Sainte Euphémie n’est plus qu’un nom enfoui dans le martyrologe romain. Avant la réforme liturgique, elle était commémorée dans le calendrier monastique bénédictin. En Orient, elle a pourtant reçu le titre rare de « mégalomartyre » (grande martyre), et elle a deux fêtes dans l’année : le jour de son martyre, le 16 septembre, et le 11 juillet. Dans La légende dorée, Jacques de Voragine raconte par le menu comment elle fut martyrisée sous Dioclétien. Mais son destin posthume mérite de ne pas être oublié, particulièrement en France.
Sainte Euphémie était de Chalcédoine, et sur son tombeau on édifia une grande basilique. C’est cette basilique qui fut choisie pour accueillir le IVe concile œcuménique. Ainsi, comme le dit Dom Guéranger dans L’Année liturgique, « c'est sur sa tombe que fut promulguée la condamnation de l'impie Eutychès, et vengée l'intégralité de la double nature de l'Epoux, homme et Dieu ».
Selon l’historien Nicéphore, les pères du concile, après des jours de discussions sans fin, décidèrent de demander à Dieu de trancher sur la question de la personne du Christ. Chacun des deux camps déposa dans la tombe d’Euphémie l’exposé de sa doctrine, et les pères se mirent en prière. Quand ils ouvrirent le tombeau, la thèse orthodoxe se trouvait sur la poitrine de la sainte (ou dans sa main droite selon les sources), et la thèse hérétique à ses pieds. C’était le 11 juillet 451, et la deuxième fête de sainte Euphémie commémore donc ce miracle.
« La grande martyre sembla conserver d'un si auguste souvenir une prédilection pour les hautes études concernant la doctrine sacrée », dit Dom Guéranger. La mégalomartyre était devenue, post mortem, une grande théologienne. Et la faculté de théologie de l’Université de Paris l’honorait comme sa patronne principale. En 1617, le grand maître de l’Ordre de Malte, Aloph de Vignacourt, apporta à la Sorbonne des reliques de la sainte, dont le corps avait été transféré à Rhodes, puis à Malte dans l'église Saint-Jean.
Que sont devenues les reliques de sainte Euphémie ? La Révolution est passée par là, effaçant le souvenir des anciens martyrs et en faisant de nouveaux.
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Sainte Euphémie
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Notre Dame des sept douleurs
Ferrum lanceae militaris, latus quidem Salvatoris, animam vero transivit Viriginis.
(Si le fer de la lance du soldat transperça, certes, le côté du Sauveur, c’est l’âme de la Vierge qu’il transperça vraiment.)
La fête (?) de ce jour est moderne, et typique d’une certaine religiosité. Apparue en 1668 dans la liturgie des Servites de Marie (au troisième dimanche de septembre), elle est ensuite insérée au calendrier universel, et fixée au 15 septembre, donc au lendemain de l’Exaltation de la Sainte Croix, par saint Pie X.
Le contraste entre les deux fêtes est saisissant, et rude.
La première est, comme son nom l’indique, et comme il l’indique encore davantage dans le nouveau calendrier, une glorification de la Croix, une célébration de la Croix de gloire. L’instrument du supplice le plus misérable est devenu la porte de la résurrection éternelle. La liturgie insiste sur le parallèle entre l’arbre du paradis terrestre, le bois qui a apporté la mort au monde, et l’arbre de la Croix, le bois par lequel la vraie vie est donnée aux hommes. Cette glorification de la Croix, après la Résurrection du Christ, est le pendant de la liturgie du Vendredi Saint, où le fidèle est invité à contempler la souffrance et la mort du Sauveur.
La seconde est tout entière centrée sur les douleurs de Marie, au point que tous les psaumes des matines (je parle de la liturgie d’avant la réforme, la seule que je connaisse) sont des psaumes de persécution (alors que normalement, dans les fêtes, les psaumes du deuxième nocturne sont des psaumes de gloire). La liturgie échappe au dolorisme parce qu’il s’agit d’une liturgie catholique et que le dolorisme n’est pas catholique, et elle permet de savourer les sublimes versets du Cantique des cantiques, mais elle fait parfaitement double emploi avec la célébration de… Notre Dame des sept douleurs, le vendredi après le dimanche de la Passion. Et cela est encore souligné par le fait que la messe est la même.
