Le parti islamiste tunisien Ennahda a décidé de ne pas modifier le premier article de la Constitution*. Il n’y sera donc pas question de la charia.
On peut reprocher bien des choses à Rached Ghannouchi, mais pas d’être un imbécile. Il est même particulièrement malin. On n’en dira pas autant du Figaro qui tombe à pieds joints dans le panneau en titrant : « La Tunisie renonce à la charia ». Sic. Ou des autres commentateurs qui se félicitent d’une telle décision par laquelle la Tunisie laïque donne une fois de plus l’exemple aux autres révolutions du printemps arabe…
Le Figaro ne s’étonne pas que ce soit Rached Ghannouchi qui fasse une conférence de presse pour expliquer que la charia ne sera pas mentionnée dans la Constitution. Pourtant Rached Ghannouchi n’exerce aucune autorité dans les institutions tunisiennes, et il ne fait pas partie de l’Assemblée constituante.
Mais il est l’autorité tout court : l’autorité de l’islam.
Rached Ghannouchi a expliqué que la charia « est une notion un peu floue pour l'opinion publique », et que « des pratiques erronées dans certains pays ont suscité la peur ». Il ne faut donc pas graver dans la loi fondamentale « des définitions ambiguës qui risquent de diviser le peuple ». En clair : ne pas inscrire la charia dans la Constitution, ça rassure la communauté internationale (ce qui est d’une importance cruciale vu l’état économique du pays), et ça permet de conserver le fragile équilibre politique interne et la fiction de l’unité entre les laïques et les islamistes. Cela étant dit, ajoute Rached Ghannouchi, « l'islam est la religion de l'État, avec tout ce que cela implique »…
* « La Tunisie est un État libre, indépendant et souverain. Sa religion est l'islam, sa langue l'arabe et son régime la République. »