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Liturgie - Page 206

  • Saint Joseph Calasanz

    Commentaire de l’évangile par saint Jean Chrysostome (lecture des matines avant 1960) :

    « Gardez-vous de mépriser un seul de ces petits enfants ; parce que leurs Anges voient toujours la face de mon Père », parce que je suis venu pour eux et que telle est la volonté de mon Père. Par là, Jésus-Christ nous rend plus attentifs à protéger et à préserver les petits enfants. Vous voyez quels grands remparts il a élevés pour abriter les faibles ; que de zèle et de sollicitude il a pour empêcher leur perte ! Il menace des châtiments les plus graves ceux qui les trompent ; il promet à ceux qui en prennent soin la suprême récompense ; et cela, il le corrobore tant par son exemple que par celui de son Père.

    A nous donc aussi d’imiter le Seigneur, et de ne rien négliger pour nos frères, pas même les choses qui nous sembleraient trop basses et trop viles ; mais s’il est besoin même de notre service, quelque faible et humble que soit celui qu’il faut servir, quelque difficile et pénible que la chose paraisse, que tout cela, je vous en prie, nous semble tolérable et aisé pour le salut d’un frère : car Dieu nous a montré que cette âme est digne d’un si grand zèle et d’une si grande sollicitude, que pour elle « il n’a pas même épargné son Fils ».

    Puisque, pour assurer notre salut, il ne suffit pas de mener une vie vertueuse, et qu’il faut encore effectivement désirer le salut d’autrui, que répondrons-nous, quel espoir du salut nous restera, si nous négligeons de mener une vie sainte, et d’exciter les autres à faire de même ? Quelle plus grande chose que de discipliner les esprits, que de former les mœurs des tendres adolescents ? Pour moi, celui qui s’entend à former l’âme de la jeunesse est assurément bien au-dessus des peintres, bien au-dessus des statuaires, et de tous les artistes de ce genre.

  • Saint Zéphirin

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    Cimetière de saint Calixte, crypte des papes, dont le premier fut saint Zéphirin.

    Centre des vastes Catacombes qui en font la reine des voies, le cimetière de Saint-Callixte était exploré. Mais dans ce grand faubourg de la ville souterraine on distinguait plusieurs quartiers. Bien que partie intégrante de la Catacombe principale, ils sont désignés par des noms propres et méritent l’attention du voyageur à cause des événements dont ils furent le théâtre. De ce nombre est le cimetière de Saint-Zéphirin, pape et martyr. « Le glorieux pontife, dit Anastase, fut déposé dans son cimetière, près de la Catacombe de Callixte, sur la voie Appienne. » Qu’il l’ait fait ouvrir ou qu’il l’ait seulement honoré par sa sépulture, Zéphirin méritait de donner son nom à cette partie de la Rome souterraine.

    Elevé en 203 sur le trône déjà quinze fois ensanglanté de saint Pierre, il gouverna l'Église pendant la persécution de Septime-Sévère. L'orage fut tellement violent qu'on crut à l'arrivée du véritable Antechrist et à l’approche de la dernière heure du monde. Caché dans les Catacombes, d’où il dirigeait la lutte, encourageait les combattants et leur donnait dans les eaux du baptême des successeurs au martyre, le saint pape sortit un jour de sa retraite, afin de recevoir dans ses bras paternels le plus grand génie de l'Orient, accouru pour voir de ses yeux l’antique Eglise de Rome. Ces bras qui venaient de s’ouvrir pour embrasser Origène s'armèrent bientôt pour frapper Proclus, l’opiniâtre sectateur de Montan. Après avoir encouragé les martyrs, affermi les apologistes et condamné les hérétiques, le souverain pasteur, devenu victime à son tour, monta sur l’échafaud et signa de son sang la foi dont il avait reçu le dépôt de saint Victor et qu’il transmit à saint Callixte l’an 221. La Catacombe de Saint-Zéphirin fut bientôt absorbée dans celle de Saint-Callixte, en sorte qu’aujourd'hui les archéologues romains ne peuvent avec certitude en assigner les limites.