Ce qui est proprement incompréhensible est le fait, pour un saint pape, d’avoir élevé la fête de Notre Dame des sept douleurs au rang de fête de deuxième classe, alors que l’Exaltation de la Sainte Croix n’était que « double majeure » : cela impliquait que les deuxièmes vêpres de l’Exaltation de la Sainte Croix disparaissent au profit des premières vêpres de Notre Dame des sept douleurs, et que si l’une ou l’autre tombe un dimanche, la liturgie du dimanche prime celle de l’Exaltation de la Sainte Croix, alors que celle de Notre Dame des sept douleurs prime le dimanche. (Aujourd’hui ce n’est plus le cas, parce qu’il n’y a quasiment plus de fêtes qui puissent primer le dimanche, ce qui est un excès inverse.)
Addendum. Dans le "missel de 1962", les deux fêtes sont de deuxième classe. Celle des sept douleurs ne peut donc pas primer le dimanche, tandis que celle de l'Exatation de la Sainte Croix le peut, car il s'agit d'une fête du Seigneur.
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Vivifiante Croix
La fête de ce jour est dans le calendrier romain d’avant la réforme liturgique celle de l’Exaltation de la sainte Croix. On dit aujourd’hui fête de la Croix glorieuse, ce qui est légitime et précise son sens : célébrant le triomphe de la Croix qui est le triomphe de la Vie sur la mort, elle fait le pendant du Vendredi Saint, où l’on médite les souffrances du Christ sur la Croix.
Dans le calendrier byzantin, elle est celle de l’Exaltation universelle de la vénérable et vivifiante Croix. C’est une fête très importante, au point qu’elle est dotée non seulement d’une vigile, mais que le dimanche précédent est le dimanche « avant la Croix », et le dimanche suivant est le dimanche « après la Croix ».
Faisant allusion à la victoire d’Héraclius sur les Perses, qui permit de récupérer la sainte Croix qu’ils avaient prise à Jérusalem (c’est l’origine de cette fête), mais lui donnant une portée universelle, le tropaire de la fête chante ceci : « Sauve, Seigneur, ton peuple, bénis ton héritage. Accorde à nos chefs victoire sur les ennemis. Garde par ta Croix ce pays qui est tien. »
La divine liturgie de la sainte et vivifiante Croix sera célébrée ce jour en l’église Saint-Julien-le-Pauvre, à Paris, exceptionnellement à 18 h 30, en raison de la présence exceptionnelle du patriarche grec-catholique S.B. Grégoire III et de l’archevêque grec-catholique de Tyr, qui font une tournée pour attirer l’attention sur le sort du Liban et des chrétiens du Sud Liban.
Pourquoi est-ce que j’évoque la liturgie byzantine et Saint-Julien-le-Pauvre ? Parce que c’est ma « paroisse » (d’élection) depuis plus de vingt ans. Puisque de nombreuses Eglises orientales ont un lieu de culte à Paris, j’avais décidé de faire un peu de « tourisme liturgique ». La première église que je visitai fut Saint-Julien-le-Pauvre, parce que c’est une des plus anciennes de Paris et qu’elle est spécialement chargée d’histoire (elle fut la chapelle de la Sorbonne, et l’on y vit saint Thomas d’Aquin, saint Bonaventure, saint Yves, Dante, etc.) Je découvris là une liturgie d’une si intense beauté que j’y suis resté. C’est mon paradis de chaque dimanche, et un peu plus si possible (notamment la semaine sainte). Le chantre, qui a une voix superbe et a constitué une remarquable chorale, est un des meilleurs spécialistes du chant byzantin, et le curé actuel fait des homélies d’une grande profondeur spirituelle, truffées de citations de pères de l’Eglise. A Saint-Julien-le-Pauvre, on est porté tout naturellement à la contemplation, en se laissant porter dans le grand fleuve de la tradition orientale. C’était aussi une façon d’échapper aux tensions, polémiques, crispations qui à tort ou à raison secouaient le mouvement « traditionaliste » (et ça ne s’est pas arrangé par la suite).
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Echo liturgique
Exsurge Domine, non prevaleat homo.
Dresse-toi, Seigneur, afin que l'homme ne prévale pas.
antienne de prime du mercredi, du psaume 9 (bréviaire monastique)
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12 septembre
Et le nom de la Vierge était Marie.
La fête du saint nom de Marie a été instituée par le pape Innocent XI après la victoire de Vienne contre les Turcs (1683). Le roi de Pologne Jean Sobieski, principal artisan de cette victoire, avait rapporté la tente du grand vizir à Czestochowa, où l'on peut toujours la voir. Cette fête a été supprimée du nouveau calendrier...