Fresque du XIIIe siècle en l’église Sainte Marie d’Amid, auourd’hui Diyarbakir en Turquie, archidiocèse syriaque de Mardin.
Extrait de l’homélie sur la femme pécheresse qui répandit des parfums sur les pieds de notre Seigneur.
Après avoir pris le vase, la pécheresse s'en alla joyeuse, se disant en elle-même : "Qui m'ouvrira la porte pour que j'approche aussitôt du divin Médecin ? Si je puis embrasser ses genoux, rien ne pourra m'en arracher avant que j'aie reçu le pardon de mes fautes. J'adresserai mes ferventes prières au Seigneur, qui déjà connaissait tous mes secrets avant que je pensasse à aller Le trouver ; Il connaît toutes choses. Je vais au bon Médecin, je vais voir le Sauveur du monde et implorer sa Clémence et sa Miséricorde." Puis, la pécheresse, comme si elle s'adressait au Seigneur et au Dieu saint, s'écriait : "Seigneur, voilà que Tu Te reposes, comme un homme ordinaire, dans la maison de Simon ; Tu connais les secrets de mon âme, ô Christ, et la pensée de mon esprit ; je T'apporte un parfum précieux, pour être purifiée de toutes les fautes que j'ai commises, quand je serai près de Toi, prosternée aux pieds de ta Divinité souveraine. J'ai compris, Seigneur, que Tu es le Dieu bon qui sauves tous les hommes par ta Miséricorde, qui ne veux pas la mort du pécheur qui va volontairement à Toi qui es le Sauveur. Il m'a suffi de T'apercevoir pour comprendre toute l'étendue de ta Puissance. Fais-moi la grâce, Dieu clément, d'entrer sans obstacle dans le lieu où Tu es, et d'arriver ainsi jusqu'à Toi."
Tout en roulant ces pensées et mille autres dans son esprit inquiet, la pécheresse arriva à la maison où se trouvait le Christ. La porte était ouverte ; elle entra toute joyeuse, et se mit aussitôt derrière le Seigneur ; elle se pencha sur ses Pieds avec la foi la plus vive, et, humiliant sa tête et son cœur d'où s'exhalaient des soupirs sans nombre, elle arrosa les Pieds de Jésus Christ d'un torrent de larmes, et les embrassa avec une émotion et une tendresse profondes : elle les essuya avec ses cheveux et les arrosa de parfums, en disant : "Il n'y a que Toi, Seigneur, qui saches pourquoi j'ai osé agir ainsi. Seigneur, je sais combien j'ai péché ; mais je me suis approchée avec confiance du Dieu pur, et, comme les publicains, j'ai marché vers Lui parce que je désirais être sauvée. Christ, accepte mes abondantes larmes ; accepte les regrets de mon âme criminelle. Que ma hardiesse se change en supplication, mon effronterie en prière, que mon parfum soit une offrande de propitiation, ô mon Sauveur ! et que la contrition de mon cœur fasse jaillir la lumière. J'ai entendu dire à tout le monde, dans mon enfance, qu'un Dieu était né d'une Vierge, et, brûlant d'en apprendre davantage, je demandais comment il se pouvait que Celui qui n'avait pas de chair pût être incarné. Mes parents me répondaient que nos ancêtres nous avaient laissé cette tradition qu'un Dieu saint naîtrait sur la terre du sein d'une Vierge. J'étais encore bien jeune, quand j'ai appris cela, et maintenant je vois qu'en vérité un Dieu grand, un Dieu saint est apparu dans notre chair, afin de nous sauver. Je ne Te vois pas des mêmes yeux que Simon le pharisien, qui T'a invité à sa table. Je vois en Toi le Dieu puissant, le Créateur de toutes choses, qui, d'un seul mot, a fait l'univers. Je suis une brebis entraînée loin du troupeau, fais-moi rentrer dans la bergerie. Seul Tu es le bon pasteur qui ramènes les brebis égarées, Seigneur, je suis Ta colombe, qu'un cruel épervier a enlevée : mon âme est embrasée d'un violent amour pour la Sainteté de mon Dieu. Que ta Bonté généreuse, ô Source de toute pureté, me délivre du poids de mes souillures et de mes iniquités. Ô Dieu ! dans ta Clémence extrême, substitue à mon parfum et à mes larmes l'action de ta Grâce, pour effacer les traces de mes péchés et accomplir ma purification. Tu as daigné ouvrir ma bouche et m'inspirer le courage de Te parler comme je le fais, pour que je serve d'exemple aux pécheurs pour le salut desquels Tu es venu. Seigneur, je T'en supplie, ne rejette pas les larmes d'une infortunée ; je sais que rien ne T'est impossible et que Tu peux tout."
C'est du fond de son cœur que la pécheresse priait le Seigneur, dont les cœurs des hommes sont l'ouvrage. Elle reçut, en échange de son parfum corruptible, un parfum de vie, qui doit rester incorruptible pendant l'éternité. Quoique très grande, la suavité de son parfum n'était pas comparable à celle des paroles du Sauveur. Mais avec le parfum, elle offrit aussi son amour et reçut le pardon de ses fautes. Le Dieu Sauveur qui a la connaissance de l'avenir justifia l'espérance d'une âme perdue, sans parler des fautes secrètes que cette femme héroïque avait commises ; Il ne fit attention qu'à son amour.