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Ecriture sainte - Page 2

  • Des "jeunes filles insouciantes" ?

    Ceux qui veulent obéir à minima à François et ont accepté ou sont contraints d’avoir les lectures de la messe en français selon la soi-disant Bible de la liturgie ont intérêt à se munir de leur missel et de lire les textes en latin pendant qu’on leur débite un texte qui n’est pas une traduction du latin (alors que les « lectures » sont des proclamations de la parole de Dieu qui font partie intégrante du rituel liturgique et devraient donc être chantées en latin comme le reste). Car depuis qu’il n’y a plus de liturgie latine, les textes sont des « traductions » de ce qu’ils appellent les « textes originaux », à savoir pour l’Ancien Testament la Bible concoctée par les rabbins au Xe siècle, et pour le Nouveau Testament l’édition critique extrémiste protestante Nestlé-Aland (alors qu’il existe une édition critique catholique plus raisonnable). En outre la « traduction » s’éloigne souvent de ce texte, et les péricopes ne sont même pas toujours exactement les mêmes.

    Ces lectures ne sont donc pas celles du missel de saint Pie V et ne devraient pas être utilisées dans cette messe.

    Un exemple particulièrement pénible est l’évangile des vierges folles et des vierges sages, qui revient fréquemment dans la messe quotidienne puisque c’est l’un des deux évangiles des communs des… vierges. Comme aujourd'hui avec sainte Catherine de Sienne.

    Or donc il n’y a plus ni vierges folles ni vierges sages mais des « jeunes filles insouciantes » et des « jeunes filles prévoyantes ». Comme autrefois dans la Semaine de Suzette. Ainsi va le progrès.

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  • Mardi de la Passion

    Mais pourquoi les envoie-t-il à la fête, leur disant : « Allez, vous autres, à cette fête : pour moi, je n'y vais point encore ? » Par là, il fait voir qu'il ne le dit point pour s'excuser, ou pour leur complaire, mais pour permettre l'observance du culte judaïque. Pourquoi donc Jésus est-il allé à la fête, après avoir dit : « Je n'irai pas ? » Il n'a point dit simplement : Je n'irai pas, mais il ajoute : « maintenant », c'est-à-dire avec vous, « parce que mon temps n'est pas encore accompli ». Cependant il ne devait être crucifié qu'à la Pâque prochaine. Pourquoi donc n'y alla-t-il pas avec eux?  car s'il n'y fut pas avec eux, parce que son temps n'était pas encore venu, alors il n'y devait point aller du tout ? Mais il n'y fut point pour souffrir la mort, seulement il y fut pour les instruire.

    Pourquoi y alla-t-il secrètement, car il pouvait y aller publiquement, se présenter au milieu d'eux, et réprimer leur fureur et leur violence comme il l'a souvent fait ? C'est parce qu'il ne le voulait pas faire trop souvent. S'il y eût été publiquement, et s'il les eût encore frappés d'une sorte de paralysie, il aurait découvert sa divinité avant le temps d'une manière trop claire, et l'aurait trop fait éclater par ce nouveau miracle. Mais comme ils croyaient que la crainte le retenait et l'empêchait d'aller à la fête, il leur fait voir au contraire qu'il n'a nulle crainte ; que ce qu'il fait, c'est par prudence, et qu'il sait le temps auquel il doit souffrir : quand ce temps sera venu, il ira alors librement et volontairement à Jérusalem. Pour moi, il me semble que ces paroles : « Allez, vous autres », signifient ceci : Ne croyez pas que je veuille vous contraindre de demeurer avec moi malgré vous. Et quand il ajoute : « Mon temps n'est pas encore accompli », il veut dire qu'il faut qu'il fasse des miracles, qu'il prêche et qu'il enseigne le peuple, afin qu'un plus grand nombre croie, et que les disciples, voyant la constance et l'assurance de leur Maître, et aussi les tourments qu'il a endurés, en deviennent plus fermes dans la foi.

    Saint Jean Chrysostome, homélie 48 sur saint Jean, traduction Jeannin, 1865.

