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Liturgie - Page 117

  • Saint Félix de Valois

    Pour la grande majorité des prisonniers, le fait même de la captivité est ce qui leur parait le plus pénible; mais pour un certain nombre d'individus, habitués à se contenter de peu, sans grande culture intellectuelle, la vie dans une cage entourée de fils de fer barbelés leur paraît à peu près sortable, surtout après les souffrances de la vie de tranchées, et avec la certitude que, la guerre terminée, ils pourront retrouver leur famille. D'ailleurs, c'est bien à cause même de leur situation que les pays neutres ont considéré comme un devoir de charité de s'occuper de tous les prisonniers, à quelque parti qu'ils appartiennent. Sous ce rapport, c'est un devoir pour nous de reconnaître que le Souverain Pontife Benoît XV et le roi Alphonse XIII ont donné au monde l'exemple magnifique de la charité chrétienne et de la compassion à l'égard de nos prisonniers.

    Maint lecteur de cette Revue, j'en suis persuadé, s'occupe avec zèle d'œuvres en faveur de nos prisonniers. A toutes les raisons qu'ils ont de le faire, qu'ils se souviennent d'ajouter le motif surnaturel, évangélique parmi les œuvres de miséricorde, il n'en est pas de plus belle, ni de plus méritoire. Ce fut toujours la doctrine de l'Église, et c'est ce qui ressort, en particulier, de l'oraison de la fête de Notre-Dame de la Merci, ainsi que de celles de saint Pierre Nolasque, des saints Félix de Valois et Jean de Matha, trois saints français qui consacrèrent leur vie au soulagement des captifs. A l'occasion de ces fêtes, et en échange de nos bons offices, la sainte liturgie nous fait demander à Dieu la libération de chaînes d'un autre genre, parfois plus lourdes, presque toujours plus tenaces, les chaînes forgées par nos fautes d'habitude ut peccatorum nostrorum captivitate liberati, ad caelestem patriam perducamur. Ainsi soit-il !

    Ceci est la fin d’un article de la revue Etudes, des jésuites, de juillet 1916. L’expression latine est la fin de la collecte de la fête de saint Félix de Valois. C’est l’une des nombreuses expressions qui sont bannies de la néo-liturgie, parce que pour le chrétien "adulte" d’aujourd’hui il est inconvenant de laisser croire qu’on pourrait être enchaîné par le péché et qu’il faudrait demander à être délivré de cet esclavage, même si c’est la doctrine de l’Eglise depuis toujours. Pour être sûr, on a carrément supprimé la fête de saint Félix de Valois. Et pour être encore plus sûr, si j’en crois le site « Societas laudis » qui tente de faire croire que la néo-liturgie peut avoir un côté traditionnel, on a supprimé aussi les fêtes de saint Jean de Matha, saint Pierre Nolasque, et Notre Dame de la Merci. Et hop. Ah oui, au fait : en plus, c’étaient des fêtes affreusement islamophobes…

    Deus, qui beátum Felicem Confessórem tuum ex eremo ad munus rediméndi captívos cǽlitus vocáre dignátus es : præsta, quǽsumus ; ut per grátiam tuam ex peccatórum nostrórum captivitáte, eius intercessióne, liberáti, ad cæléstem pátriam perducámur. Per Dóminum.

    O Dieu, qui, par une inspiration céleste, avez daigné appeler votre bienheureux confesseur Félix de la solitude du désert à l’œuvre du rachat des captifs ; faites, s’il vous plaît, que son intercession nous obtienne de vous la grâce d’être délivrés de l’esclavage de nos péchés, et de parvenir à la patrie céleste.

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    (Sur le site des Trinitaires du Canada)

  • Sainte Elisabeth de Hongrie

    En 1836, Montalembert publie La Vie de sainte Élisabeth de Hongrie, duchesse de Thuringe. C’est son premier livre, il a 26 ans, et c’est un grand succès : en 1903 on en sera à la 22e édition (dernière édition en date, Le Cerf, 2005). Le livre a une influence jusqu’en Allemagne, et dans le grand-duché de Saxe-Weimar-Eisenach où se trouve le château de la Wartburg qui fut la résidence de sainte Elisabeth épouse du comte Louis IV de Thuringe. En témoigne par exemple cette lettre à Montalembert de Franz Liszt, qui souhaite composer un oratorio sur sainte Elisabeth.

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    De Moritz von Schwind :

    Le départ de Louis IV à la croisade.

