Secrétaire d’État de Pie IV, saint Charles se trouva aux côtés du Pontife à l’une des époques les plus décisives pour l’histoire de la papauté. Il s’agissait de savoir si le Saint-Siège s’engagerait enfin d’une manière résolue dans la voie de la réforme ecclésiastique, si longtemps et si universellement réclamée ; ou bien s’il ajournerait encore cette difficile entreprise, se contentant, comme malheureusement quelques-uns des Pontifes de ce siècle, de demi-mesures.
Ce fut sous l’influence personnelle de saint Charles que Pie IV se décida pour la réforme ; et de ce jour le Saint, au nom et avec l’autorité de son oncle, marcha hardiment dans la voie ouverte, sans considérations humaines. On peut donc dire que, de Rome, il dirigea la dernière période du Concile de Trente, et ce qui est encore plus important, lorsque le Concile eut été approuvé par le Pape, saint Charles s’appliqua avec toute son énergie à en réaliser effectivement le plan de réforme.
Ici commence la seconde partie de la vie de saint Charles. Pie IV étant mort, il se fixa définitivement dans son Église de Milan, où étaient à relever les ruines accumulées par de longues années de mauvais gouvernement, en l’absence des pasteurs légitimes.
Saint Charles, pour sanctifier son troupeau, commença par se sanctifier lui-même. Comme Jésus avait voulu racheter le monde moins par sa prédication et ses miracles que par sa passion, ainsi saint Charles s’offrit-il comme une victime à Dieu pour son peuple par une vie très austère. Les âmes, disait-il, se gagnent à genoux, faisant ainsi allusion à ses longues prières au pied du Crucifix ou dans la crypte de l’église du Saint-Sépulcre à Milan.
L’activité déployée par saint Charles en toute sorte de labeur pastoral est incroyable. Son champ d’action, à titre de métropolitain de Milan et de légat du Saint-Siège, était immense. Et pourtant il n’y eut pas de village des Alpes ou de pays perdu où saint Charles ne se rendît pour y faire la visite pastorale. Ses biographes nous disent qu’en moins de trois semaines il lui arriva de consacrer quinze églises.
L’archevêque de Milan avait alors à résoudre d’importants et difficiles problèmes. L’hérésie, qui avait infecté les cantons suisses confinant au diocèse, menaçait de contaminer aussi celui-ci. Il fallait tout au moins en paralyser l’influence et saint Charles le fit. Il fallait en outre former des évêques et des prêtres inspirés par l’idéal le plus élevé : le Saint érige des collèges et des séminaires, rassemble des conciles, promulgue des canons, favorise l’ouverture de maisons religieuses pour l’éducation de la jeunesse.
L’affaiblissement de l’esprit ecclésiastique dans le clergé est presque toujours favorisé par le pouvoir civil qui avilit en effet le prêtre pour pouvoir ensuite se l’assujettir plus aisément. Saint Charles fut le vengeur intrépide de l’autorité épiscopale ; aussi non seulement il eut à lutter contre les chanoines, les religieuses et les religieux qui s’étaient écartés de leur route primitive — par exemple les Humiliés qui allèrent jusqu’à tenter d’assassiner le Saint ! — mais il trouva des adversaires beaucoup plus redoutables dans les gouverneurs de Milan, trop jaloux des prétendues prérogatives de la couronne d’Espagne.
Ainsi vécut, agit et combattit le grand saint Charles Borromée, qui se montra le digne champion de la lutte sacrée pour laquelle il s’immola. Usé avant le temps par les dures fatigues de sa vie pastorale, il mourut sur la brèche le 3 novembre 1584, âgé seulement de quarante-six ans.
Bienheureux cardinal Schuster