Il est assez ahurissant d’entendre tous ces hommes politiques qui parlent de l’affaire grecque (et les journalistes, évidemment) évoquer une sortie de la Grèce de la zone euro. Y compris notre ministre des Affaires européennes, Jean Leonetti, dont on n’avait jamais entendu dire, il est vrai, qu’il eût des compétences dans ce domaine avant d’être nommé à ce poste. A moins qu’il s’agisse d’appliquer à l’euro la loi sur la fin de vie. Et en effet il serait bon d’arrêter l’acharnement thérapeutique, et même les transfusions qui nourrissent le cancer de la dette…
Le président de la Commission européenne a pourtant rappelé à plusieurs reprises qu’il n’est pas possible de sortir de la zone euro.
Le traité européen n’envisage pas une telle possibilité, pour une raison très simple, c’est que l’adhésion à l’Union européenne implique nécessairement que le pays adhérent ait l’euro comme monnaie. Les nouveaux adhérents s’engagent formellement à abandonner leur monnaie nationale pour l’euro aussitôt que les conditions économiques dans leur pays rendent possible cette conversion. L’expression « monnaie unique » veut clairement dire que l’euro est la monnaie de l’UE et qu’il n’y a pas d’autre monnaie dans l’UE.
Si cela n’est pas une évidence pour tout le monde, c’est que l’UE a admis un certain nombre de dérogations, permettant à certains pays de ne pas adopter l’euro. Et elle permet aujourd’hui à certains nouveaux adhérents (parce qu’elle n’a guère le choix) de repousser à la saint glin-glin leur passage à l’euro. Mais le principe demeure, et s’applique particulièrement aux pays qui font partie de la zone euro : on ne peut pas quitter la zone euro, parce que c’est une partie intégrante et indivise de l’adhésion à l’UE.
Ce qui est possible, en revanche, mais seulement depuis le traité de Lisbonne, c’est qu’un pays de l’UE quitte l’UE. Ce que peut donc négocier la Grèce.
Cela dit, compte tenu des dérogations qui font qu’il y a de fait une zone euro qui est distincte de la zone UE, on peut imaginer que les Grecs s’en servent pour tenter de négocier une sortie de la zone euro sans sortir de l’UE. Mais il faut savoir qu’à ce moment-là il faut modifier le traité européen. Or il s’agit d’une modification majeure, car elle touche à ce qui est le cœur même du traité européen depuis le traité de Maastricht. D’ici que cette modification soit ratifiée par tous les pays, la zone euro aura eu le temps d’éclater dix fois.
Comme si une absurdité ne suffisait pas, les mêmes qui nous disent que la Grèce peut sortir de la zone euro ajoutent que cela n’aura aucune conséquence pour le reste de l’UE puisque le PIB de la Grèce c’est 2% du PIB de l’UE. Ces gens-là font semblant d’ignorer que la crise de la dette dépasse de très loin le cadre grec et implique tous les pays de l’UE, et que si la Grèce quitte l’UE la partie de dominos ne fait que commencer…
Commentaires
Il existe une autre possibilité : un nouveau traité (du type traité de Maastricht ou de Lisbonne) modifiant les traités européens. Ce nouveau traité pourrait alors : 1) ajouter un article disant que la Grèce ne participe plus à la zone euro ; 2) créer un mécanisme de sortie de la zone euro, en prévision des cas italiens, espagnols, portugais, irlandais... et français ; 3) par voie de conséquence, stipuler que désormais la participation à l'UE n'implique pas nécessairement la participation à la zone euro.
Une révolution peu probable mais possible en théorie.
Quid des pays de l'UE qui étaient présents dans l'Union AVANT la création de la zone euro, qui ne sont pas des "nouveaux adhérents" donc, et qui n'ont jamais voulu la rejoindre (Royaume-Uni, Suède, Danemark, etc.) ?
Devraient-ils eux aussi rejoindre la zone, au risque de perdre leur adhésion à l'UE en cas de refus, ou bien l'actuel traité (et ses dérogations diverses) ne s'applique-t-il pas à leur cas ?
@Pitch : Les traités en vigueur (TUE et TFUE), dans leur rédaction issue du Traité de Lisbonne, précisent effectivement que le Royaume-Uni et le Danemark sont exempts de l'obligation de participer à l'euro. Tous les nouveaux adhérents ont vocation à y participer dès lors qu'ils répondent aux critères économiques et juridiques requis pour être admis dans l'euro.
Le cas de la Suède est particulier : elle n'est pas exemptée de l'obligation de participer à l'euro, mais comme elle ne désire pas abandonner sa monnaie nationale, elle fait exprès depuis 1999 de ne pas correspondre aux critères requis pour entrer dans la zone euro !