    Jean Gaume, Les trois Rome : journal d'un voyage en Italie, 1857.

    L’auteur s’inspire des Vitæ pontificum romanorum d’Antonio Sandini, de 1748, qui suit lui-même la chronologie de Baronius, qui fait mourir Zéphirin en 221. Alors que selon Eusèbe de Césarée c’était en la première année du règne d’Héliogabal, donc en 218. Selon les historiens actuels, c’est en 217. C’est Eusèbe de Césarée qui signale à la fin du chapitre 14 du 6e livre de son Histoire ecclésiastique :

    Quant à Adamantios (c'est le nom d'Origène), aux temps où Zéphyrin gouvernait l'église des Romains, il séjourna à Rome ainsi qu'il l'écrit quelque part en ces termes : « Ayant souhaité voir la très ancienne église des Romains. » Il y resta peu et il revint à Alexandrie où il remplit ses fonctions accoutumées à la catéchèse avec tout son zèle.

  • 11e dimanche après la Pentecôte

    Allelúia. Exsultáte Deo, adjutóri nostro, jubiláte Deo Jacob : súmite psalmum jucúndum cum cíthara. Allelúia.

    Réjouissez-vous en Dieu notre aide, chantez au Dieu de Jacob, entonnez le psaume harmonieux sur la cithare. Alléluia.

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    Il y a dans le verset de cet alléluia (qui vient du psaume 80) trois impératifs, qui commencent logiquement trois phrases, tant dans le texte que dans la mélodie. Musicalement, le premier et le troisième sont des intonations, qui vont de la tonique à la dominante et introduisent le mot suivant, qui est donc le mot le plus important, et qui est de ce fait orné de neumes : dans la première phrase on chante Dieu qui nous aide, dans la troisième c’est le « psaume » qui chante de lui-même, et qui fait chanter jucundum (agréable) et l’instrument de musique. La deuxième phrase, qui commence par « jubilate », jubile dès le début.

    La mélodie est unifiée par deux discrets « refrains » qui ne viennent pas de l’Alléluia proprement dit. Il y a d’abord la broderie de Deo qui revient sur nostro, puis sur (Ja)cob. Il y a ensuite celle sur (ajuto)ri qui revient plus développée sur psalmum puis sur (jucun)dum.

  • Saint Barthélémy

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    Omnípotens sempitérne Deus, qui hujus diei venerándam sanctámque lætítiam in beáti Apóstoli tui Bartholomǽi festivitáte tribuísti : da Ecclésiæ tuæ, quǽsumus ; et amáre quod crédidit, et prædicáre quod dócuit. Per Dóminum.

    Dieu tout-puissant et éternel, de qui nous vient la religieuse et sainte joie que nous éprouvons à célébrer aujourd’hui la fête de votre bienheureux Apôtre Barthélémy, accordez à votre Église, nous vous en prions, la grâce d’aimer ce qu’il a cru et de prêcher ce qu’il a enseigné.

    Cette magnifique oraison est depuis toujours la collecte de la fête de saint Barthélémy (elle était aussi une des collectes du Sacramentaire de Vérone pour la fête de saint Jean l’évangéliste). On remarque d’abord l’expression « venerándam sanctámque lætítiam ». Le mot « veneranda » veut dire vénérable, digne de vénération, de grand respect. Il qualifie soit une fête, soit une personne. Ici, et seulement ici, il qualifie… la joie. Par cette fête, Dieu nous donne une joie sainte, une joie… vénérable ? Une joie qui soit digne de la fête que nous célébrons, une joie qui procède de l’honneur que nous rendons à l’apôtre.

    Puis il y a, en deuxième partie, la demande, formule parfaitement balancée en deux parties (chaque partie articulant « nous » et « lui ») qui se répondent par assonances et allitérations.

    et amare              quod            credidit
    et prædicare        quod            docuit.

