Conditor alme siderum,
Æterna lux credentium,
Christe, redemptor omnium,
Exaudi preces supplicum.
Qui condolens interitu
Mortis perire sæculum,
Salvasti mundum languidum,
Donans reis remedium,
Vergente mundi vespere,
Uti sponsus de thalamo,
Egressus honestissima
Virginis matris clausula.
Cujus forti potentiæ
Genu curvantur omnia;
Cælestia, terrestria
Nutu fatentur subdita.
Te deprecamur, hagie,,
Venture judex sæculi,
Conserva nos in tempore
Hostis a telo perfidi.
Laus, honor, virtus, gloria,
Deo Patri et Filio,
Sancto simul Paraclito,
In sæculorum sæcula. Amen.
De tous les feux du ciel seul auteur et seul maître,
Vive lumière des croyants,
Rédempteur, qui pour tous sur terre as voulu naître,
Daigne exaucer tes suppliants.
Ta pitié, qui voyait périr tes créatures
Après d'inutiles travaux,
Ranime nos langueurs, et ferme nos blessures
Par un remède à tous nos maux.
Sur le couchant du monde, et vers l'heure fatale
Dont le menaçait ton courroux,
Tu sors d'une clôture et sainte et virginale
Avec tout l'amour d'un époux.
Tous les êtres du ciel, tout ce qu'en a la terre,
Courbent le genou devant toi,
Et sans avoir besoin d'éclairs ni de tonnerre,
Un clin d'œil les tient sous ta loi.
Saint des saints, qu'on verra du trône de ton père
Descendre encor pour nous juger,
Contre un fier ennemi, durant cette misère,
Prends le soin de nous protéger.
Louange à tout jamais au Père inconcevable !
Louange à son Verbe en tout lieu !
Louange à l'Esprit Saint, ainsi qu'eux ineffable,
Qui n'est avec eux qu'un seul Dieu !
(Hymne des vêpres de l'Avent, traduction Pierre Corneille. Une fois qu'on a apprécié la belle réussite que constitue cette traduction sur le plan de la poésie française, on peut noter les ajouts significatifs que fait Corneille au texte latin, bien dans la spiritualité de son époque. Il ajoute « Après d'inutiles travaux », « Dont le menaçait ton courroux », les éclairs et le tonnerre, et il fait du « temps » une « misère »... On remarque plus encore qu'il traduit « Ranime nos langueurs, et ferme nos blessures » un vers qui veut dire « Tu as sauvé le monde malade ». L'hymne de l'Avent ne demande pas au Christ de nous guérir, elle constate qu'il nous a sauvés en venant dans notre monde.)
Liturgie - Page 564
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Conditor alme siderum
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Saint André
Le premier appelé à l'Apostolat, l'imitateur de votre Passion, celui qui se rendit semblable à vous, Seigneur, c'est André, Apôtre, lequel se servant de votre Croix comme d'une ligne salutaire, retira de l'abîme de l'ignorance ceux qui v vivaient errants autrefois, et vous les amena ; c'est pourquoi, nous, fidèles qui avons été sauvés, nous crions vers vous, ô Seigneur de bonté : Pacifiez notre vie et sauvez nos âmes par son intercession !
L'Apôtre disciple du Christ est un feu qui illumine les intelligences, consume les péchés et pénètre jusqu'au fond des cœurs. Il brille par les mystiques rayons de ses préceptes dans les cœurs ténébreux des Gentils. Il consume les vains rejetons des discours fabuleux des impies ; tant a d'énergie le feu de l'Esprit Saint ! O étonnante merveille ! une langue de limon, une nature d'argile, un corps de poussière a montré à tous l'intellectuelle, l'immatérielle Gnose. Et toi, ô initié des mystères ineffables ! ô contemplateur des choses célestes ! daigne prier le Seigneur d'illuminer nos âmes.
(Liturgie byzantine, extrait des vêpres) -
Premier dimanche de l’Avent
L'évangile de ce premier dimanche de l'année liturgique est très proche de celui du dernier dimanche. Celui-ci était de saint Matthieu, celui-là est de saint Luc. Il se termine par la même parabole du figuier. Parmi les différences entre ces deux textes, il en est une qui est frappante : saint Luc montre Jésus reliant les signes qu'il vient de décrire à la parabole, en disant : « Quand cela commencera à arriver, redressez-vous, élevez vos têtes, elle est proche, votre rédemption. »
Le mot « rédemption » traduit le grec « apolytrosis », qu'on ne rencontre nulle part ailleurs dans les évangiles. Ce mot veut dire rachat d'un captif, libération moyennant rançon. C'est saint Paul qui dans ses épîtres lui donnera son sens théologique de « rédemption ».