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    Sainte Elisabeth chassée du château (son mari est mort en arrivant en Italie, avant de pouvoir s’embarquer pour la Terre Sainte).

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    La mort de sainte Elisabeth.

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    Le chœur final de l’oratorio de Liszt enregistré à Weimar à l'occasion du 8e centenaire de la naissance de la sainte en 2007 (l’illustration est aussi une des fresques de von Schwind : le miracle des roses).

    Le leitmotiv musical de ce morceau (comme de tout l’oratorio) est le début d’une antienne figurant dans un livre liturgique hongrois :

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    Liszt reprend les deux premières strophes d’une "prose" d’un missel prémontré :

    Decora novo flore
    Christum mente, votis, ore,
    Collaudet Ecclesia.

    Nova nobis lux illuxit,
    Nova stella quam produxit
    Nobilis Hungaria.

    A 01:12 le premier vers de l’hymne des laudes d’un bréviaire dominicain :

    Laeta stupet Thuringia

    Et à partir de 01:44 la fin d’une hymne de… 39 strophes :

    Tu pro nobis mater pia
    Roga Regem omnium
    Ut post hoc exilium
    Nobis det vera gaudia. Amen.

    (Textes qui sont dans l’appendice du livre de Montalembert.)

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  • Dédicace des Basiliques Saint-Pierre et Saint-Paul

    Dès le IIe siècle il y avait sur la tombe de saint Paul un « trophée », c’est-à-dire un monument en l’honneur du martyr, sans doute un oratoire. Constantin construit une église, consacrée le 18 novembre 324 par le pape Silvestre.

    L’édifice se montrant trop petit face à l’afflux des pèlerins, Valentinien II décide de construire une grande basilique. La construction commence sous Théodose Ier et est achevée sous Honorius. D’où le nom qu’on lui donnera de « basilique des trois empereurs ». Consacrée par le pape Sirice en 391, elle est gigantesque, et restera la plus grande basilique chrétienne jusqu’à la construction de la nouvelle basilique Saint-Pierre à la Renaissance.

    En 1823 elle est en grande partie détruite par un incendie. Elle est reconstruite théoriquement « à l’identique », sur le même plan, mais avec des différences : piliers des nefs tous identiques, plafond en caissons… Les mosaïques de l’abside et de l’arc de triomphe sont reconstituées (avec plus ou moins de bonheur), celle de la façade est nouvelle. On pourrait l’appeler la « basilique des trois papes » puisque les travaux furent commencés sous Léon XII, continués sous Grégoire XVI qui consacra la nef transversale, et terminés sous Pie IX qui consacra l’ensemble le 10 décembre 1854 (ou des quatre papes si l'on inclut le très bref pontificat de Pie VIII).

    Le cloître bénédictin du XIIIe siècle est resté intact.

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  • Saint Grégoire le Thaumaturge

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    Extrait du « discours » de saint Grégoire de Nysse « sur la vie et les miracles de notre père parmi les saints Grégoire le Thaumaturge » (ch. IV)

    Comme de tels miracles, en se répandant partout dans la région, étaient considérés comme l'œuvre de la puissance de la foi au Christ, tous désiraient participer de cette foi dont témoignaient de tels miracles, et en tout lieu la prédication progressait, le mystère était agissant et le zèle pour le bien s'étendait, car le sacerdoce était institué chez tous, pour que, par tous les moyens, la foi s'étende et s'accroisse. Aussi une ambassade venant d'une ville voisine se rend auprès de lui pour qu'il vienne chez eux et y constitue une église grâce au sacerdoce; Comane est le nom de cette ville, où tous ensemble demandaient que le Grand fût leur hôte.

    S'étant donc rendu chez eux, il y passa quelques jours et enflamma davantage encore, par ce qu'il disait et ce qu'il faisait, leur désir pour le mystère. Lorsqu'il fut temps de mettre un terme à ce qui avait motivé leur ambassade et de désigner quelqu'un comme grand prêtre de leur église, les avis de tous les magistrats se portaient vers ceux qui semblaient l'emporter par l'éloquence, la noblesse et les autres qualités en vue; ils estimaient, puisque ces qualités se trouvaient aussi chez le Grand Grégoire, qu'aucune d'elles ne devait manquer à qui obtiendrait cette grâce. Mais comme ils étaient fort divisés dans leurs suffrages, les uns préférant un tel, les autres tel autre, le Grand attendait qu’un conseil lui vienne de Dieu sur cette question. Et de même qu’on rapporte que Samuel, dans le choix d'un roi, ne se laissa pas influencer par la beauté du corps et sa prestance, mais chercha à découvrir une âme royale même dans un corps dont on ne faisait point cas, de la même façon celui-ci aussi, sans prendre en considération ce dont on se préoccupait pour chacun des candidats, ne considérait qu'une seule chose – si quelqu'un, même avant sa proclamation, portait le sacerdoce dans sa manière d'être, par son mode de vie et sa vertu.

