Quid dicébas, o Adam ? Múlier quam dedísti mihi, dedit mihi de ligno, et comédi. Verba malítiæ sunt hæc, quibus magis áugeas quam déleas culpam. Verúmtamen Sapiéntia vicit malítiam. Rédditur nempe fémina pro fémina, prudens pro fátua, húmilis pro supérba ; quæ pro ligno mortis gustum tibi pórrigat vitæ, et pro venenóso cibo illo amaritúdinis, dulcédinem páriat fructus ætérni. Muta ergo iníquæ excusatiónis verbum in vocem gratiárum actiónis, et dic : Dómine, múlier quam dedísti mihi, dedit mihi de ligno vitæ, et comédi ; et dulce factum est super mel ori meo, quia in ipso vivificásti me. Ecce enim ad hoc missus est Angelus ad Vírginem. O admirándam et omni honóre digníssimam Vírginem ! O féminam singuláriter venerándam, super omnes féminas admirábilem, paréntum reparatrícem, posterórum vivificatrícem !
Adam ! Que disais-tu ? « C’est la femme que tu as mise auprès de moi qui m’a donné de l’arbre, et j’ai mangé ! » Ce sont des paroles perfides. Par elles tu augmentes la faute plus que tu ne l’effaces. Cependant la Sagesse a vaincu la perfidie. Il fut donné femme pour femme ; la prudente pour la sotte ; l’humble pour l’orgueilleuse. Au lieu du bois de la mort, qu’elle t’offre le goût de la vie, et au lieu de cet aliment empoisonné d’amertume, qu’elle engendre la douceur du fruit éternel. Transforme donc la parole de malhonnête excuse en chant d’action de grâces, et dis : Seigneur, la femme que tu as mise auprès de moi m’a donné de l’arbre de vie, et j’ai mangé, et c’est devenu doux à mon palais plus que le miel, car par lui tu m’as rendu la vie. Voilà pourquoi l’ange fut envoyé à la Vierge ! O Vierge admirable, la plus digne de tout honneur ! O femme singulièrement vénérable, merveilleuse au-delà de toutes les femmes ; pour les parents, réparatrice ; pour les enfants, vivificatrice.
Saint Bernard, A la louange de la Vierge Mère (homélies sur Missus est), 2.
Les textes de saint Bernard sont truffés de citations de la Sainte Ecriture. Ici, en dehors de la Genèse et de saint Luc, on remarque tout de suite « super mel ori meo », qui vient du psaume 118, que suit « vivificasti me », du psaume 70. Et aussi « prudens pro fatua », claire allusion à la parabole des vierges sages et des vierges folles. On remarque moins « Sapiéntia vicit malítiam », tout en se disant que la façon d’amener cette expression ressemble à un emprunt. Il y a un sermon de saint Bernard qui commence par cette phrase, le 14e des sermons divers, et dans le premier paragraphe de ce sermon il y a une citation explicite du premier verset du chapitre 7 du livre de la Sagesse. Le dernier verset de ce chapitre dit : « Sapientiam autem non vincit malitia. » Or la méchanceté ne vainc pas la sagesse. Et même, semble dire saint Bernard, la sagesse vainc la méchanceté. Sapiéntia vicit malítiam. Il se pourrait, et même il est vraisemblable, que saint Bernard avait bel et bien Sapiéntia vicit malítiam dans son exemplaire de la Bible. On en a au moins un exemple : une Bible de l’abbaye de Saint-Thierry près de Reims (codex s. Theoderici ad Remos), datant environ de l’an 600, et retenue pour ses variantes par Pierre Sabatier dans son édition de la Vetus Latina (1732).