Et ce mot donne une orientation particulière au texte : cette rédemption qui est proche, c'est le mystère de Noël.
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Memento, salutis Auctor
Memento, salutis Auctor,
Quod nostri quondam corporis,
Ex illibata Virgine
Nascendo, formam sumpseris.
Maria, mater gratiæ,
Mater misericordiæ,
Tu nos ab hoste protege,
Et hora mortis suscipe.
Gloria tibi, Domine,
Qui natus es de Virgine,
Cum Patre et Sancto Spiritu
In sempiterna saecula. Amen.
Bénin sauveur de la nature,
Souviens-toi que d'un criminel
Tu pris la forme au sein d'une vierge très-pure,
Et daignas comme nous naître enfant et mortel.
O mère de grâce, ô Marie,
Qui n'es que douceur et qu'amour,
Contre nos ennemis protège notre vie,
Et rends-toi notre asile au grand et dernier jour.
Gloire à toi, merveille suprême,
Dieu, par une vierge enfanté !
Même gloire à ton Père, au Saint-Esprit la même,
Et durant tous les temps dans l'éternité !
(Hymne des petites heures du petit office de la Sainte Vierge, traduction Pierre Corneille) -
Tu Trinitatis Unitas
Tu Trinitatis Unitas,
Orbem potenter quae regis,
Attende laudis canticum,
Quod excubantes psallimus.
Ortus refulget Lucifer
Sparsamque lucem nuntiat,
Cadit caligo noctium,
Lux Sancta nos illuminet.
Nam lectulo consurgimus
Noctis quieto tempore,
Ut flagitemus omnium
A te medelam vulnerum.
Quo fraude quidquid dæmonum
In noctibus deliquimus,
Abstergat illud cælitus
Tuæ potestas gloriæ.
Ne corpus adsit sordidum,
Nec torpor instet cordium,
Nec criminis contagio
Tepescat ardor spiritus.
Ob hoc, Redemptor, quæsumus:
Reple tuo nos lumine,
Per quod dierum circulis
Nullis ruamus actibus.
Præsta, Pater piissime,
Patrique compar Unice,
Cum Spiritu Paraclito,
Regnans per omne sæculum.
Amen.
Auteur de toute chose, essence en trois unique,
Dieu tout-puissant, qui régis l'Univers,
Dans la profonde nuit nous t'offrons ce cantique ;
Ecoute-nous, et vois nos maux divers.
Tandis que du sommeil le charme nécessaire
Ferme les yeux du reste des humains,
Le cœur tout pénétré d'une douleur amère,
Nous implorons tes secours souverains.
Que tes feux de nos cœurs chassent la nuit fatale :
Qu'à leur éclat soient d'abord dissipés
Ces objets dangereux que la ruse infernale
Dans un vain songe offre à nos sens trompés.
Que notre corps soit pur ; qu'une indolence ingrate
Ne tienne point nos cœurs ensevelis ;
Que, par l'impression du vice qui nous flatte,
Tes feux sacrés n'y soient point affaiblis.
Qu'ainsi, divin Sauveur, tes lumières célestes
Dans tes sentiers affermissant nos pas,
Nous détournent toujours de ces pièges funestes
Que le démon couvre de mille appas.
Exauce, Père saint, notre ardente prière,
Verbe son Fils, Esprit leur nœud divin,
Dieu qui, tout éclatant de ta propre lumière,
Règnes au ciel sans principe et sans fin.