    C’est saint Augustin qu’on voit d’abord ciseler des formules de ce genre. Saint Bernard en produira des quantités phénoménales.

    (Saint Barthélémy écorché portant sa peau, par Matteo di Giovanni, Sienne, vers 1480. L'œuvre se trouve au musée de Budapest.)

  • Saint Philippe Béniti

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    On a longtemps pensé que ce portrait était celui de saint Nicolas de Tolentino. Mais on a découvert qu’à l’origine il faisait partie d’un ensemble de portraits de personnalités des Servites de Marie destinés à un polyptique ornant un autel de la basilique de l’Annonciation de Florence (l’église des Servites). La commande avait été passée à Filippino Lippi, puis elle est échue au Pérugin. L’œuvre, qui est de 1507 (alors que Filippo Benizi ne sera canonisé qu’en 1671) est aujourd’hui à la Galerie nationale Barberini Corsini de Rome : « Dans ce travail, nous pouvons reconnaître les aspects typiques du style du peintre ombrien: les figures sont caractérisées par des traits délicats, des visages réguliers, des yeux mi-clos et des tons clairs et cristallins, qui donnent à l'ensemble une grande luminosité. »

    Sur internet ce portrait est encore souvent celui de saint Nicolas de Tolentino. C’est même l’illustration de sa fiche Wikipedia. Pourtant l’inscription qu’il montre sur le livre ne laisse aucun doute : « Servus tuus sum ego et filius ancille tue » : je suis ton serviteur et le fils de ta servante (Sagesse 9,5, qu'on retrouve dans un répons des matines et qui vient, sous une forme légèrement différente, du psaume 115), qui définit particulièrement les membres de l’Ordo servorum Beatae Virginis Mariae.

  • Le Cœur immaculé de Marie

    Adeámus cum fidúcia ad thronum grátiæ, ut misericórdiam consequámur, et grátiam inveniámus in auxílio opportúno.
    Eructávit cor meum verbum bonum : dico ego ópera mea Regi.

    Approchons-nous avec assurance du trône de la grâce, afin d’obtenir miséricorde et de trouver grâce, pour être secourus en temps opportun.
    De mon cœur a jailli une excellente parole ; c’est que j’adresse mes œuvres à un roi.

    Screenshot_2019-08-21 Introitus_Adeamus_cum_fiducia png (Image PNG, 430 × 526 pixels).png

     

  • Sainte Jeanne de Chantal

    Durant le temps de ses plus ardentes prières, notre Bienheureuse Mère allant un jour aux champs, à cheval, priant toujours Notre Seigneur au fond de son cœur de lui montrer ce guide fidèle qui la devait conduire à lui, passant par un grand chemin au-dessous d'un pré, dans une belle et grande plaine, elle vit, tout à coup, au bas d'une petite colline, non guère loin d'elle, un homme de la vraie taille et ressemblance de notre Bienheureux Père François de Sales, évêque de Genève, vêtu d'une soutane noire, du rochet et le bonnet en tête, tout comme il était la première fois qu'elle le vit dans Dijon, comme nous dirons ci-après.

    Cette vision répandit dans son âme une grande consolation et certitude que Dieu l'avait exaucée ; à même temps qu'elle regardait à loisir ce prélat admirable, elle ouït une voix qui lui dit : Voilà l'homme bien-aimé de Dieu et des hommes, entre les mains duquel tu dois reposer ta conscience. Ce qu'étant dit, la vision disparut aux yeux du corps, mais demeura si empreinte dans cette sainte âme, qu'environ trente-cinq ans après, elle dit en confiance à une personne, qu'elle lui était aussi récente dans l'esprit que le jour qu'elle reçut cette faveur céleste, qui fut suivie de plusieurs autres. Voici celles qui sont venues à notre connaissance : Un matin, étant au lit, un peu assoupie, elle se vit dans un chariot avec une troupe de gens qui allaient en voyage, et lui semblait que le chariot passait devant une église où elle vit quantité de personnes qui louaient Dieu avec grande jubilation et gravité : « Je voulus, dit-elle, parlant de cela, m'élancer pour m'aller joindre à cette bénite troupe, et entrer par la grande porte de l'église qui m'était ouverte ; mais je fus repoussée et j'ouïs distinctement une voix qui me dit : Il faut passer outre, et aller plus loin ; jamais tu n'entreras au sacré repos des enfants de Dieu que par la porte de Saint-Claude. J'étais si peu dévote, ajouta-t-elle, que je n'avais jamais fait attention à ce bénit saint, duquel la dévotion me fut alors imprimée au cœur, et cette vue me donna derechef un grand allégement. En sorte que quand mes désirs et travaux me violentaient plus rudement, je disais à mon âme pour la consoler : Patiente, mon âme, Dieu t'a promis que tu entrerais au sacré repos de ses enfants par la porte de Saint-Claude. »

