Nicolas Sarkozy a une nouvelle grande idée (sans doute soufflée par ses amis américains, en tout cas très en phase avec eux) : il veut créer une Union méditerranéenne, sur le modèle de l’Union européenne, dont la Turquie serait le « pivot »…
« C’est à la France, européenne et méditerranéenne à la fois, de prendre l’initiative avec le Portugal, l’Espagne, l’Italie, la Grèce et Chypre, d’une Union méditerranéenne comme elle prit jadis l’initiative de construire l’Union européenne », a-t-il déclaré hier à Toulon.
On pourrait passer sur le fait que pour Sarkozy le Portugal est sur la Méditerranée , mais que la Slovénie ne s’y trouve pas (ou n’existe pas). Mais ces anomalies géographiques soulignent l’absence volontaire d’indication sur les autres pays « méditerranéens » qui seraient partie prenante de l’Union méditerranéenne.
Quels sont ces pays ? Mystère. Car jusqu’où va la Méditerranée , si elle ne baigne pas les côtes slovènes mais que le Portugal est concerné ?
Surtout que Sarkozy explique que c’est dans ce cadre « qu’il faut approcher le thème de la paix au Moyen-Orient » (Moyen-Orient étant la traduction de Middle-East ; en français on dit Proche-Orient). L’Irak et l’Iran seraient-ils « méditerranéens » ?
Sarkozy cite un seul pays : la Turquie. Non seulement comme membre de cette Union, mais comme « pivot ». « C’est la grande ambition commune que je veux proposer à la Turquie », souligne-t-il.
Si les mots ont un sens, cela veut dire que la Turquie serait le pivot d’une Union où les Etats auraient abdiqué la plus grande part de leur souveraineté, sur le modèle de l’Union européenne soumise à la Constitution que Sarkozy veut ressusciter et faire ratifier par les parlements nationaux. Il y aurait donc un Conseil méditerranéen qui déciderait sans que la France (ni tout autre pays) ait de droit de veto, une Commission méditerranéenne qui déciderait de lois pour tous les pays méditerranéens, un Président méditerranéen, un ministre des Affaires étrangères méditerranéen, etc. Le tout placé sous l’influence particulière de la Turquie , « pivot » de cette Union.
Sarkozy fait semblant de ne pas aller jusque-là. Il parle de réunions de dirigeants comme celles du G8, et d’un Conseil méditerranéen comme il y a le Conseil de l’Europe. Mais s’il en est ainsi il ne s’agit en rien d’une « Union méditerranéenne » correspondant à l’Union européenne.
Une fois de plus Sarkozy trompe ses auditeurs. Car il évoque ensuite des « politiques communes » à élaborer. Le Conseil de l’Europe n’a jamais élaboré de politiques communes. Elles sont uniquement le fait des institutions de l’Union européenne.
En outre, Sarkozy précise que l’Union méditerranéenne aura « vocation » à avoir avec l’Union européenne des « institutions communes ». C’est même inévitable, en effet, dans la mesure où un nombre important des Etats membres de l’Union méditerranéenne sont aussi membres de l’Union européenne.
Et cela jusqu’où ? Jusqu’au moment où, naturellement, les deux Unions fusionneront, régies par une même Constitution.
Sarkozy peut bien répéter ensuite qu’il ne veut pas que la Turquie intègre l’Union européenne. Ça n’a plus aucun sens…