    « Vous, montez à cette fête, moi je ne monte pas encore à cette fête, parce que mon temps n’est pas encore accompli. »

    Tel est le texte évangélique que commente saint Jean Chrysostome. C’est le texte de la tradition byzantine et syriaque, mais la tradition latine a : « moi je ne monte pas à cette fête ». Une fois n’est pas coutume, la critique moderne a suivi la tradition latine… En se fondant sur les deux seules grandes onciales importantes qui n’ont pas le mot « encore » (οὔπω) : le Sinaïticus et le Codex Bezae. Si les autres manuscrits ont ce mot, ont-ils décidé, c’est parce que le texte a été corrigé : en effet, en ajoutant ce mot on supprimait la difficulté : comment Jésus peut-il dire qu’il ne va pas à la fête alors qu’il va y aller ? S’il dit : « pas encore », cela laisse entendre qu’il va y aller ensuite. Mais dans les années 1950 on a découvert deux manuscrits, les papyrus P66 et P75, qui sont sans doute les plus anciens témoins que l’on ait aujourd’hui de l’évangile de saint Jean. Or, dans ces deux manuscrits il y a « encore ».

  • Samedi de la troisième semaine de carême

    Les deux lectures de la messe de ce jour forment un curieux parallèle. La première est l’histoire d’une femme vertueuse, Suzanne, qui est calomniée, condamnée à mort, sauvée in extremis par le jeune Daniel qui prouve la calomnie. La seconde est l’histoire d’une femme adultère condamnée à mort et sauvée par la miséricorde du Fils de Dieu. Au départ, deux situations opposées, à l’arrivée, le salut pour les deux femmes. Daniel a fait triompher la vérité, Jésus la miséricorde. Ce sont les deux faces de l’action divine, comme le dit le psaume 24 : « Universæ viæ Domini, misericordia et veritas ». Toutes les voies du Seigneur sont miséricorde et vérité.

    Un autre point commun entre les deux lectures est que l’une et l’autre ne font pas partie initialement du livre où elles se trouvent.

    L’histoire de Suzanne est un ajout grec au livre de Daniel. Il n’est pas admis comme canonique par les juifs. Dans la Septante il est même un livre à part, avant celui de Daniel (ce qui est chronologiquement logique puisque le prophète y est très jeune), alors que saint Jérôme l’a ajouté à la fin en appendice. Toutefois l’Alexandrinus (l’un des plus prestigieux manuscrits grecs de la Bible) inscrit ce livre comme la « première vision » (de Daniel). Le livre de Daniel proprement dit est annoncé comme « deuxième vision », et le livre de Bel et le Dragon, mis après Daniel et clôturant la Bible, comme « douzième vision ».

    Quant à l’histoire de la femme adultère, on ne la trouve ni dans les deux plus anciens papyrus qui donnent l’évangile de saint Jean (P66 et P75), ni dans le Sinaiticus, ni dans le Vaticanus, ni dans le manuscrit C, ni dans l’Alexandrinus (où il manque cependant presque tout le chapitre 8, bien au-delà de la femme adultère). Elle ne figure donc dans aucun des « quatre grands onciaux », ni dans sept autres. Ni dans plusieurs vieilles latines, ni dans la tradition syriaque. Certains manuscrits l’ont dans l’évangile de saint Luc (« l’évangile de la miséricorde »…). Mais elle se trouve en saint Jean dans le manuscrit D, le Codex Bezae, qui est assez souvent différent des « grands onciaux » et qui est ici suivi par la Vulgate, donc la tradition latine, mais aussi par toute la tradition grecque.

    La femme adultère a su se rendre indispensable à l’Evangile, et les derniers mots de Jésus sont bien ceux du Dieu de vérité et de miséricorde : « Moi non plus je ne te condamnerai pas. Va, et désormais ne pèche plus. »

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    Vassili Dmitrievitch Polenov, 1888 (la toile fait plus de 6 mètres sur 3).
    Les non-russsophobes peuvent cliquer pour agrandir.

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  • Samedi des quatre temps

    Exsúlta satis, fília Sion, prǽdica, fília Jerúsalem : ecce, Rex tuus venit tibi sanctus et Salvátor.

    Exulte tout ton saoul, fille de Sion, proclame, fille de Jérusalem : voici que ton roi vient à toi, il est saint et il est le Sauveur.

    L’antienne d’offertoire de la messe de ce jour reprend un demi-verset du prophète Zacharie 9,9).

    Le verset entier dit ceci, dans la Vulgate :

    Exsulta satis, filia Sion ; jubila, filia Jerusalem : ecce rex tuus veniet tibi justus, et salvator : ipse pauper, et ascendens super asinam et super pullum filium asinæ.

    Exulte tout ton saoul, fille de Sion, jubile, fille de Jérusalem : voici que ton roi vient à toi, il est juste et il est le Sauveur. Lui il est pauvre, et monté sur une ânesse, et sur un poulain d’ânesse.