(Hymne des matines du vendredi, traduction Jean Racine.) -
Saint Silvestre, abbé
Saint Silvestre fut Abbé et fondateur de l'Ordre des Silvestrins, une branche réformée de l'Ordre de Saint Benoît. Assistant un jour aux funérailles d'un noble qui était son parent, et voyant dans le cercueil ouvert le cadavre inanimé de celui qui avait été un bel homme, il s'écria : "Je suis ce qu'il était ; mais je serai aussi ce qu'il est."(*) Aussitôt après la cérémonie, la parole du Seigneur lui revint à l'esprit : "Quiconque veut me suivre, qu'il se renonce à soi-même, prenne sa croix, et qu'alors il me suive" (Matth., 16, 24). Il se retira alors dans la solitude (Grotta fucile, près d'Osimo), pour travailler à l'œuvre de la perfection. Il mourut à l'âge de 90 ans en 1267. Les membres de son Ordre portent le costume des Bénédictins, mais de couleur bleue turquoise. L'Oraison rappelle que saint Silvestre comprit le néant de ce monde sur le bord d'une tombe ouverte et qu'il se retira dans la solitude. Comme cette pensée de la mort convient bien à la fin de l'année ecclésiastique ! Nous devrions aujourd'hui, en la fête liturgique de saint Silvestre, faire un retour sur l'année écoulée : Comme le monde, avec toute sa pompe, nous paraîtra alors peu de chose !
Dom Pius Parsch
(*) Ego sum quod hic fuit ; quod hic est, ego ero.
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Mgr Guido Marini parle de la liturgie
Un très beau texte du cérémoniaire du pape, sur l'authentique esprit de la liturgie, la « participation active », et la musique liturgique.
Avec en prime une superbe citation du cardinal Ratzinger :
"Gandhi évoque les trois milieux dans lesquels s'est développée la vie dans le cosmos, et note que chacun d'eux porte une façon d'être qui lui est propre. Dans la mer vivent les poissons, silencieux. Les animaux qui vivent sur la terre ferme crient, tandis que les oiseaux qui peuplent le ciel chantent. Le silence est le propre de la mer; le propre de la terre ferme, c'est le cri; le propre du ciel, le chant. Mais l'homme participe des trois: il porte en lui la profondeur de la mer, le fardeau de la terre et les hauteurs du ciel. C'est pourquoi il est aussi silence, cri et chant. Aujourd'hui - ajouterais-je - nous le voyons, il ne reste plus que le cri à l'homme sans transcendance, parce qu'il ne veut plus être que terre et qu'il tente aussi de transformer en sa terre les profondeurs de la mer et les hauteurs du ciel. Or, la véritable liturgie - la liturgie de la communion des saints - lui restitue sa totalité. Elle lui réapprend le silence et le chant en lui ouvrant les profondeurs de la mer et en lui apprenant à voler, à participer de l'être des anges. En élevant le cœur, elle fait à nouveau retentir la mélodie ensevelie. Oui, nous pouvons même dire maintenant, à l'inverse: on reconnaît la véritable liturgie à ce qu'elle nous libère de l'agir ordinaire et nous restitue la profondeur et la hauteur, le silence et le chant. On reconnaît la liturgie authentique à ce qu'elle est cosmique et non fonction du groupe qui célèbre. Elle chante avec les anges, elle se tait avec la profondeur du tout, en attente. C'est ainsi qu'elle libère la terre, qu'elle la sauve."
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Sainte Catherine d’Alexandrie
Que notre chœur harmonieusement chante le Créateur, par qui toutes choses sont disposées : par lui combat celui qui ignorait la guerre, par lui sur l'homme à des jeunes filles la victoire est donnée.
Par lui les habitants d'Alexandrie sont stupéfaits de voir en une femme des qualités qui semblaient n'être pas de la femme, lorsque Catherine la bienheureuse triomphe des docteurs par sa science, du fer par son courage à souffrir.
A la gloire de sa race sa vertu sans pareille ajoute un éclat nouveau ; illustre par ceux qui la mirent au monde, illustre elle est plus encore par les mœurs saintes dont fa grâce l'a favorisée.
Tendre est la fleur de sa beauté; point cependant elle ne lui épargne étude et labeur : de toutes sciences, qu'elles aient le monde ou Dieu pour objet, sa jeunesse s'est rendue maîtresse.
Vase de choix, vase des vertus, les biens qui passent ne sont pour elle que de la boue ; elle méprise la fortune de son père et les grands patrimoines que lui vaut sa naissance.
Vierge prudente et sage, elle se fait sa réserve d'huile pour aller au-devant de l'Epoux : elle veut, toute prête à l'heure qu'il arrivera, entrer sans retard au festin.
Pour le Christ elle désire mourir ; devant l'empereur à qui elle est présentée, l'éloquence de la vierge réduit cinquante philosophes au silence.
