Le Pape, charmé de voir que cet institut avait pleinement justifié par ses œuvres la haute protection dont il l’environnait, se hâta de donner la sanction de son autorité apostolique A tout ce qu’avaient fait jusqu’à ce jour saint Jean de Matha et saint Félix de Valois, en France, en Italie et en Espagne. Ces bulles de confirmation furent suivies d’une autre bulle qui accordait à l’Ordre divers privilèges, et le recommandait, en l’approuvant de nouveau, a tout le monde chrétien.
A tant de faveurs, les Pères de la Trinité répondirent par de nouveaux services. Jean de Matha venait de terminer la visite des prisons et des hôpitaux de Rome, lorsqu’il apprit que la trêve, conclue par l’Espagne avec les musulmans, était sur le point d’expirer, et que déjà on préludait, par des engagements partiels, à une reprise d’armes générale. C’est pourquoi il part une seconde fois pour Tunis, en emmenant avec lui Guillaume l’Ecossais.
Sortis du port d’Ostie vers la fin de mai, ils abordèrent quelques jours après à Tunis. Ils se rendirent directement chez le gouverneur. Celui-ci, soit prévoyance, soit cupidité, consentit encore à échanger les fers de ses esclaves contre l’or des rédempteurs. Mais les sujets ne se montrèrent pas si traitables que le maître ; les Tunisiens ameutés se jettent sur notre Saint, l’accablent de coups, et lui enlèvent ses captifs. Jean les revendique avec énergie ; enfin, un nouvel arrangement est conclu, une double rançon est exigée : c’était le droit et la justice du plus fort. Jean de Matha avait épuisé ses ressources, il ne pouvait donc satisfaire à cette insatiable cupidité. Dans cette extrémité, le Saint tire de dessous son scapulaire l'image de la Vierge, se prosterne avec Guillaume, ils prient, ils conjurent la bonne Mère du ciel de manifester sa clémence en faveur de ses enfants malheureux ; des vœux si purs, si ardents, furent exaucés : une main invisible déposa aux pieds des deux libérateurs la somme réclamée par les barbares, et les captifs chrétiens furent remis en liberté.
Alors la populace, furieuse de ce dénouement imprévu, se précipite sur le vaisseau qui les porte, enlève le gouvernail, coupe les mats, déchire les voiles, brise les rames pour rendre le départ impossible. L’homme de Dieu ne se laisse point abattre. Il ordonne à ses gens de mettre en mouvement le navire. Les passagers, aimant mieux périr dans les flots que sous le fer des assassins ou dans les cachots, saisissent des tronçons de rames et de planches pour aider A cette difficile manœuvre. Les Tunisiens se rient de ces efforts et poussent des huées ; mais le vaisseau n’en voguera pas moins. Plein de confiance en Dieu seul, Jean, le cœur en feu, se dépouille de son manteau, l’étend en forme de voile ; et, à genoux sur le tillac, le crucifix a la main, il implore, avec effusion d’âme, l’étoile de la mer. Les nautoniers et les passagers répètent les mêmes prières, et les flots paisibles respectent la frêle embarcation ; les vents se taisent, une brise favorable s’élève, et en moins de deux jours on entre dans le port d’Ostie, aux acclamations d’une foule émerveillée du prodige. Le souverain Pontife, reconnaissant en ceci l’intervention de celui qui commande aux vagues et aux tempêtes, pleura d’attendrissement et d’admiration ; il voulut voir tous les captifs et les bénir de sa main, avant qu’ils fussent renvoyés dans leur pays.
Extrait de la longue notice des Petits Bollandistes.
• Un autre extrait.
• La statue de Faucon de Barcelonnette.
• Le tableau du Louvre.
• L’ordre de la Très Sainte Trinité pour la Rédemption des captifs.