    Ce verset prophétise donc d’abord les Rameaux. Mais bien sûr il convient au temps de l’Avent puisque ce Roi pauvre, saint et sauveur qui vient aux Rameaux est d’abord celui qui est venu à Noël.

    On remarque que la Vulgate dit « jubila » alors que l’antienne dit « praedica ». Le texte de l’antienne est celui d’une version antérieure à la Vulgate, traduisant le texte grec de la Septante : κήρυσσε (kirissé), proclame. De même, la Vulgate dit « sanctus », quand l’antienne dit « justus », qui traduit le mot de la Septante δίκαιος (dikèos), juste. (Dans la deuxième partie du verset l’ancienne version latine a, conformément au grec, mansuetus, doux, et non pauper, pauvre. Et c’est ce mansuetus (πραὺς) que l’on retrouve dans l’évangile de saint Matthieu.)

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    *

    O Adonai

    O Adonái, et Dux domus Israël, qui Móysi in igne flammæ rubi apparuísti, et ei in Sina legem dedísti : veni ad rediméndum nos in bráchio exténto

    O Adonaï, et Conducteur de la maison d’Israël, qui avez apparu à Moïse dans le feu du buisson ardent, et lui avez donné la Loi sur le Sinaï : venez pour nous racheter par la puissance de votre bras.

     

  • De la Sainte Vierge le samedi

    Accéssi, inquit, ad prophetíssam, et in útero accépit et péperit fílium. Quod María prophetíssa fúerit, ad quam próxime accéssit Isaías per prænotiónem spíritus, nemo contradíxerit, qui sit memor verbórum Maríæ, quæ prophético affláta spíritu elocúta est. Quid enim ait ? Magníficat ánima mea Dóminum: et exsultávit spíritus meus in Deo, salutári meo. Quia respéxit humilitátem ancíllæ suæ: ecce enim ex hoc beátam me dicent omnes generatiónes. Quod si ánimum accommodáveris univérsis ejus verbis; non útique per dissídium negáveris eam fuísse prophetíssam, quod Dómini Spíritus in eam supervénerit, et virtus Altíssimi obumbráverit ei.

    « Je m’approchai de la prophétesse, dit-il. Elle conçut et enfanta un fils. » Que Marie soit cette prophétesse dont Isaïe s’approche par une prescience spirituelle, nul ne le niera s’il a présentes à la mémoire les paroles que Marie prononça sous une inspiration prophétique. Que dit-elle en effet ? « Mon âme exalte le Seigneur et mon esprit exulte en Dieu mon Sauveur : il s’est penché sur son humble servante, et désormais tous les âges me diront bienheureuse. » Si vous accordez votre âme à toutes ses paroles, vous ne nierez assurément point, par discorde, qu’elle ait été prophétesse, celle sur qui « l’Esprit du Seigneur est venu et que la puissance du Très-Haut a prise sous son ombre ».

    Exposé de saint Basile sur le prophète Isaïe, 8.

     

    La phrase commentée par saint Basile se trouve au début du chapitre 8 d’Isaïe :

    Et le Seigneur me dit : Prends-toi un grand livre, et écris dedans avec un stylet d’homme : Enlève promptement les dépouilles, Pille vite. Et je pris des témoins fidèles, le prêtre Urie, et Zacharie fils de Barachie ; et je m’approchai de la prophétesse, et elle conçut et enfanta un fils. Alors le Seigneur me dit : Donne-lui pour nom : Hâte-toi de saisir les dépouilles, Pille promptement ; car avant que l’enfant sache nommer son père et sa mère, la puissance de Damas et les dépouilles de Samarie seront emportées devant le roi des Assyriens.

    L’interprétation de saint Basile me rappelle que dans l’évangile de saint Matthieu Jésus dit : « depuis le sang d’Abel le juste jusqu'au sang de Zacharie fils de Barachie, que vous avez assassiné entre le sanctuaire et l'autel ». Cette mention du « fils de Barachie » a toujours mis les exégètes dans l’embarras. A priori il s’agit du prêtre Zacharie tué par le roi Joas à la fin du livre des Chroniques, donc le dernier juste assassiné dans la Bible hébraïque, faisant pendant à Abel qui avait été le premier. Mais ce Zacharie est fils de Joïada, pas de Barachie. Comme le parallèle en saint Luc ne spécifie pas « fils de Barachie », certains modernes ont pensé que c’était une erreur, d’un copiste qui voulait faire le malin en précisant de quel Zacharie il s’agissait, et qui s’est planté. Origène quant à lui faisait écho à une tradition selon laquelle il s’agissait de Zacharie le père de saint Jean Baptiste, tué – donc récemment – (d’Abel à Zacharie : du commencement du monde à maintenant) pour avoir prédit la venue du Sauveur.

