Pour la grande majorité des prisonniers, le fait même de la captivité est ce qui leur parait le plus pénible; mais pour un certain nombre d'individus, habitués à se contenter de peu, sans grande culture intellectuelle, la vie dans une cage entourée de fils de fer barbelés leur paraît à peu près sortable, surtout après les souffrances de la vie de tranchées, et avec la certitude que, la guerre terminée, ils pourront retrouver leur famille. D'ailleurs, c'est bien à cause même de leur situation que les pays neutres ont considéré comme un devoir de charité de s'occuper de tous les prisonniers, à quelque parti qu'ils appartiennent. Sous ce rapport, c'est un devoir pour nous de reconnaître que le Souverain Pontife Benoît XV et le roi Alphonse XIII ont donné au monde l'exemple magnifique de la charité chrétienne et de la compassion à l'égard de nos prisonniers.
Maint lecteur de cette Revue, j'en suis persuadé, s'occupe avec zèle d'œuvres en faveur de nos prisonniers. A toutes les raisons qu'ils ont de le faire, qu'ils se souviennent d'ajouter le motif surnaturel, évangélique parmi les œuvres de miséricorde, il n'en est pas de plus belle, ni de plus méritoire. Ce fut toujours la doctrine de l'Église, et c'est ce qui ressort, en particulier, de l'oraison de la fête de Notre-Dame de la Merci, ainsi que de celles de saint Pierre Nolasque, des saints Félix de Valois et Jean de Matha, trois saints français qui consacrèrent leur vie au soulagement des captifs. A l'occasion de ces fêtes, et en échange de nos bons offices, la sainte liturgie nous fait demander à Dieu la libération de chaînes d'un autre genre, parfois plus lourdes, presque toujours plus tenaces, les chaînes forgées par nos fautes d'habitude ut peccatorum nostrorum captivitate liberati, ad caelestem patriam perducamur. Ainsi soit-il !
Ceci est la fin d’un article de la revue Etudes, des jésuites, de juillet 1916. L’expression latine est la fin de la collecte de la fête de saint Félix de Valois. C’est l’une des nombreuses expressions qui sont bannies de la néo-liturgie, parce que pour le chrétien "adulte" d’aujourd’hui il est inconvenant de laisser croire qu’on pourrait être enchaîné par le péché et qu’il faudrait demander à être délivré de cet esclavage, même si c’est la doctrine de l’Eglise depuis toujours. Pour être sûr, on a carrément supprimé la fête de saint Félix de Valois. Et pour être encore plus sûr, si j’en crois le site « Societas laudis » qui tente de faire croire que la néo-liturgie peut avoir un côté traditionnel, on a supprimé aussi les fêtes de saint Jean de Matha, saint Pierre Nolasque, et Notre Dame de la Merci. Et hop. Ah oui, au fait : en plus, c’étaient des fêtes affreusement islamophobes…
Deus, qui beátum Felicem Confessórem tuum ex eremo ad munus rediméndi captívos cǽlitus vocáre dignátus es : præsta, quǽsumus ; ut per grátiam tuam ex peccatórum nostrórum captivitáte, eius intercessióne, liberáti, ad cæléstem pátriam perducámur. Per Dóminum.
O Dieu, qui, par une inspiration céleste, avez daigné appeler votre bienheureux confesseur Félix de la solitude du désert à l’œuvre du rachat des captifs ; faites, s’il vous plaît, que son intercession nous obtienne de vous la grâce d’être délivrés de l’esclavage de nos péchés, et de parvenir à la patrie céleste.
(Sur le site des Trinitaires du Canada)
Commentaires
Merci beaucoup.
Finalement ce qui caractérise le clergé contemporain ce serait la haine de soi ?
La réforme liturgique va jusqu'à remettre en question l'historicité de ce saint :
"Memoria S. Felicis de Valois, anno 1679 in Calendario romano ascripta, Calendariis particularibus relinquitur: multas enim praebent difficultates sub respectu historico documenta in quibus tractatur de vita S. Felicis de Valois"
(in Calendarium romanum - editio typica, Romae 1969, Variationes in Calendarium romanum inductae, p. 146).
"...pour le chrétien "adulte" d’aujourd’hui il est inconvenant de laisser croire qu’on pourrait être enchaîné par le péché et qu’il faudrait demander à être délivré de cet esclavage."
Sans doute est-ce pour cette raison que dès 1965, l'absolvo de l'absolution sacramentelle de rit latin est traduit en français par "pardonne". Certes, cela n'invalide pas le sacrament (cf. Mc 2,7), mais au passage, la notion de lien disparaît... A ma connaissance, les autres langues du monde les plus parlées ont gardé une traduction fidèle de l'absolvo.