême affaiblissent leurs corps…