Nicolas Sarkozy s’est rendu hier à Bruxelles pour faire valoir « sans tabou » ses « convictions » concernant l’Europe. Le problème est qu’on ne sait toujours pas quelles sont ses convictions. Si tant est qu’il en ait eu un jour...
Sur le plan institutionnel, « le traité simplifié, c’est la seule solution », a-t-il répété, sans préciser ce qu’il entendait par là. Sa « priorité » est que le sommet des 21 et 22 juin soit un succès, « et ce sera un succès si les 27 se retrouvent sur un traité simplifié, avec peu d’articles ». Lesquels ? On ne sait toujours pas. Mais il semble bien que ce traité garde de la Constitution européenne la présidence stable, le ministre des Affaires étrangères, et bien entendu l’extension du domaine du vote à la majorité qualifiée, et même sa généralisation, au-delà de ce que prévoyait la Constitution. S ’il s’agit de cela, c’est pire que la Constitution rejetée par référendum.
Concernant la Turquie , Nicolas Sarkozy a martelé qu’il était toujours opposé à l’entrée de ce pays dans l’Union européenne, mais, a-t-il ajouté, « je ne vois pas l’utilité de poser cette question alors qu’elle ne se pose pas maintenant ». Or cela est un très clair appui au processus d’intégration de la Turquie , puisque trois nouveaux chapitres de négociations doivent s’ouvrir dans un mois. Si la question ne se pose pas maintenant, elle ne se posera jamais.
Dans sa conférence de presse sur les législatives, ce matin, Jean-Marie Le Pen a rebondi sur ces déclarations en en faisant l’illustration de la question qu’il pose aux Français : « Est-ce que vous êtes sûr que Sarkozy va appliquer les idées pour lesquelles il a été élu ? ». La réponse est évidemment non, et Sarkozy vient de le prouver. Il veut faire conserver l’essentiel de la Constitution européenne en passant outre la volonté du peuple souverain, par un vote au Parlement, en sachant que 95 % des parlementaires étaient favorables à ce texte alors que 55 % des Français ont dit non, ce qui est une véritable forfaiture. Cela signifie qu’il ne pourra pas maîtriser l’immigration puisque les frontières sont supprimées, qu’il ne pourra pas baisser la pression fiscale puisque cela ferait passer le déficit budgétaire au-dessus des sacro-saints 3 %, qu’il ne pourra pas protéger la France du dumping international puisqu’il ne remet pas en cause la liberté de circulation...
Quant à la Turquie , ajoute Jean-Marie Le Pen, la question doit être mise en perspective avec la volonté de Sarkozy d’une généralisation du vote à la majorité qualifiée. Comme une large majorité de gouvernements européens sont favorables à l’adhésion de la Turquie , Sarkozy s’abritera derrière le vote majoritaire pour ne pas endosser la responsabilité de cette adhésion. « Le cynisme atteint ici un degré paroxystique. »
Si l’on ajoute à cela la photographie officielle du Président, où pour la première fois figure le drapeau européen, et l’ouverture à gauche, à des européistes socialistes, il est clair que les électeurs FN qui ont voté Sarkozy pour éviter le retour de la gauche au pouvoir, ou parce qu’ils croyaient que Sarkozy avait plus de chances que Le Pen d’arriver au pouvoir pour appliquer le même programme, vont devoir voter pour les candidats FN aux législatives. « Parce que le FN n’a pas eu ces idées pendant deux mois comme Sarkozy, mais les a depuis 30 ans. » Et qu’il faut des députés FN pour rappeler à Sarkozy ses engagements nationaux qu’il a déjà oubliés.