Le discours de Nicolas Sarkozy à Rouen, mardi soir, était stupéfiant. Le candidat de la droite libérale euromondialiste n’était jamais allé aussi loin dans le racolage nationaliste. On aurait dit un discours de Jean-Marie Le Pen rédigé par un récent transfuge de l’UMP.
Il y eut un long couplet sur Jeanne d’Arc, et sur ce que Michelet et Barrès disaient d’elle. En résumé, « Jeanne, c’est la France. »
Mais là, comme dans tout le reste du discours, il y a le détail qui cloche et qui ramène au vrai Sarkozy. Reprochant à la droite et au centre d’avoir « laissé Jeanne d’Arc confisquée par l’extrême droite », il ajoute : « Comment pendant si longtemps avons-nous pu laisser confondre le patriotisme qui est l’amour de la patrie avec le nationalisme qui est la haine des autres ? »
Et ça cloche doublement. D’une part, ce distinguo est absurde. « La haine des autres », ce n’est pas une description du nationalisme, c’est une diabolisation du mouvement national. Le nationalisme à la française n’a jamais été caractérisé par la haine des autres. Il est résumé dans la formule de Le Pen : « Nous ne sommes pas xénophobes, nous sommes francophiles. » D’autre part, Sarkozy fait semblant d’exalter le patriotisme, mais dans tout son discours il évoque à jet continu la nation, très rarement la patrie... Et cela pour une raison simple, c’est que s’il peut facilement relier la nation à la République (et il le fait abondamment), il ne sait pas trop ce qu’est la patrie, la terre des pères, l’héritage des ancêtres.
Ensuite il y avait le grand couplet sur la France, laïque et religieuse, humaniste et chrétienne, avec une insistance particulière sur les « 2.000 ans de christianisme, 2.000 ans de civilisation chrétienne »... Car « la France c’est Saint-Denis, c’est Reims, c’est Domrémy, c’est le Mont Saint-Michel », etc.
Il s’agit bien du même Sarkozy qui rejette absolument toute idée de reconnaissance des racines chrétiennes de l’Europe dans un traité européen.
Puis il y a eu le couplet sur l’autorité, la morale, l’effort, le mérite, l’ordre, etc.
Et la phrase superbe : « Je n’accepte pas cette mode de la repentance. » Car la France « n’a pas à rougir de son histoire. » Et il va « plus loin » encore. Plus loin, c’est carrément une exaltation de la colonisation : « Tous les colons n’étaient pas des exploiteurs, il y avait parmi eux beaucoup de gens courageux qui avaient travaillé dur toute leur vie, qui n’avaient jamais exploité personne, qui avaient construit des routes, des hôpitaux, des écoles, qui avaient enseigné, qui avaient soigné, qui avaient planté des vignes et des vergers sur un sole aride, qui ne devaient rien qu’à eux-mêmes, qui avaient beaucoup donné à une terre où ils étaient nés et qui un jour n’ont eu le choix qu’entre la valise et le cercueil. »
Il s’agit bien du même Sarkozy qui s’incline en Algérie devant le « Monument aux martyrs », à savoir aux égorgeurs du FLN, lors d’une visite « amicale » à Bouteflika qui exige la repentance de la France...
C’est ensuite la longue litanie « J’ai voulu remettre la France au cœur de la politique parce que... », suivie d’un discours sur la nation qui est « de retour », la nation qui « protège ». Et il faut protéger notre industrie, notre artisanat, notre agriculture... « Le mot protection ne me fait pas peur ».
Et il dit aussi qu’il veut moraliser le capitalisme financier, qu’il veut favoriser le capitalisme familial...
Et l’on termine sur une nouvelle exaltation de la France.. .
Dès le début du discours, le ton était donné, et le mensonge était énorme : « Le peuple français est un grand peuple qui veut continuer à écrire lui-même son histoire. »
Nicolas Sarkozy est l’homme qui veut faire voter par le Parlement, sans demander l’avis du peuple français, une mini-Constitution européenne qui reprenne la première partie de la défunte Constitution, à savoir les articles qui nient la souveraineté nationale, qui interdisent par conséquent au peuple français de continuer à écrire lui-même son histoire.
Mais Nicolas Sarkozy n’a pas parlé de son mini-traité.
Et l’on peut constater que dans son tableau des destructions économiques et sociales dont souffre la France, il n’a pas mis en cause une seule seconde la politique européenne, sinon pour dire seulement que l’euro ne jouait pas le rôle qu’il devrait jouer...
Lui qui est si disert sur l’identité nationale et sur la protection de la France, il n’a pas parlé non plus de l’immigration. Il n’a pas rappelé ses discours sur l’immigration choisie, repris mot pour mot du Livre vert de la Commission européenne appelant les Etats à accueillir une immigration massive. Il n’a pas rappelé non plus qu’il était favorable au droit de vote des immigrés. Il n’a pas rappelé non plus, lui qui se pique d’être contre les communautarismes, qu’il est le créateur du CFCM, et qu’il a donc fait de l’islam une religion d’Etat.
Enfin, en entendant ce discours, on ne pouvait s’empêcher d’entendre en contrepoint ce qu’il avait dit à Philippe de Villiers : « Toi, Philippe, tu as de la chance, tu aimes la France, son histoire, ses paysages. Moi, tout cela me laisse froid, je ne m’intéresse qu’à l’avenir. »
Et l’on ne pouvait manquer de se souvenir de Sarkozy, qui représentait officiellement notre pays, dénonçant aux Etats-Unis « l’arrogance » de la France...