    « Quelques mois après cette vue ici, il m'arriva un jour d'être surprise d'un grand attrait du ciel qui attirait à lui tout mon être ; je fus un long temps dans ce saisissement, toute arrêtée, et me semblait au retour d'icelui que je revenais d'un autre monde, où je n'avais appris que cette seule parole que Dieu avait dite à mon âme : Comme mon fils Jésus a été obéissant, je vous destine à être obéissante. »

    « Une autre fois, dans le petit bois proche du château de mon beau-père, à Montelon, je fus fortement saisie de l'attrait intérieur et arrêtée en oraison, sans que j'y pusse résister, car j'avais envie de me retirer à l'église qui était tout proche. » La, il me fut montré que l'amour céleste voulait consumer en moi tout ce qui m'était propre, et que j'aurais des travaux intérieurs et extérieurs en grand nombre ; tout mon corps frémissait et tremblait quand je fus revenue à moi ; mais mon cœur demeura dans une grande joie avec Dieu, parce que le pâtir pour Dieu me semblait la nourriture de l'amour en la terre, comme le jouir de Dieu l'est au ciel. »

    « Une autre fois, dans la chapelle de Bourbilly, Dieu me montra une troupe innombrable de filles et de veuves qui venaient à moi et m'environnaient, et il me fut dit : Mon vrai serviteur et vous, aurez cette génération ; ce me sera une troupe élue, mais je veux qu elle soit sainte. Je ne savais ce que cela me signifiait, car depuis que Dieu m'eut dit qu'il me destinait à être obéissante, je n'eusse pas voulu souffrir en mon âme le désir de faire aucun choix moi-même, et attendais toujours que Dieu m'envoyât le saint homme qu'il m'avait fait voir, résolue de faire tout ce qu'il ordonnerait de moi. » Ces faveurs divines passaient, quant à la suavité ; mais les tentations continuaient à traverser cette Bienheureuse Mère, laquelle s'avançait au désir de la perfection, sans autre guide que de Dieu, étant en lieu champêtre, et ne pouvant conférer avec personne ni de ses biens ni de ses maux intérieurs.

    Il faut remarquer que presque à même temps que Notre Seigneur, par ses sacrées visions, montrait à sa fidèle servante celui qu'il lui avait destiné pour conducteur, d'autre côté sa divine Majesté découvrait à notre Bienheureux Père, en un ravissement, dans la chapelle du château de Sales, les principes de notre Congrégation, et lui fit voir en esprit celle qu'il avait choisie pour première pierre fondamentale d'icelle ; en sorte que ces deux saintes âmes se voyant à Dijon pour la première fois de leur vie, se reconnurent l'une et l'autre, comme nous dirons ci-après.

    Mémoires sur la vie et les vertus de sainte Jeanne-Françoise Frémyot de Chantal, par la mère Françoise-Madeleine de Chaugy.

    N.B. C’est à Saint-Claude qu’eut lieu la deuxième rencontre avec saint François de Sales, qui devint ce jour-là son directeur spirituel.

