L’obsession Le Pen, ça continue. Il est vrai qu’il n’y a pas de raison que ça s’arrête, bien au contraire, avec le fameux sondage indiquant que 26% des Français se disent d’accord avec les idées du Front national. Il est vrai aussi que parler du Front national permet aux chefs de l’UMP et du PS de ne pas parler de leurs idées, ce qui est pratique puisqu’ils n’en ont guère, hormis leurs vieilleries… ou ce qu’ils copient chez Le Pen…
Dimanche, François Hollande a de nouveau tiré la sonnette d’alarme. Il ne faut pas oublier la menace Le Pen, a-t-il dit au Forum de Radio J. « Oublier cette menace, c’est en définitive la rendre possible. Dès lors que 25% des Français (et même 26, M. Hollande) dans les sondages disent qu’ils n’excluent pas de voter Jean-Marie Le Pen, cela peut vouloir dire qu’effectivement il peur réaliser un score tout proche de celui de 2002, voire davantage, et à partir de là tout est possible. » Tout quoi ? Il ne le précise pas. Mais ce doit être terrible.
Et Hollande d’accuser les autres candidats de ne pas s’occuper du problème, et même de l’aggraver. Ainsi Sarkozy, qui fait le jeu de Le Pen en allant sur son terrain. Et Bayrou plus encore, avec son positionnement « anti-système » et « ni droite ni gauche ». Hollande enfonce le clou : « Je ne trouve pas bon, quand on sait que Jean-Marie Le Pen fait le score qui est attendu, au moins autant qu’en 2002, que ceux qui sont en charge de l’essentiel, qui demain seront peut-être associés aux responsabilités du pays, tiennent finalement des discours ni gauche ni droite, contre les institutions, contre le système médiatique, tout en étant invités partout. »
Puis François Hollande s’est rendu à la réunion des partisans de Ségolène Royal, où étaient présents ensemble, à ce que l’on nous en a dit, caciques socialistes et non-adhérents du PS. Il a réitéré ce qu’il venait de dire à Radio J. Mais là, c’est Ségolène, naturellement, qui était la vedette.
Elle a demandé à ses partisans de changer leur façon de faire de la politique pour « ramener le vote populaire vers les socialistes et la gauche ». Et où était-il donc parti, ce vote populaire ? Elle ne l’a pas précisé. Mais chacun le sait. On ne va tout de même pas dire « Le Pen » dans toutes les phrases…
Changer la façon de faire de la politique, c'est mettre en œuvre la «démocratie participative ». Et Ségolène leur a fait un cours de « démocratie participative », pendant une heure. Il faut cultiver « la vérité de la parole », « secouer un certain nombre de formules, de tabous, d'idées reçues, de conforts intellectuels ». Une façon bien à elle de rappeler qu'il ne faut guère tenir compte du projet socialiste, auquel « les gens ne sont pas venus participer », mais qui était pourtant censé être le socle de la campagne socialiste.
Cela dit, on ne voit pas quels sont les tabous et les idées reçues qu'elle secoue. Invitée de France 5 dans la soirée, elle a déclaré que la justice avait davantage besoin de nouveaux moyens que de nouvelles lois qui s'accumulent. Est-ce un exemple de secouage ? Fort bien. Mais cela, c'est la position du Front national et de Jean-Marie Le Pen… Pas de chance…
D'autre part elle a qualifié les 35 heures de « formidable progrès social », que « personne ne peut contester », (donc ici elle est retournée dans l'ornière du tabou socialiste), puis elle en a appelé à un « dialogue social de qualité qui sorte du moyen âge ». Sans doute ne sait-elle pas que les corporations ont été abolies il y a plus de 200 ans…
Toujours est-il qu'à l'issue de la réunion parisienne, chaque premier secrétaire de fédération socialiste, président de comité « Désirs d'avenir » ou de comité de soutien, a été gratifié d’un kit de campagne, intitulé « Réussir un débat participatif ». Pour ramener le vote populaire, puisque c'est de cela qu'il s'agit. Et il faut donc s'adresser en priorité à « cette France qui pense ne compter pour rien : les travailleurs pauvres, les invisibles, les gens de peu ».
Les gens de peu… Voilà qui est pire encore que « la France d'en bas ». Marie-Ségolène va finir par nous parler des manants et des croquants. Et elle s'étonnera qu'ils votent pour le candidat qui non seulement ne les méprise pas mais leur rappelle leur dignité de Français riches d'un héritage dont ils sont spoliés.