    Et si Jésus avait parlé de « Zacharie fils de Barachie » pour attirer l’attention sur les mots qui suivent immédiatement dans Isaïe ? Car c’est tout le paragraphe qui prophétise le Christ. C’est lui l’auteur du Grand Livre, c’est lui aussi le stylet d’homme, c’est lui qui par sa seule Incarnation, avant de pouvoir parler, avait déjà saisi promptement les dépouilles du diable pour les apporter triomphalement devant le Roi du Ciel.

    « Et commençant par Moïse et par tous les prophètes, il leur expliquait, dans toutes les Ecritures, ce qui le concernait » (Luc 24,27).

    (On remarque aussi que la plupart des traducteurs ont buté sur l’expression « en stylet d’homme ». Alors que c’est bien ce que dit le texte, tant hébreu que grec ou latin, ils disent : « en caractères lisibles », ou « d’une manière intelligible ». De façon à ce qu’on ne comprenne pas…)

  • De la Sainte Vierge le samedi

    Quid dicébas, o Adam ? Múlier quam dedísti mihi, dedit mihi de ligno, et comédi. Verba malítiæ sunt hæc, quibus magis áugeas quam déleas culpam. Verúmtamen Sapiéntia vicit malítiam. Rédditur nempe fémina pro fémina, prudens pro fátua, húmilis pro supérba ; quæ pro ligno mortis gustum tibi pórrigat vitæ, et pro venenóso cibo illo amaritúdinis, dulcédinem páriat fructus ætérni. Muta ergo iníquæ excusatiónis verbum in vocem gratiárum actiónis, et dic : Dómine, múlier quam dedísti mihi, dedit mihi de ligno vitæ, et comédi ; et dulce factum est super mel ori meo, quia in ipso vivificásti me. Ecce enim ad hoc missus est Angelus ad Vírginem. O admirándam et omni honóre digníssimam Vírginem ! O féminam singuláriter venerándam, super omnes féminas admirábilem, paréntum reparatrícem, posterórum vivificatrícem !

    Adam ! Que disais-tu ? « C’est la femme que tu as mise auprès de moi qui m’a donné de l’arbre, et j’ai mangé ! » Ce sont des paroles perfides. Par elles tu augmentes la faute plus que tu ne l’effaces. Cependant la Sagesse a vaincu la perfidie. Il fut donné femme pour femme ; la prudente pour la sotte ; l’humble pour l’orgueilleuse. Au lieu du bois de la mort, qu’elle t’offre le goût de la vie, et au lieu de cet aliment empoisonné d’amertume, qu’elle engendre la douceur du fruit éternel. Transforme donc la parole de malhonnête excuse en chant d’action de grâces, et dis : Seigneur, la femme que tu as mise auprès de moi m’a donné de l’arbre de vie, et j’ai mangé, et c’est devenu doux à mon palais plus que le miel, car par lui tu m’as rendu la vie. Voilà pourquoi l’ange fut envoyé à la Vierge ! O Vierge admirable, la plus digne de tout honneur ! O femme singulièrement vénérable, merveilleuse au-delà de toutes les femmes ; pour les parents, réparatrice ; pour les enfants, vivificatrice.

    Saint Bernard, A la louange de la Vierge Mère (homélies sur Missus est), 2.

    Les textes de saint Bernard sont truffés de citations de la Sainte Ecriture. Ici, en dehors de la Genèse et de saint Luc, on remarque tout de suite « super mel ori meo », qui vient du psaume 118, que suit « vivificasti me », du psaume 70. Et aussi « prudens pro fatua », claire allusion à la parabole des vierges sages et des vierges folles. On remarque moins « Sapiéntia vicit malítiam », tout en se disant que la façon d’amener cette expression ressemble à un emprunt. Il y a un sermon de saint Bernard qui commence par cette phrase, le 14e des sermons divers, et dans le premier paragraphe de ce sermon il y a une citation explicite du premier verset du chapitre 7 du livre de la Sagesse. Le dernier verset de ce chapitre dit : « Sapientiam autem non vincit malitia. » Or la méchanceté ne vainc pas la sagesse. Et même, semble dire saint Bernard, la sagesse vainc la méchanceté. Sapiéntia vicit malítiam. Il se pourrait, et même il est vraisemblable, que saint Bernard avait bel et bien Sapiéntia vicit malítiam dans son exemplaire de la Bible. On en a au moins un exemple : une Bible de l’abbaye de Saint-Thierry près de Reims (codex s. Theoderici ad Remos), datant environ de l’an 600, et retenue pour ses variantes par Pierre Sabatier dans son édition de la Vetus Latina (1732).