  • Saint Bernard

    Un jour que j'étais malade dans notre maison, et que la maladie traînant en longueur m'avait excessivement fatigué et altéré, Bernard, l'ayant appris, envoya vers moi son frère Gérard, d'heureuse mémoire, en me mandant par lui de venir à Clairvaux, et promettant que j'y trouverais aussitôt la guérison ou la mort. Acceptant, comme la volonté du Ciel, la faculté qui m'était offerte de mourir auprès de lui ou de vivre quelque temps avec lui (j'ignore lequel des deux je préférais alors), je partis aussitôt, quoiqu'avec des maux et des souffrances excessives. Là, il m'en arriva selon la promesse qui m'avait été faite, et, je l'avoue, selon mon désir; car mon corps accablé de violentes et dangereuses infirmités recouvra la santé: mais les forces ne lui revinrent que peu à peu. Dieu miséricordieux, quel bien m'ont fait cette maladie, ces jours de repos et de vacances, dans le lieu que je désirais ! Pendant tout le temps que je fus malade auprès de lui, la maladie dans laquelle il était alors lui-même portait remède à mes véritables maux. Tous deux infirmes, nous traitions pendant toute la journée de la médecine spirituelle de l'âme et de l'efficacité des vertus contre les maladies des vices. Il discourut avec moi du Cantique des cantiques, d'une manière aussi haute que le lui permettait le temps de ma maladie, me dévoilant, selon mon désir et ma demande, le secret des choses qu'il avait écrites. Chaque jour, pour ne pas oublier ce que j'entendais à ce sujet, je l'écrivais, à l'aide de ma mémoire, autant que Dieu m'en donnait le pouvoir. En cela, comme il m'expliquait avec bonté et sans réserve et me communiquait les jugements de son intelligence et les sentiments de son expérience, s'efforçant de m'instruire sur beaucoup de choses que j'ignorais et que l'expérience seule apprend, quoique je ne pusse encore comprendre ce qu'il m'expliquait, cependant il m'avançait plus que je ne pouvais m'avancer par moi-même dans l'intelligence des choses que je ne comprenais pas encore. Mais ce que nous avons dit à ce sujet est suffisant.

    Le dimanche de la Septuagésime approchait. Le soir du samedi même qui précédait ce dimanche, comme je me sentais déjà si bien portant que je pouvais me lever de mon lit, et sortir et entrer seul, je commençai à me préparer à retourner vers nos frères. Bernard l'ayant appris m'en empêcha absolument, et me défendit d'espérer ou de tâcher de partir avant le dimanche de la Quinquagésime. J'y consentis facilement; car je n'avais aucun projet qui pût m'en empêcher, et ma maladie paraissait l'exiger. Après ce dimanche de la Septuagésime, voulant m'abstenir de la viande, dont il m'avait ordonné et forcé jusqu'à ce jour de me nourrir, il m'interdit aussi cette abstinence.

    Je ne voulus écouler là-dessus ni ses avertissements, ni ses prières, ni ses ordres. Nous séparant ainsi, chacun de notre côté, le soir de ce samedi, il se rendit immédiatement à complies, et moi vers mon lit. Et voilà que ma maladie se ranima avec fureur, comme si elle eût repris ses premières forces, m'assaillit et me saisit avec tant de violence et de cruauté, me tourmenta et me dévora pendant cette nuit avec une rage tellement au dessus de mes forces et de mon courage, que, désespérant de la vie, je croyais à peine pouvoir la surmonter jusqu'au jour, pour parler encore une fois à l'homme de Dieu. Après avoir passé toute la nuit dans ces souffrances, dès le grand matin, je fis appeler Bernard. Il vint; mais il ne m'offrit pas ce visage compatissant qu'il avait d'ordinaire, et son air montrait du mécontentement. Souriant cependant: «Que mangerez-vous aujourd'hui?» dit-il. Sans qu'il eût parlé, je regardais déjà ma désobéissance de la veille comme la cause certaine de mes souffrances; je lui répondis: «Ce que vous m'ordonnerez. — Soyez tranquille, dit-il, vous ne mourrez pas encore;» et il s'en alla. Que dirai-je ? aussitôt je ne ressentis plus aucune douleur, si ce n'est que, fatigué des souffrances de la nuit, je pus à peine me lever du lit pendant tout ce jour. Quelle douleur, quelle cruelle douleur j'avais éprouvée! je ne me rappelle pas en avoir jamais ressenti de pareille. Le lendemain cependant je fus guéri, et je recouvrai mes forces; peu de jours après je m'en retournai chez moi, avec la bénédiction et les bonnes grâces de mon excellent hôte.

