Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Liturgie - Page 677

  • Stat crux dum volvitur orbis

    Stat crux dum volvitur orbis.
    C’est la devise des chartreux, dont le fondateur est saint Bruno.
    Cette phrase me fascine depuis la première fois que je l’ai lue.
    Elle est intraduisible. Car elle est d’une telle richesse de sens que toute traduction la mutile. Il n’y a guère que crux qui puisse « simplement » se traduire par croix, mais dans toutes ses significations religieuses et cosmiques.
    Stat crux dum volvitur orbis.
    C’est une définition générale du monde, de la vie spirituelle, de la vie sociale, de la vie politique... Le cosmos est en révolutions, la terre tourne, le monde change, tout se transforme, les sociétés évoluent, guerre et paix, révolutions et réactions… Mais la croix demeure. La croix est le seul élément fixe. Debout. La croix est l’axe du monde, des sociétés, de la personne. Et celui qui ne la discerne pas se disperse dans le mouvement, à la surface des choses, sans jamais trouver l’essentiel, le sens de la vie.
    C’est aussi ce que signifient un certain nombre de très anciens symboles, que l’on trouve un peu partout, croix cerclées ou svastikas.
    L’arbre de vie était au centre du paradis, d’où s’écoulaient quatre fleuves vers les quatre points cardinaux…
    La croix stable dans le cercle qui tourne sans fin, c’est elle qui à travers les vicissitudes, les occupations, les distractions, est et demeure le phare qui montre la voie, la vérité et la vie.
    Et ce ne sont là que de très fragmentaires aperçus des richesses de sens de la devise des chartreux. Pensez par exemple à ce que devient la croix dans une sphère (orbis !) : elle est à six branches, et sa septième dimension est son centre. Son centre, immobile, invisible, son cœur autour duquel tout se meut, et qui meut toutes choses…

  • Deux Placide en un

    Avant d’être le « jeudi de la 26e semaine du temps ordinaire » (comme s’il pouvait y avoir un temps ordinaire dans la liturgie, quelle expression affreuse), ce 5 octobre était la fête de saint Placide et de ses compagnons, martyrs. Et une grande fête chez les bénédictins, puisque Placide était un disciple de saint Benoît. En fait ce Placide martyr, qui avec d’autres fut victime des pirates barbaresques en Sicile, a été confondu avec le disciple de saint Benoît, que l’on fêtait le même jour.

    On lit toujours avec émotion le récit du miracle de Placide sauvé des eaux, tel que le raconte saint Gégoire le Grand dans son livre sur saint Benoît, et que voici :

    « Un certain jour, alors que le même vénérable Benoît se tenait en cellule, ledit Placide, cet enfant attaché à la personne du saint homme, sortit pour puiser de l'eau dans le lac. Tenant son récipient, il eut un geste imprudent en le mettant dans l'eau, et entraîné par ce mouvement, il y tomba lui aussi. Aussitôt, le courant le saisit, l'éloigna du bord et le tira vers le large jusqu'à la distance d'un jet de flèche ! Or l'homme de Dieu, à l'intérieur de sa cellule, eut aussitôt conscience de ce qui s'était passé et appela Maur en toute hâte : "Frère, lui dit-il, cours ! L'enfant qui était allé puiser de l'eau est tombée dans le lac et le courant l'a déjà entraîné fort loin !"

    « Chose admirable et qui ne s'était pas reproduite depuis l'apôtre Pierre ! Voici: la bénédiction ayant été demandée et reçue, Maur, stimulé par l'ordre de son Père gagna cet endroit et, se croyant toujours sur la terre ferme, il continua sa course sur l'eau jusqu'à l'endroit où l'enfant avait été emporté par le courant : il le saisit par les cheveux et revint toujours en courant. A peine eut-il touché terre et repris ses esprits qu'il jeta un regard derrière lui et voici que, ce qu'il n'aurait jamais cru possible, étonné et tout tremblant, il le voyait accompli !

    « De retour chez le Père, il lui rendit compte de cet exploit. Le vénérable homme de Dieu, Benoît, lui, se mit à attribuer la chose non à ses propres mérites mais à l'obéissance de son disciple. Maur, au contraire, disait que c'était dû uniquement à son ordre : il était bien conscient que cela ne venait pas de sa propre vertu puisqu'il avait agi inconsciemment. Mais voici que dans cet assaut d'humilité, réciproque et amical, l'enfant sauvé intervint comme arbitre. Car il disait : "Moi, lorsque j'étais retiré de l'eau, je voyais au-dessus de ma tête la melote du Père Abbé, et j'avais conscience que c'était lui qui me conduisait hors de l'eau." »

  • Saint François

    Olivier Messiaen

    Saint François d’Assise

    5e tableau

    L’ange

    – Dieu nous éblouit par excès de vérité. La musique nous porte à Dieu par défaut de vérité.