L'horreur de la prison où on l'enferme, et l'épreuve des roues menaçantes, la faim, les privations, tout ce qu'elle doit subir, elle le supporte pour l'amour de Dieu, toujours la même en toute rencontre.
Torturée, elle triomphe du bourreau ; la constance d'une femme a triomphé d'un empereur : c'est lui qui est dans les tourments, parce que le bourreau s'avoue vaincu avec ses supplices impuissants.
Elle est enfin décapitée ; la mort pour elle au trépas a pris fin ; elle fait joyeuse son entrée dans la vie : ce pendant que les Anges prennent soin d'ensevelir son corps en une terre lointaine.
Une huile en découle qui, par une grâce évidente, guérit beaucoup de malades; bonne pour nous sera l'essence, si son intervention guérit nos vices.
Présente à nous, qu'elle se réjouisse en voyant les joies qu'elle nous cause ; que nous donnant les présentes joies, elle nous procure aussi les futures ; qu'elle se réjouisse avec nous ici-bas, et nous avec elle dans la gloire. Amen.
(Séquence du Graduel de Saint-Victor, traduite dans l'Année liturgique) -
Saint Jean de la Croix
Le feu matériel appliqué au bois commence par le dessécher, il en expulse l'humidité et lui fait pleurer toute se sève. C'est alors qu'il commence par le rendre peu à peu noir, obscur, vilain, il lui fait répandre même une mauvaise odeur ; il le dessèche insensiblement, il en tire tous les éléments grossiers et cachés qui sont opposés à l'action du feu. Finalement, quand il commence à l'enflammer à l'extérieur et à l'échauffer, il le transforme en lui-même et le rend aussi brillant que le feu. En cet état, le bois a déjà en lui les propriétés et les forces actives du feu. Il est sec et il dessèche ; il est chaud et il réchauffe ; il est lumineux et il répand sa clarté ; il est beaucoup plus léger qu'avant, et c'est le feu qui lui a communiqué ces propriétés et ses effets. (...)
Nous devons raisonner de la même manière avec ce feu divin d 'amour de contemplation qui, avant de s'unir à l'âme et de la transformer en soi, la purifie d'abord de tous ses éléments contraires. Il en fait sortir toutes ses souillures, li la rend noire, obscure ; aussi apparaît-elle pire qu'avant, beaucoup plus laide et abominable qu'avant. Il lui semble évident que, non seulement elle est indigne du regard de Dieu mais qu'elle mérite qu'il l'ait en horreur. (...)
Si le bois s'enflamme plus ou moins vite, selon qu'il est plus ou moins disposé à recevoir le feu, l'âme, de son côté, s'embrase de plus en plus d'amour au fur et à mesure qu'elle se dépouille et se purifie par le moyen de ce feu d'amour.
(La nuit obscure)
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Saint Clément Ier
Les grands ne peuvent être sans les petits, ni les petits sans les grands; il y a en toute espèce de chose un certain mélange, en quoi réside son utilité. Prenons (exemple de) notre corps : la tète sans les pieds n'est rien ; de même les pieds, rien sans la tête. Les moindres membres de notre corps sont nécessaires et utiles au corps entier ; ou plutôt tous conspirent et servent, par une subordination unanime, au salut du corps entier.
Qu'il soit donc conservé en son intégrité le corps que nous formons en Jésus-Christ ; que chacun se subordonne à son voisin, selon le charisme dont il a été investi. Que le fort prenne soin du faible, que le faible respecte le fort ; que le riche fournisse aide au pauvre, que le pauvre remercie Dieu de lui avoir donné quelqu'un pour suppléer à son indigence. Que le sage manifeste sa sagesse, non par des paroles mais par de bonnes actions ; que l'homme humble ne témoigne pas en sa propre faveur, mais qu'il laisse à un autre le soin de lui rendre témoignage. Que celui qui est chaste dans sa chair ne s'en vante pas, sachant que c'est un autre qui lui accorde (le don de) la continence. [U]Calculons donc, frères, de quelle matière nous avons été formés, quels nous étions et qui nous étions en entrant dans le monde, de quelle tombe, de quelles ténèbres, notre auteur et créateur nous a fait passer dans le monde qui est le sien, où il nous avait préparé ses bienfaits dès avant notre naissance. Puisque nous tenons tout de lui, nous avons le devoir de lui rendre grâces de toutes choses. A lui la gloire dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
(Epître de saint Clément de Rome aux Corinthiens, 36-37)