    Vie de saint Bernard par Guillaume de Saint-Thierry, chapitre 12, traduction François Guizot.

  • Saint Jean Eudes

    Le premier et principal, voire l'unique objet du regard, de l'amour et de la complaisance du Père éternel, c'est son Fils Jésus. Je dis l'unique; car, comme ce Père divin a voulu que son Fils Jésus soit tout en toutes choses (Ep 1, 23) et que toutes choses soient consistantes en lui et par lui (Col 1, 17), selon la parole de son Apôtre: aussi il regarde et aime toutes choses en lui, et il ne regarde et aime que lui en toutes choses. Et, comme ce même Apôtre nous enseigne qu'il a fait toutes choses en lui et par lui (Col 1, 16): aussi il nous apprend qu'il a fait toutes choses pour lui (He 2, 10). Et, comme il a mis en lui tous les trésors de sa science et sagesse (Col 2, 3), de sa bonté et beauté, de sa gloire et félicité, e t de toutes ses autres divines perfections: aussi lui-même nous annonce hautement et par plusieurs fois qu'il a mis toute sa complaisance et ses délices en ce Fils unique et bien-aimé (Mt 3, 17). Ce qui n'exclut pas néanmoins le Saint- Esprit puisque c'est l'Esprit de Jésus et qu'il n'est qu'un avec Jésus.

    À l'imitation de ce Père céleste, que nous devons suivre et imiter comme notre Père, Jésus doit être l'unique objet de notre esprit et de notre cœur. Nous devons regarder et aimer toutes choses en lui, et nous ne devons rien regarder et aimer que lui en toutes choses. Nous devons faire toutes nos actions en lui et pour lui. Nous devons mettre tout notre contentement et notre paradis en lui; car, comme il est le paradis du Père éternel, dans lequel il prend sa complaisance: aussi ce Père saint nous l'a donné et il s'est donné lui-même à nous pour être notre paradis. C'est pourquoi il nous commande de faire notre demeure en lui: Demeurez en moi (Jn 15, 4). Et son disciple bien-aimé nous réitère ce commandement par deux fois: Demeurez en lui, dit-il, mes petits enfants, demeurez en lui (I Jn 2, 28). Et saint Paul, pour nous porter à cela, nous assure qu'il n'y a point de damnation pour ceux qui demeurent en Jésus-Christ (Rm 8, 1).

    Mais quand je dis que Jésus doit être notre unique objet cela n'exclut pas le Père et le Saint- Esprit. Car, ce même Jésus nous assurant que celui qui le voit, soit son Père (Jn 14, 9) celui qui parle de lui, parle aussi de son Père et de son Saint- Esprit; celui qui l'honore et qui l'aime, honore et aime semblablement son Père et son Saint-Esprit; et celui qui le regarde comme son unique objet, regarde en même temps le Père et le Saint-Esprit.

    Regardez donc ce très aimable Sauveur comme l'unique objet de vos pensées, désirs et affections; comme l'unique fin de toutes vos actions; comme votre centre, votre paradis et votre tout. De toutes parts retirez-vous en lui comme dans un lieu de refuge, par élévation d'esprit et de cœur vers lui. Demeurez toujours en lui, c'est-à-dire que votre esprit et votre cœur, toutes vos pensées, désirs et affections soient en lui, et que toutes vos actions soient faites en lui et pour lui.