    Comme ils lui présentaient leurs candidats, chacun proposant le sien avec des louanges, lui les exhortait à prendre aussi en considération ceux qui étaient d'une situation plus modeste, car il était possible, même parmi de telles gens, de trouver quelqu'un qui, par la richesse de son âme, serait supérieur à ceux que leur condition mettait davantage en vue. Un de ceux qui présidaient à l'élection jugea insultant et impertinent un pareil jugement du Grand – que certains parmi les artisans puissent être jugés plus dignes d'une telle grâce alors qu'aucun de ceux qui avaient été préférés aux autres pour son éloquence, sa dignité et le témoignage manifeste de sa vie ne soit admis au sacerdoce. S'approchant de lui, il dit avec ironie : «Si tu ordonnes cela, que soient dédaignés de telles gens, qui ont été choisis par toute la ville, et que soit choisi pour présider au sacerdoce quelqu'un de la lie du peuple, c'est le moment pour toi d'appeler au sacerdoce le charbonnier Alexandre; en transférant sur lui (nos voix), s'il te semble bon, accordons-nous les uns les autres dans nos votes, tous les citoyens de la ville». Cet homme parlait ainsi pour rejeter son avis, en critiquant par l'ironie de ce vote l'absence de jugement dont on faisait preuve envers les précédents. Mais à ces paroles, il vient à l'idée du saint que ce n'était pas sans une inspiration divine qu'Alexandre ait été mentionné par les votants. «Quel est, dit-il, cet Alexandre dont vous avez fait mention ?

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  • Sainte Gertrude

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    Le bel office composé par dom Hugues Vaillant au XVIIe siècle pour les bénédictins de la congrégation de Saint-Maur (juste avant que Innocent XI étende la fête à tout l’ordre bénédictin, en 1678, l’année même de la mort de dom Vaillant), a considérablement pâti de la réforme de 1960, qui, rétrogradant la fête, n’a gardé des matines que trois répons, et a supprimé, naturellement, les premières vêpres.

    Or la première antienne des premières vêpres est très importante, puisque c’est la phrase du Seigneur qu’on retrouve sur des « portraits » de sainte Gertrude, sortant de la bouche de l’enfant Jésus qui est dans le cœur de la moniale :

    In corde Gertrudis invenietis me, dicit Dominus : complacuit sibi in illa anima mea.

    Vous me trouverez dans le cœur de Gertrude, dit le Seigneur : mon âme se plaît en elle.

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  • Saint Albert le Grand

    Dans le motu proprio appelé par antiphrase (ou moquerie) Traditionis custodes, François affirme, article 1, que les livres liturgiques promulgués par Paul VI et Jean-Paul II « sono l’unica espressione della lex orandi del Rito Romano » : sont la seule et unique expression de la lex orandi du Rite romain (il n’y a toujours pas de version française, ni d’original latin, de ce texte…)

    Ce qui contredit frontalement l’article 1 du motu proprio de Benoît XVI : le missel promulgué par saint Pie V « doit être considéré comme expression extraordinaire de la même lex orandi de l’Église et être honoré en raison de son usage vénérable et antique ».

    Que cela soit bien clair, nous ne pouvons pas considérer les nouveaux livres liturgiques comme l’unique expression de la lex orandi. Parce que ce n’est pas l’expression de la lex orandi telle que la liturgie l’a enseignée depuis toujours. Telle qu’elle se trouve dans tous les livres que nous avons, tous les livres catholiques les plus anciens que nous avons, tant en Orient qu'en Occident.

    Telle qu’elle se retrouve dans la collecte de la fête de saint Albert le Grand, par exemple. Une collecte qui n’est pas ancienne, qu’elle date de la béatification (1632) ou de la canonisation (1931) du savant dominicain, mais qui est dans le droit fil de toute la tradition catholique, alors que celle des nouveaux livres liturgiques, comme des dizaines d’autres, est imprégnée par les idéologies qui ont colonisé l’Eglise, de la volonté formelle et explicite de ceux qui ont fabriqué ces oraisons.