  • Remplacer Yahvé ?

    Je lis avec étonnement, sous la plume de quelqu’un qui pratique intensivement la liturgie traditionnelle :

    Au cœur de la nuit, durant ma lectio divina, je relisais ces quelques lignes du psaume 36 : « Confie-toi en Yahvé, fais le bien, mets tes délices en Yahvé, et il te donnera ce que le cœur demande. Remets ton sort à Yahvé, confie-toi en lui : il agira. » Remplacez juste Yahvé par Jésus. Et vous comprendrez…

    Mais le psaume 36 dit ceci :

    Spera in Domino, et fac bonitatem (…) Delectare in Domino, et dabit tibi petitiones cordis tui. Revela Domino viam tuam, et spera in eo, et ipse faciet.

    Même sans connaître le latin, on voit qu’il n’est pas question d’un quelconque Yahvé (d’invention très récente et heureusement toujours interdit dans la liturgie, même nouvelle) mais de Dominus, le Seigneur. Et alors il n’y a pas besoin de « remplacer » quoi que ce soit…

  • Etourdies ?!

    L’évangile de la fête de sainte Catherine est celui qu’on appelle traditionnellement l’évangile des vierges sages et des vierges folles.

    Comme c’est celui du premier commun des vierges martyres et du premier commun des vierges non martyres, il revient souvent au cours de l’année. Dans la traduction officielle des années 1960, il est question de vierges « étourdies » et de vierges « prudentes ». Cela me fait bondir (intérieurement) à chaque fois. Comment peut-on penser une seconde que ces vierges se voient interdire l’accès au paradis parce qu’elles ont été « étourdies » ? Qui peut être sauvé si ne peut être sauvé un étourdi ?

    Les mots grecs sont φρόνιμοι (phronimi) et μωραὶ (morai). Comme, dans le même évangile de saint Matthieu, l’homme sensé qui construit sa maison sur le roc, et l’insensé qui la construit sur le sable.

    Tel est le sens obvie de ces mots. Il y a d’un côté des vierges sages, « prudentes » si l’on veut, mais au sens (premier) d’avisées, sensées (celui du latin prudentes), et non de prévoyantes. Et de l’autre des vierges folles, insensées (en latin fatuae, qui ne veut jamais dire « étourdies »).

    Car il faut être fou, insensé, pour aller à la damnation éternelle. Pas « étourdi ».

    Cette dérive insensée de la traduction de la parabole se trouve déjà dans la Bible Pirot-Clamer, que certains considèrent comme traditionnelle. C’est la traduction du P. Denis Buzy (1934). Non seulement il traduit par « étourdies », mais il affirme que la parabole devrait s’appeler la « parabole des dix jeunes filles », car le fait qu’elles soient ou non vierges n’a aucune importance. Et c’est pourquoi dans la traduction « liturgique » officielle de l’Eglise de France actuelle, il s’agit de « dix jeunes filles », cinq étant « insouciantes », et cinq « prévoyantes ».

    Le P. Buzy prenait le soin de nous expliquer aussi que les nombres sont sans importance : c’est juste que 10 est un « nombre rond qui se laisse facilement partager en deux groupes ». Sic.

    Quel est alors le sens de la parabole ? Eh bien tout simplement que ceux qui seront prêts à la venue du Christ entreront dans le Royaume, et que ceux qui ne sont pas prêts en seront exclus…

    Bref, il n’en reste quasiment rien. Sinon cette absurdité de fidèles exclus du Royaume parce qu’ils ont été étourdis.

    Jusqu’à quand va-t-on ainsi défigurer la Sainte Ecriture ?

    Petit rappel résumé de l’exégèse traditionnelle. Il y des groupes de cinq vierges parce que 5 est le nombre des sens corporels : le toucher, l’odorat, l’ouïe, le goût, la vue. Celui qui garde vierges ses cinq sens est celui qui ne se laisse pas aller aux tentations sensuelles et se garde des péchés qu’elles induisent. Mais il ne suffit pas de garder vierges ses sens. Il faut encore avoir de l’huile dans sa lampe : la charité. Car si je n’ai pas la charité je ne suis rien (1 Corinthiens 13, 1-3).