    Souvenez-vous de temps en temps, que vous êtes devant Dieu et en Dieu même (cf. Ac 17, 28); que Notre-Seigneur Jésus-Christ, selon sa divinité, vous environne de tous côtés, voire qu'il vous pénètre et vous remplit tellement qu'il est plus en vous que vous-même, qu'il pense continuellement à vous, et qu'il a toujours les yeux et le cœur tournés vers vous.

    Extrait du Royaume de Jésus, dans le lectionnaire propre à la Congrégation de Jésus et Marie.

  • 10e dimanche après la Pentecôte

    Les oraisons de la messe de ce jour brièvement commentées par le bienheureux cardinal Schuster.

    Deus, qui omnipoténtiam tuam parcéndo máxime et miserándo maniféstas : multíplica super nos misericórdiam tuam ; ut, ad tua promíssa curréntes, cæléstium bonórum fácias esse consórtes. Per Dóminum.

    La collecte de ce jour est d’une perfection vraiment classique. Dieu fait spécialement resplendir sa toute-puissance en épargnant les coupables et en usant de miséricorde envers les pécheurs. Pensée profonde et parfaitement exacte, car la réintégration d’un égaré requiert une condescendance telle de la part de Dieu, que la puissance qui s’y manifeste est plus grande que celle qui fut requise pour la création du monde elle-même. En effet, l’abîme qui sépare Dieu du mal est plus profond que celui qui le sépare du néant. Et cet abîme, Dieu le franchit, quand, dans son infinie miséricorde, il y descend pour en retirer le pécheur qui s’y était plongé. Après cette considération de caractère général, et qui sert d’introduction, nous demandons, dans la collecte d’aujourd’hui, que le Seigneur répande à pleines mains sur nous sa miséricorde, si utile pour nous, si glorieuse pour Lui. Le résultat sera une augmentation de la vertu surnaturelle d’espérance, grâce à laquelle les fidèles se sentiront plus que jamais stimulés à se diriger, bien plus, à courir, vers ces biens impérissables que Dieu a promis à celui qui l’aime et qui le sert.

    Tibi, Dómine, sacrifícia dicáta reddántur : quæ sic ad honórem nóminis tui deferénda tribuísti, ut eadem remédia fíeri nostra præstáres. Per Dóminum.

    La secrète de ce jour, avant l’anaphore, est très belle : « Seigneur, que vous soient consacrées les oblations ici présentes, — la formule est au pluriel parce qu’elle se rapporte à toutes les hosties apportées par le peuple, lequel veut participer aux divins Mystères — puisque vous avez disposé que le Sacrifice qui est offert à votre gloire profite aussi à notre salut. » Cela est admirablement dit : l’Eucharistie a en effet deux fins principales. Elle rend à Dieu l’adoration parfaite en esprit et en vérité, celle précisément que Dieu désire ; et elle alimente la charité qui est la vie de l’âme. Cette grâce, que l’on peut en toute vérité comparer à une première résurrection spirituelle, à l’exemple de Jésus immolé mais ressuscité ensuite glorieux, rend le fidèle apte à participer également à la finale résurrection des corps, alors que le Christ remportera son dernier et complet triomphe sur le péché et sur la mort.

    Quǽsumus, Dómine, Deus noster : ut, quos divínis reparáre non désinis sacraméntis, tuis non destítuas benígnus auxíliis. Per Dóminum nostrum.

    La collecte d’action de grâces n’a pas de caractère particulier. On y demande au Seigneur que, en raison même des divins sacrements par lesquels continuellement il répare nos pertes spirituelles, — il en est pour l’âme comme pour le corps, qui compense par la nourriture matérielle les forces qui s’usent, — il daigne ne jamais nous soustraire ce secours particulier, sans lequel nous sommes incapables de rien faire dans l’ordre de la vie éternelle. En somme, c’est comme motif de grâces ultérieures, que se présente la divine Eucharistie, la bonne grâce, dont il faut que le Seigneur garde en nous les effets, par une longue et ininterrompue série de secours.