    La collecte traditionnelle, d’esprit vraiment traditionnel, dit que saint Albert est grand parce qu’il a soumis la sagesse humaine à la foi divine (conformément à l’enseignement de saint Paul et des Pères), et demande à Dieu de nous permettre de jouir de la parfaite lumière dans les cieux si sur terre nous suivons ses traces, donc si nous soumettons la sagesse humaine à la lumière de la foi ; si nous respectons la hiérarchie de la sagesse : la science a besoin de la raison, la raison a besoin de la foi. C’est la hiérarchie de l’université, qui se mettait en place à l’époque de saint Albert : sciences profanes, philosophie, théologie, dans l’unité de la vérité.

    La nouvelle collecte est tout autre. Elle dit que saint Albert est grand parce qu’il a su « concilier » la sagesse humaine et la foi divine, et non plus soumettre l’une à l’autre. Il n’y a plus de hiérarchie. La foi n’est plus supérieure à la sagesse humaine. Elles sont sur le même plan, comme dit le verbe latin (componere), et elles sont antagonistes, comme le laisse entendre la traduction qui aggrave toujours le texte latin (cela aussi était  prévu par les fabricants).

    Et puisque tout est sur le même plan, il n’y a donc plus de montée vers le ciel. La perspective de la « lumière parfaite » dont nous jouirons est carrément supprimée. Nous demandons à Dieu de mieux le connaître et l'aimer « à travers nos progrès dans les sciences » !

     « Progressus ». Un mot qui ne se trouve dans aucune oraison traditionnelle. Mais il fallait bien le placer dans la néo-liturgie… progressiste. En se faisant patronner par saint Albert le Grand de façon frauduleuse.

    L’oraison traditionnelle :

    Deus, qui beátum Albértum Pontíficem tuum atque Doctórem in humána sapiéntia divínæ fídei subiiciénda magnum effecísti : da nobis, quǽsumus ; ita eius magistérii inhærére vestígiis, ut luce perfécta fruámur in cælis.

    Traduction littérale :

    Dieu, qui avez fait grand le bienheureux Albert, votre évêque et docteur, en ce qu’il a soumis la sagesse humaine à la foi divine: donnez-nous, nous vous le demandons, de suivre les traces de son magistère, afin que nous puissions jouir de la lumière parfaite dans les cieux.

    L’oraison nouvelle :

    Deus, qui beátum Albértum epíscopum in humána sapiéntia cum divína fide componénda magnum effecísti, da nobis, quǽsumus, ita eius magistérii inhærére doctrínis, ut per scientiárum progréssus ad profundiórem tui cognitiónem et amórem perveniámus.

    Traduction officielle :

    Tu as voulu, Seigneur, que saint Albert mérite le nom de grand pour avoir su concilier sagesse humaine et foi divine, accorde-nous, à l'école d'un tel maître, à travers nos progrès dans les sciences, de mieux te connaître et de t'aimer davantage.

  • 25e dimanche après la Pentecôte

    Ce sont les chants du 23e dimanche, et le reste est du 6e dimanche après l’Epiphanie. Il est remarquable que l’épître et l’évangile conviennent aussi parfaitement à l’un qu’à l’autre dimanche : après l’Epiphanie, c’est le tout début de l’Eglise, avant le dernier dimanche de l’année, c’est le dernier développement de l’Eglise a vant la parousie. Très belle réflexion de dom Pius Parsch :

    La fin approche de plus en plus : le royaume de Dieu parvient à la maturité parfaite. Extérieurement, il ressemble à l’arbre puissant, les peuples de la terre habitent dans ses branches. Intérieurement, il pénètre, comme le levain, l’homme tout entier. Nous apportons notre concours à ce double travail par le saint apostolat et notre sanctification personnelle. A l’approche de la fin de l’année liturgique, faisons un examen de conscience pour voir si nous méritons, nous aussi, la louange que notre mère, l’Église, nous adresse dans l’Épître.

    On éprouve une consolation sans pareille quand on suit, en qualité de chrétien, le développement et l’activité de l’Église à travers les siècles. Elle est sortie du cénacle comme un petit grain de sénevé, puis s’est propagée sans arrêt, d’abord à Jérusalem, ensuite en Palestine, pour être portée plus tard par saint Paul dans le monde païen. Au premier siècle, il n’y a déjà plus une ville de l’empire romain où elle n’ait posé le pied. 300 ans de persécutions n’ont pas pu arrêter sa marche pacifique ; le sang des martyrs fut la semence des chrétiens. La voici qui parvient chez les peuples germaniques ; toujours le même spectacle : peu de siècles après, ils étaient devenus chrétiens. Et ce n’était pas là une simple croissance extérieure, mais aussi une transformation intérieure. La face du monde s’est véritablement renouvelée. Pensons seulement à l’esclavage, à la condition de la femme, de l’enfant. Le christianisme a vraiment agi comme un levain dans le monde.

