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Liturgie - Page 93

  • Le Sacré Cœur

    Mais, Seigneur, où attires-tu ceux que tu embrasses et étreins, sinon à ton cœur ? Ton cœur est cette douce manne de ta divinité que tu gardes à l’intérieur, ô Jésus, dans l’urne d’or de ton âme qui dépasse toute sagesse*. Bienheureux ceux que ton embrassement attire vers elle, bienheureux ceux que tu as cachés dans le secret de cette cachette, au milieu de ton cœur, afin que tes épaules les mettent à l’ombre de la confusion des hommes, et qu’ils n’aient d’autre espoir que tes ailes qui les protègent et les réchauffent. La vigueur de tes épaules en effet met à l’ombre ceux qui, cachés dans la cachette de ton cœur, dorment suavement ; et une douce attente les réjouit, placés entre les deux lots** du mérite d’une sainte conscience et de l’attente de la récompense que tu as promise : la pusillanimité ne les fait pas défaillir, ni l’impatience murmurer.

    Guillaume de Saint-Thierry, Oraisons méditatives, VIII, 6.

    * Cor tuum dulce est illud manna divinitatis tuae, quod intus habes, o Jesus, in urna aurea supersapientis animae tuae. Dans l'arche d'alliance avait été déposée une urne d’or contenant la manne (Hébreux 9,4). Dans les lignes précédentes on trouve des expressions issues des psaumes 30, 39, 90 et 16. Guillaume de Saint-Thierry est le digne ami de saint Bernard qui pouvait glisser jusqu’à cinq citations scripturaires dans une phrase.

    ** « si dormiatis inter medios cleros », psaume 67,14.

    Quelques années plus tôt, dans son texte sur la Contemplation de Dieu, Guillaume de Saint-Thierry avait déjà utilisé l’image de l’urne d’or de l’arche d’alliance pour désigner le cœur de Jésus :

    Que me réponde alors au dedans, dans mon âme et mon esprit, tempêtant en moi et secouant tout mon intérieur, la voix de ton témoignage : et mes yeux intérieurs sont éblouis par l'éclat de ta vérité qui me représente que "l'homme ne pourra pas te voir, et vivre". Moi en effet, vraiment tout entier au péché jusqu'ici, je n'ai pas encore pu mourir à moi-même pour vivre à toi.

    Cependant, selon ton précepte et par un don de toi, je me tiens sur la pierre de la foi en toi, de la foi chrétienne, au lieu qui est vraiment près de toi ; sur elle, de tout mon possible, en attendant, je souffre patiemment ; et j'embrasse et je baise ta droite qui me couvre et me protège. Et quelquefois, quand je contemple et m'empresse de voir, j'aperçois le "dos" de celui qui me voit : j'aperçois, qui passe, l'humilité de la "dispensation" humaine du Christ, ton Fils. Mais quand je m’empresse d'accéder à lui ; ou, comme cette hémoroïsse, quand je m'efforce de dérober, pour ainsi dire, la santé pour mon âme infirme et misérable, par l'attouchement salutaire au moins de ses franges ; ou, comme Thomas, cet homme de désirs, quand je désire le voir tout entier et le toucher, et non seulement cela, mais accéder à la sacro-sainte blessure de son côté, porte de l'arche qui est faite sur le côté, non seulement pour y mettre le doigt ou toute la main, mais pour entrer tout entier jusqu'au cœur même de Jésus, dans le saint des saints, dans l'arche du Testament, jusqu'à l'urne d'or, à l'âme de notre humanité contenant en soi la manne de la divinité : hélas, on me dit alors : "Ne me touche pas", et ce mot de l'Apocalypse "Dehors, les chiens !"

    Et ainsi, comme il convient, quand les verges de ma conscience m'expulsent et me poussent dehors, je suis obligé de payer la peine de mon inconvenance et de ma présomption. Et de nouveau, je me remise sur ma pierre, qui est le refuge des hérissons remplis des épines de leurs péchés ; de nouveau je saisis et de nouveau j'embrasse ta droite, qui me couvre et me protège. Et du fait que j'ai senti, même légèrement, ou vu, davantage s'allume mon désir ; et, presque impatient, j'attends qu’un jour tu enlèves la main qui me couvre et verses la grâce qui illumine, pour qu'un jour enfin, selon la réponse de ta vérité, mort à moi-même et vivant pour toi, la face dévoilée, je commence à voir ta face même, et sois "affecté" de toi par la vision de ta face. Et, ô face, face ! combien heureuse la face, - celle-là qui mérite d'être "affectée" de toi en te voyant ! Elle édifie dans son cœur un tabernacle au Dieu de Jacob, et fait tout selon l'exemplaire qui lui est montré sur la montagne. Ici, avec vérité et compétence, elle chante : "A toi mon cœur a dit : ma face t'a cherché ; ta face, Seigneur, je rechercherai".

    C'est pourquoi, je l'ai dit, par un don de ta grâce je contemple tous les angles de ma conscience et ses extrémités, et je désire uniquement et exclusivement te voir : ainsi, tous les confins de ma terre verront le salut du Seigneur son Dieu, et j'aimerai, puisque je verrai, celui qu'aimer est la vraie vie. Je me dis en effet, dans la langueur de mon désir : "Qui peut aimer ce qu'il ne voit pas ? Comment pourrait être aimable ce qui n'est pas, de quelque façon, visible ?"