    8e tableau

    Saint François

    – Seigneur ! Seigneur ! Musique et poésie m’ont conduit vers Toi : par image, par symbole, et par défaut de vérité. Seigneur ! Seigneur ! Seigneur, illumine-moi de ta Présence ! Délivre-moi, enivre-moi, éblouis-moi pour toujours de ton excès de Vérité…

    (Il meurt)

  • La « petite » Thérèse

    La fête de sainte Thérèse de l’Enfant Jésus avait été logiquement fixée au 3 octobre : le premier jour disponible après l’anniversaire de sa naissance au ciel. Au grand jeu de chaises musicales, ou plutôt de billard américain, qu’a été la réforme du calendrier liturgique, saint Thérèse est allée prendre la place de saint Rémi, au 1er octobre, lequel s’est trouvé envoyé au 15 janvier, à la place déjà occupée par saint Paul ermite, et pour une mémoire seulement facultative. Autrement dit saint Rémi est passé à la trappe. Ce n’est évidemment pas par hasard.

    Sainte Thérèse est l’un des très grands maîtres spirituels de l’histoire de l’Eglise. Oui, elle est vraiment docteur de l’Eglise. Ce qui est frappant est de voir la pureté et la radicalité de sa doctrine, en son temps d’abominables bondieuseries et de lectures prétendument pieuses aussi éloignées que possible des sources de la Vie.

    Ce qui est encore plus frappant est de voir comment, par delà les siècles, la « petite » Thérèse apparaît comme la sœur, l’âme sœur, de Dosithée, le « petit » moine du monastère de Jean, Barsanuphe et Dorothée, aux premiers temps du monachisme, en Palestine, à Gaza. La spiritualité de Thérèse et celle de Dosithée sont tout simplement identiques.

    Or il se trouve que la tante de Thérèse avait pris au couvent le nom de Marie-Dosithée, et que Léonie, la sœur de Thérèse, avait d’abord pris comme nom Thérèse-Dosithée. Non, Dosithée, ce n’était pas elles, ce sera Thérèse. Mais comment connaissaient-elles seulement le nom de Dosithée, en ce temps où personne ne se préoccupait des pères du désert ? Et Thérèse savait-elle donc que Dosithée était son petit frère de Gaza ?

    Je ne suis pas du tout un spécialiste de sainte Thérèse. Si quelqu’un peut répondre à ces questions, je lui en serai très reconnaissant.

  • Les anges gardiens

    Comme nous l’avons vu le 29 septembre, les anges gardiens sont déjà au centre de la fête « de saint Michel », puisque ce sont eux qui sont évoqués par Jésus dans l’évangile de la messe de ce jour. Au cours du XVIe siècle se développa une liturgie des anges gardiens, dont la messe était célébrée à diverses dates selon les lieux, et Clément X, en 1670, fixa la fête au 2 octobre. (Dans le nouveau calendrier, ce n’est plus qu’une mémoire.)

    L’évangile est, forcément, le même que celui du 29 septembre. L’épître est cette admirable péricope de l’Exode : « Voici que je j’envoie mon ange devant toi pour te garder dans le chemin et te conduire au lieu que je t’ai préparé. Respecte-le, et écoute sa voix. Ne lui résiste pas : il ne pardonnerait pas si tu péchais, car mon nom est en lui. Si tu écoutes sa voix, si tu fais tout ce que je te dirai, je serai l’ennemi de tes ennemis, et j’affligerai ceux qui t’affligent. Car mon ange marchera devant toi. »

    Dans la Bible, le grand livre des anges gardiens est celui de Tobie.

    Le psaume est le 90e, récité chaque soir aux complies dans l'office monastique, pour que notre ange nous garde pendant la nuit.

  • 17e dimanche après la Pentecôte

    Da quaesumus Domine populo tuo diabolica vitare contagia, et te solum Deum pura mente sectari.

    Donne à ton peuple, Seigneur, d’éviter toute contagion diabolique, et de te suivre, toi le seul Dieu, en toute pureté de l’esprit.

  • Saint Jérôme

    Saint Jérôme est (notamment) l’auteur, pour l’essentiel, de la traduction latine de la Bible appelée Vulgate, et qui a été jusqu’à la « nouvelle Vulgate » la version officielle de la Bible dans l’Eglise catholique. C’est l’occasion de rappeler que la version la plus ancienne de l’Ancien Testament que nous ayons est le texte grec des Septante. Ensuite, c’est la Vulgate, qui n’est pas une traduction des Septante, mais l’établissement d’un texte authentique à partir de plusieurs manuscrits hébraïques dont saint Jérôme disposait, et qu’il pouvait comparer à la version des Septante. Les prétendus « textes originaux hébraïques » dont nous disposons aujourd’hui, à partir desquels sont traduites les Bibles modernes, sont tous nettement postérieurs à la Vulgate, en dehors des fragments retrouvés à Qumran. Ils ne remontent pas au-delà des VIIIe-IXe siècles.

    Il est à noter que saint Jérôme n’a pas réussi à imposer sa version des psaumes, bien qu’il tempêtât, avec toute son énergie de virulent polémiste, contre ceux qui préfèrent l’eau boueuse à l’eau claire. C’est que l’ancienne version latine des psaumes était déjà devenue la version « traditionnelle », adoptée par tous dans le cadre de la liturgie.