    Pourtant, si édifiante que soit cette contemplation, pour nous, amis de la liturgie, elle est encore trop extérieure. Le grain de sénevé est le Christ mystique qui atteint la taille d’un arbre puissant. Chaque saint, qui lui a été incorporé par le baptême, forme un rameau et le demeure après sa mort. Le nombre des élus est déterminé par Dieu ; aussitôt que le dernier rameau sera fixé sur l’arbre du Christ mystique, la mission de l’Église sera terminée. Maintenant, à la fin de l’année liturgique, nous regardons l’arbre pour voir dans quelles proportions le sénevé s’est développé.

    Le levain, c’est la vie divine en nous ; elle doit pénétrer tous les domaines. Les saints nous font mieux comprendre ce que cela signifie. Toute leur vie en a été pénétrée. Mais nous avons trouvé la voie pour réaliser, nous aussi, personnellement, cette double parabole. Il convient particulièrement à la fin de l’année liturgique de nous demander : Comment le Christ a-t-il grandi en nous ? Comment a-t-il agi en nous à la manière d’un levain ? Ici, nous pouvons nous faire l’application de l’Épître : avons-nous « une foi agissante, un amour prêt au sacrifice, une espérance ferme en Notre Seigneur Jésus Christ ? »

    Encore une pensée : L’Eucharistie est aussi un grain de sénevé ; elle est le levain. Tous les dimanches, le Divin Semeur jette ce grain dans notre âme et, pendant la semaine, ce grain doit devenir un arbre qui porte feuilles, fleurs et fruits. Tous les dimanches, la « femme », l’Église, mêle à la farine de l’âme le levain de l’Eucharistie (le mot fermentum désignait, dans la primitive Église, l’Eucharistie envoyée par le Pape) ; maintenant notre âme a besoin d’un levain. C’est le rôle de l’Eucharistie : elle n’est pas un arbre, ni un pain levé, mais un petit grain et un levain ; elle est une force et une grâce qui ne deviennent efficaces qu’avec la collaboration de la volonté humaine.

  • O Lux beata Trinitas

    Les six jours de la Création (hexaméron) sont terminés, et le samedi Dieu se repose. Il n’y a donc pas d’hymne de la Création aux vêpres du samedi. Du reste ce sont les premières vêpres du dimanche. On célèbre donc la Trinité, auteur de la Création, et dont la deuxième personne s’est incarnée, a été crucifiée et est ressuscitée le troisième jour.

    Comme les autres, cette hymne a toujours été dans le bréviaire (malheureusement modifiée dans le bréviaire romain par Urbain VIII), jusqu’à la destruction du bréviaire en 1969. On dit que la plus ancienne mention explicite est dans le livre De una et non trina Deitate de Hincmar de Reims en 857. Mais saint Benoît dans sa Règle dit qu’aux vêpres, après les psaumes et la lecture, on chante le répons et « l’ambrosianum » : l’hymne de saint Ambroise. Comme il ne précise pas laquelle, c’est que c’était évident pour tout le monde au VIe siècle, de même qu’il était évident que le texte était de saint Ambroise lui-même. Comme on n'a pas d’autre hymne ambrosienne sur la Trinité, il est d’ailleurs possible que l’évêque de Milan fasse précisément allusion à celle-là dans son Contre Auxence (34) : « Ils racontent que j’abuse le peuple avec la magie de mes hymnes, et je ne le nie pas du tout. C'est une grande magie que ce chant, le plus fort de tous ; car quoi de plus puissant que la confession de la Trinité, qui chaque jour est proclamée par la bouche de tout un peuple ? »

    O Lux beáta Trínitas
    Et principalis Unitas,
    Jam sol recédit ígneus,
    Infúnde lumen córdibus.

    O Lumière bienheureuse Trinité,
    et souveraine Unité,
    déjà le soleil flamboyant se retire,
    versez la lumière en nos cœurs.

    Te mane laudum cármine,
    Te deprecémur véspere,
    Te nostra supplex glória,
    Per cuncta laudet sæcula.

