Dans sa série de consultations de personnalités de gauche, Nicolas Sarkozy a reçu hier Jean-Michel Baylet, président du parti radical de gauche, sénateur, président du conseil général du Tarn-et-Garonne, membre éminent de la loge Demain du Grand Orient de France, et patron de l’influente Dépêche du Midi. A sa sortie, Baylet a fait une déclaration pour le moins surprenante : « Je constate qu’après cette élection les choses ne seront plus les mêmes, les frontières sont en train de bouger... Les radicaux doivent jouer tout leur rôle... Il faut constituer dans ce pays une grande force centrale... Il est des radicaux de gauche qui sont la droite de la gauche, il est des radicaux de droite qui sont la gauche de la droite, je pense que nous avons des choses à faire ensemble... »
Ces propos ont été immédiatement salués par Jean-Louis Borloo, co-président du parti radical, ex et prochain important ministre, qui voit la possibilité d’un « rassemblement historique des deux courants du radicalisme », qu’il a « toujours appelé de ses vœux ». L’autre co-président, André Rossinot (membre du Grand-Orient), a carrément promis de « tout mettre en œuvre pour réussir le rassemblement ».
Or il faut rappeler que le parti radical de gauche s’était rallié à la candidature de Ségolène Royal, abandonnant ainsi sa propre candidature, celle de Christiane Taubira, en échange de la promesse par le PS de 32 circonscriptions aux législatives. 32 circonscriptions où le parti socialiste ne présentera pas de candidat, tandis que les radicaux de gauche s’engagent à soutenir les candidats socialistes dans toutes les autres circonscriptions.
On rappellera aussi que Jean-Michel Baylet avait qualifié de « pitoyable » le soutien de Bernard Tapie à Nicolas Sarkozy et avait lancé : « Il n’est plus des nôtres ». Naturellement, Bernard Tapie, qui se présente comme un « militant de base » du PRG, se félicite des propos actuels de Jean-Michel Baylet et annonce que « le grand parti radical va se réunir ».
Comme on pouvait s’y attendre, cela fait des vagues au PRG. Le vice-président Thierry Braillard déclare qu’il est « inacceptable de pactiser avec les UMP-valoisiens », et que « si l’idée d’un grand centre peut être séduisante, elle ne saurait avoir cours sous l’égide de l’UMP et encore moins avec Jean-Louis Borloo, premier soutien de Nicolas Sarkozy ».
Les socialistes sont quant à eux frappés de stupeur. Le seul qui ait réagi sur le moment est Stéphane Le Foll, directeur de cabinet de François Hollande : « On ne pourra pas accepter le flou. On va rediscuter avec M. Baylet pour qu’il précise son intention. On le fera vite parce qu’il y a urgence » pour les législatives.
En retournant Jean-Michel Baylet (si c’est bien de cela qu’il s‘agit, et en attendant de savoir en échange de quelle promesse), Sarkozy porte un nouveau coup aux socialistes, et fait en réalité d’une pierre deux coups : en laissant entendre que les radicaux pourraient se rassembler dans une formation du centre, c’est François Bayrou qui est également visé, avec son « Modem ». Il ne pourra pas y avoir deux partis centristes. Or c’est Sarkozy qui, avec les députés de l’UDF et les radicaux, avec Robien et Borloo, et Baylet, a les cartes en main...
Nous voilà en tout cas en plein milieu de combines politiciennes qui vont contribuer à ramener sur terre ceux qui étaient encore sous le charme des grandioses discours nationaux du candidat Sarkozy...