    Après le concile Vatican II a été réalisée une « nouvelle Vulgate », qui ne sert à personne, puisque la plupart des clercs et des fidèles ont abandonné le latin, et que ceux qui lisent encore la Sainte Ecriture en latin sont restés fidèles à l’ancienne Vulgate. On remarquera que dans les monastères où l’on a continué à chanter l’office en latin tout en adoptant la nouvelle liturgie (en tout cas dans un monastère que je connais), on a essayé d’utiliser les psaumes selon la nouvelle Vulgate, puis on y a renoncé, car cette version n’était tout simplement pas chantable. Les doctes scientifiques qui ont élaboré le texte ont tout simplement oublié que les psaumes ont vocation à être psalmodiés…

     

  • Saint Michel ?

    Le 29 septembre est traditionnellement la « Saint-Michel ». Jadis, et même naguère, c’était un jour important dans les campagnes, car c’était celui de la fin et du début du bail. Ce jour-là on voyait ainsi sur les routes un chassé-croisé de charrettes de paysans allant d’une ferme à l’autre.

    Dans le nouveau calendrier, c’est la fête des saints archanges Michel, Gabriel et Raphaël. Dans l’ancien calendrier, c’est en réalité la commémoration de la dédicace, au Ve siècle, d’une église de Rome dédiée à saint Michel. Cette messe de dédicace est devenue celle du 18e dimanche après la Pentecôte, et on lui a substitué une liturgie dédiée non seulement à saint Michel, mais à tous les anges, comme l’indique la collecte, et notamment aux anges gardiens, comme on le voit par l’évangile de la messe, qui est la péricope où Jésus évoque les anges des enfants qui dans les cieux voient toujours la face du Père. L’accent sur saint Michel s’est renforcé lorsque d’autres fêtes d’archanges, et des anges gardiens, ont été créées. Et le nouveau calendrier est revenu en arrière en supprimant les fêtes de saint Gabriel et de saint Raphaël pour adjoindre ces archanges à celui de l’Apocalypse (de Daniel et de saint Jean).

  • Les jours de nos années

    Anni nostri sicut aranea meditabuntur. Dies annorum nostrorum in ipsis septuaginta anni. Si autem in potentatibus, octoginta anni, et amplius eorum labor et dolor, quoniam supervenit mansuetudo, et corripiemur.

    Ces versets du psaume 89 (chanté aux laudes du jeudi), centré sur la brièveté et la précarité (comme une toile d’araignée) de la vie humaine sur cette terre, m’ont toujours frappé, en ce qu’ils contredisent radicalement l’idée reçue selon laquelle la vie ne cesse de s’allonger. Que nous dit-il en effet ? Que « les jours de nos années » sont de 70 ans, de 80 ans si nous sommes valides, et qu’au-delà nous connaissons la peine et la douleur, car nous nous affaiblissons.

    Ces versets ont été écrits il y a plus de 3000 ans. Saint Thomas d’Aquin remarquait qu’à son époque, au XIIIe siècle, il en était de même. La situation n’a guère changé. Tout au plus peut-on insister davantage sur les 80 ans, parce que les progrès de la médecine font que davantage de personnes peuvent surmonter certaines maladies, donc arriver à cet âge et le dépasser. Mais saint Augustin faisait remarquer que l’on voyait couramment d’alertes octogénaires. Vers l'an 400. Il le soulignait pour introduire son interprétation du psaume se fondant sur le symbolisme des nombres et non sur la lettre du texte.

    La fameuse « espérance de vie » n’a donc pas changé au point qu’on veut nous le faire croire. La progression spectaculaire que montrent les statistiques est due presque uniquement à la diminution considérable de la mortalité infantile.

    Quoi qu’il en soit, il est absolument vrai que notre vie, si longue soit-elle, n’est rien au regard de Dieu, pour qui mille ans sont comme le jour qui vient de passer (quoniam mille anni ante oculos tuos tanquam dies hesterna quae praeteriit).

    Un grand sujet de méditation pour l’araignée que nous sommes, si fière de sa toile…

  • Duo haec audivi

    Semel locutus est Deus, duo haec audivi, quia potestas Dei est, et tibi, Domine, misericordia, quia tu reddes unicuique juxta opera sua.

    Dieu a parlé une fois, j’ai entendu cela deux fois, parce que c’est la puissance de Dieu, et à toi, Seigneur, est la miséricorde, car tu rends à chacun selon ses œuvres.

    C’est le dernier verset du psaume 61 (62), qui appartient à l’office des matines du mercredi dans le bréviaire monastique.

    Il paraît fort énigmatique. Les pères de l’Eglise ont montré qu’il s’agissait d’une des prophéties christiques qui parsèment les psaumes : le Verbe de Dieu est un, mais le Christ est en deux natures ; le commandement divin de l’amour est un, mais il se décline en amour de Dieu (qui revient en miséricorde) et amour du prochain (au principe des bonnes œuvres).