    C'est vous que le matin nous chantons,
    c'est vous que nous prions le soir,
    c'est vous, que pour tous les siècles,
    notre prière de gloire veut louer.

    Deo Patri sit glória,
    Ejúsque soli Fílio,
    Cum Spíritu Paráclito,
    Et nunc et in perpétuum. Amen.

    Gloire à Dieu le Père
    et à son Fils unique,
    avec l’Esprit Paraclet,
    maintenant et pour l'éternité.

    Cette hymne se trouve aussi dans la liturgie mozarabe. Ici chantée par l’ensemble Alphonse X le Sage, sur des images de la cathédrale de Ségovie :

  • Plasmator hominis Deus

    L’hymne des vêpres du vendredi, célébrant le sixième jour de la Création.

    Plasmátor hóminis Deus,
    Qui cuncta solus órdinans,
    Humum jubes prodúcere
    Reptántis et feræ genus:

    Dieu, qui avez façonné l'homme de vos mains, vous qui, disposant seul toutes choses, faites sortir du sol la race des reptiles et des animaux.

    Qui magna rerum córpora,
    Dictu jubéntis vívida,
    Ut sérviant per órdinem,
    Subdens dedísti hómini:

    Ces êtres, dont la masse imposante fut animée au souffle de votre voix, vous les avez soumis à l'empire de l'homme.

    Repélle, a servis tuis,
    Quidquid per immundítiam,
    Aut móribus se súggerit,
    Aut áctibus se intérserit.

    Eloignez de vos serviteurs toute impureté qui se glisse dans nos mœurs ou s'insinue dans nos actes.

    Da gaudiórum prǽmia,
    Da gratiárum múnera:
    Dissólve litis víncula:
    Astrínge pacis fœ́dera.

    Donnez-nous la récompense du céleste bonheur, donnez les faveurs de vos grâces, brisez les chaînes de la discorde ; resserrez les liens de la paix.

    Præsta, Pater piíssime,
    Patríque compar Únice,
    Cum Spíritu Paráclito
    Regnans per omne sǽculum. Amen.

    Accordez-nous cette grâce, Père très miséricordieux, ainsi que vous, Fils unique, égal au Père, qui, avec l'Esprit Consolateur, régnez à jamais. Ainsi soit-il.

    (La traduction des hymnes est celle du Psautier latin-français du bréviaire monastique, Société de Saint-Jean-l'Évangéliste, Desclée et Cie. Paris 1938, réimpression Éditions Sainte-Madeleine, 2003.)

    Belle interprétation du Consortium vocale Oslo, lors d’un concert à la basilique Saint-Laurent de Florence en 2014.

  • Magnæ Deus potentiæ

    L’hymne des vêpres du jeudi, célébrant le cinquième jour de la Création :

    Magnæ Deus poténtiæ,
    Qui ex aquis ortum genus
    Partim remíttis gúrgiti,
    Partim levas in áera.

    Dieu tout-puissant qui, des êtres nés dans les eaux fécondes, laissez les uns dans les abîmes et élevez les autres dans les airs :

    Demérsa lymphis ímprimens,
    Subvécta cælis írrigans :
    Ut stirpe una pródita,
    Divérsa rápiant loca :

    Enchaînant dans les flots ceux qui y sont plongés, élevant aux cieux ceux qui y sont transportés, de telle sorte qu'issus d'une même source, ils peuplent des lieux différents.

    Largíre cunctis sérvulis,
    Quos mundat unda Sánguinis,
    Nescíre lapsus críminum,
    Nec ferre mortis tædium.

    Accordez à tous vos serviteurs, que purifie l'onde de votre Sang, d'ignorer les chutes coupables, et de ne pas subir l'accablement de la mort.

    Ut culpa nullum déprimat :
    Nullum levet jactántia :
    Elísa mens ne cóncidat :
    Eláta mens ne córruat.

    Que le péché ne décourage aucun de nous, que la présomption n'en élève aucun, de peur que notre cœur trop accablé ne désespère, et que notre âme enorgueillie ne vienne à tomber soudain.

    Præsta, Pater piíssime,
    Patríque compar Unice,
    Cum Spíritu Paráclito
    Regnans per omne sæculum. Amen.

    Accordez-nous cette grâce, Père très miséricordieux, ainsi que vous, Fils unique, égal au Père, qui, avec l'Esprit Consolateur, régnez à jamais. Ainsi soit-il.