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Du sexe des anges en temps de guerre

Selon la légende, l’élite de Constantinople discutait du sexe des anges alors que les Ottomans assiégeaient la capitale de l’empire byzantin, et l’on sait ce qui s’en est suivi. L’expression « discuter du sexe des anges » est devenue courante pour évoquer les gens qui pinaillent sur des sujets annexes alors que l’essentiel est en voie de destruction.

J’y pense aujourd’hui en lisant des blogs et des journaux de gens qui sont sincèrement attachés à défendre les valeurs fondamentales, mais qui, en cette période de campagne présidentielle, au lieu de faire bloc derrière le seul candidat crédible dont chacun sait qu’il défend ces valeurs fondamentales (cela fait plus de vingt ans qu’on le connaît), passent leur temps à couper des cheveux en seize et à se poser gravement des questions sur tel ou tel aspect de sa campagne.

Prenons, à côté des affiches de la beurette et du sujet inépuisable de l’avortement, l’exemple d’Alain Soral. Grand sujet d’inquiétude : Alain Soral a rejoint le Front national, et Alain Soral, qui vient du parti communiste, se dit toujours marxiste. Personnellement je ne comprends rien à ce que dit Alain Soral. Quand il explique que tout homme de droite nostalgique de l’ancien régime et pourfendant la laideur de la société bourgeoise fait du marxisme sans le savoir, quand il explique qu’être de gauche c’est se battre pour les nations enracinées, ou quand il se proclame marxiste, catholique, marié à l’église, croyant en la nécessaire transcendance des sacrements…

Mais que nous importe ? Quand on est sur la ligne de front, en grand danger d’être submergé par l’ennemi, si quelqu’un vient vous prêter main forte, vous n’allez pas tenir une conférence pour vous assurer qu’il est d’accord avec vous sur tel ou tel point de la doctrine sociale de l’Eglise, ou que sa conception des sacrements est celle de saint Thomas d’Aquin. Vous lui dites merci d’être venu, et vous continuez à vous battre.

Il s’agit de l’élection présidentielle. Le candidat doit recueillir 50 % des voix plus une voix. On peut évidemment se faire plaisir et soutenir un candidat (je ne vois d’ailleurs pas lequel) qui correspondra parfaitement à nos convictions et recueillera 0,02 % des voix. Mais cela veut dire concrètement qu’on se moque de ce qui va arriver. Qu’on préfère voir la France disparaître que de voter pour un homme qui ne correspond qu’à 90 % à ce qu’on attend de lui.

Nous ne sommes pas dans un débat académique, mais dans une élection démocratique, avec tout ce que cela comporte. On peut vouloir ne se compromettre en rien, on peut vouloir rester pur. Mais alors que ceux-là qui tiennent tellement à la prétendue pureté de leurs convictions ne parlent plus de l’élection présidentielle. Et qu’ils laissent faire ceux qui ont le courage de se salir les mains, ceux qui sont au front et subissent la mitraille. En de telles circonstances, ceux qui veulent garder les mains pures, comme disait Péguy à propos des kantiens, n’ont pas de mains.

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