  • 23e dimanche après la Pentecôte

    Par rapport à saint Marc et à saint Luc, saint Matthieu résume l'épisode de la guérison de l'hémorroïsse et de la résurrection de la fille du "chef".

    De ce fait, il souligne le parallélisme entre les deux miracles, qui ont un même point central : le toucher. La femme malade sera guérie si elle touche le vêtement de Jésus. La jeune fille ressuscite quand Jésus lui prend la main. Le chef lui avait demandé de venir lui « imposer la main ». Un geste qui deviendra essentiel dans plusieurs sacrements. Le Verbe incarné agit par le contact de son corps. Ce contact, par les sacrements, donne la vie. Car le sang, c'est la vie : l'hémorroïsse perdait peu à peu sa vie. Et la résurrection de la jeune fille montre que le contact avec le Christ peut nous rendre la vraie vie à tout moment : « Lève-toi, toi qui dors, relève-toi d'entre les morts, et le Christ t'illuminera » (Ephésiens, 5, 14).

    Il est intéressant de constater que sur les 35 occurrences du verbe « toucher » (haptomai) dans les évangiles, presque toutes concernent des guérisons (ou des résurrections). Il n’y a que quatre exceptions : quand on présente des petits enfants à Jésus « pour qu’il les touche », quand les pharisiens disent à propos de la pécheresse : « S’il savait qui est cette femme qui le touche », quand le Ressuscité dit aux apôtres : « Touchez-moi », pour constater qu’il n’est pas un fantôme, et quand le Ressuscité dit à Marie Madeleine : « Ne me touche pas, car je ne suis pas encore monté vers mon Père. »

    En fait, les deux premiers emplois peuvent s’assimiler à la guérison : on le fait toucher les enfants pour qu’il leur transmette sa bénédiction et que tout aille bien pour eux, et la pécheresse touche Jésus parce qu’elle vient se convertir. Il reste les deux emplois, après la Résurrection, qui paraissent contradictoires. Mais les deux sont sur des plans très différents. Le premier vise seulement à provoquer une constatation matérielle : Jésus ressuscité a un vrai corps. Et il n’est pas dit, d’ailleurs, que les apôtres aient osé le toucher, comme s’ils allaient encore douter de sa parole…

    Il reste donc comme emploi vraiment étonnant le « Noli me tangere », dernier emploi du mot dans les évangiles. C’est celui qui fait passer du sens terrestre du toucher (celui qu’exercent les apôtres s’ils le touchent) au sens spirituel du toucher. Longtemps esclave de la sensualité, devenue apôtre des apôtres, Marie Madeleine doit savoir que c’est par participation au Royaume qu’elle touchera, non plus le Jésus de chair, mais le Verbe de Dieu.  C’est ce que chante saint Jean au début si impressionnant de sa première épître : « Ce qui était depuis le Principe, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé et que nos mains ont touché concernant le Verbe de la Vie… »

  • Le poisson et le serpent

    Dans l’évangile selon saint Matthieu, Jésus dit : « Quel est l’homme d’entre vous qui, si son fils lui demande du pain, lui donnera une pierre, et s’il lui demande du poisson, lui donnera-t-il un serpent ? »

    Si l’on s’intéresse au symbolisme, on comprend que le poisson est le Christ et que le serpent est le diable, donc évidemment aucun père ne donnera à son fils le diable au lieu du Christ.

    Toutefois l’image est étrange. On ne voit pas pourquoi un père irait tenter de trouver un serpent (ce n’est pas évident, même en Palestine) et chercherait à l’attraper (ce qui est encore moins évident), alors que le poisson et si bon marché à la poissonnerie Barjona ou chez Zébédée et fils.

    Pourquoi diable, c’est le cas de le dire, un père donnerait à son fils un serpent (plutôt qu’une baffe, par exemple) ?

    Voici un indice que l’évangile de saint Matthieu, l’évangile « hébreu », qu’on dit être une traduction de l’hébreu, est un évangile grec, rapportant des propos de Jésus en grec.

    Car les mots poisson et serpent en grec sont des mots qui riment : ikhtine et ophine.

    Comme pain et pierre : artone, lithone.

    Le procédé des mots qui s’appellent l’un l’autre pour rythmer des phrases à retenir est certes sémitique. Mais les mots sont grecs.

    (A condition évidemment de ne pas prononcer selon la fausse prononciation érasmienne qui fait perdre les rimes. Car elle ne rime à rien…)