  • O sacrum convivium

    Par révélation divine à sainte Marguerite-Marie Alacoque, la fête du Sacré Cœur a été fixée au lendemain de l’octave de la Fête Dieu, le vendredi suivant l’octave. Révélation qui lui fut faite précisément pendant l’octave de la Fête Dieu, le dimanche 16 juin 1675, devant le Saint Sacrement exposé. Par on ne sait quelle étrange inspiration, Pie XII a supprimé l’octave de la Fête Dieu, supprimant du même coup la raison pour laquelle la fête était fixée en ce jour. Il en fut de même pour la commémoration du Baptême du Christ, qui était depuis infiniment plus longtemps fixée au jour octave de l’Epiphanie, et qui depuis la suppression de l’octave de l’Epiphanie continue d’être célébrée le 13 janvier sans plus de raison que le 12 ou le 14.

    Comme mon bréviaire a été imprimé juste avant le massacre des octaves et des vigiles, je continue de célébrer l’octave de la Fête Dieu. Et c’est aujourd’hui le jour octave. Puisqu’il n’y a pas d’autre célébration en ce jour, voici une pièce originale, intitulée Eucharistia. C’est un extrait des Septem Sacramenta de Franz Liszt. L’abbé Liszt croyait naïvement que ses beaux motets de musique vraiment religieuse seraient interprétés partout dans l’Eglise. En fait ils furent tout simplement ignorés, parce qu’ils ne correspondaient pas du tout au mauvais goût du jour, qui était partagé à Rome même. Dominique Vellard a eu l’audace d’enregistrer tout récemment ces Septem Sacramenta, avec d’autres motets du même Liszt (et le disque est ornée de sa plus belle photo). Voici Eucharistia, dont les paroles sont l’antienne des vêpres de l’office de la Fête Dieu (et de toute l’octave). Elle est chantée deux fois, et se termine par une triple adoration sur les premiers mots.

    O sacrum convivium in quo Christus sumitur ! Recolitur memoria passionis ejus ; mens impletur gratia et futurae gloriae nobis pignus datur.

    O banquet sacré où l'on reçoit le Christ ! On célèbre le mémorial de sa passion, l'âme est remplie de grâce et, de la gloire future, le gage nous est donné.

  • Saint Paulin de Nole

    Notre Saint Père Paulin naquit à Bordeaux, vers 353, au sein d'une famille de la plus haute aristocratie romaine, qui possédait d'immenses domaines en Gaule, en Campanie et en Espagne. Il reçut une éducation raffinée auprès d'Ausone, le plus grand orateur de ce temps, et excella tant dans l'art poétique qu'il reste honoré comme l'un des plus grands poètes de la chrétienté latine. A peine parvenu à l'âge adulte, de hautes charges politiques lui furent confiées : il devint membre du Sénat, reçut la dignité de consul et même la charge de gouverneur de Campanie (380). Séjournant quelque temps en Espagne pour ses affaires, il y épousa la riche matrone Thérasia, puis revint s'établir sur ses terres d'Aquitaine, partageant son temps entre la gestion de ses affaires et les activités littéraires. La rencontre de Saint Victrice de Rouen (commémoré le 7 août) et de Saint Martin de Tours (commémoré le 11 novembre) qui le guérit d'une maladie à l'œil, ainsi qu'un pèlerinage au tombeau de Saint Félix à Nole, en Campanie, mais surtout la salutaire influence de Delphin, Évêque de Bordeaux, lui firent prendre conscience de la vanité de sa vie mondaine pour se tourner vers Dieu. Baptisé à Noël 389 par Delphin, il commença aussitôt à mener une vie ascétique et à se détacher des biens de ce monde.

    Installé en Espagne pendant quatre années, il fut ordonné prêtre contre son gré, à Barcelone, à la suite des pressions du peuple qui admirait ses vertus (393). Pendant ce séjour, la perte de son fils nouveau-né approfondit sa conversion et son renoncement au monde, et il commença à liquider sa fortune pour acquérir les biens célestes. « Moyennant toutes mes richesses, écrit-il, j'achetai le droit de porter ma croix; de tous mes biens terrestres, je payai l'espoir du ciel; car l'espérance et la foi valent mieux que les richesses de la chair ». Puis, rentrant en Aquitaine, il rendit la liberté à ses esclaves, ouvrit ses greniers aux pauvres et employa l'argent qu'il tirait de la vente de ses terres et de ses maisons au rachat des captifs et à l'assistance des déshérités. De là, il se rendit à Milan, où il rencontra Saint Ambroise (commémoré le 7 décembre) qu'il considérait comme son père spirituel, puis à Rome où l'admiration que lui portait un grand nombre pour sa conversion lui attira la jalousie de certains membres du haut clergé, et le pape lui-même le reçut froidement. Quant aux membres de l'aristocratie qui étaient restés païens, ils considéraient cette vie de pénitence comme une extravagance et reprochaient à Paulin d'avoir privé l'État de ses services. Tandis que le saint était blâmé par tous les gens du siècle, il était loué par les hommes de Dieu : Saint Martin disait à son propos qu'il était presque le seul homme au monde à pratiquer tous les préceptes évangéliques, et Saint Jérôme lui écrivit pour lui prodiguer des conseils sur la vie ascétique.

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  • Saint Louis de Gonzague

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    L'autel de saint Louis de Gonzague (avec son tombeau) en l'église Saint-Ignace de Rome.

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    (Vie de saint Louis de Gonzague, par le P. Virgile Cépari, 1823.)

  • Saint Silvère

    In ínsula Póntia natális sancti Silvérii, Papæ et Mártyris, qui, cum Anthimum, Epíscopum hæréticum, a suo prædecessóre Agapíto depósitum, restitúere noluísset, a Belisário, agénte ímpia Theodóra Augústa, in exsílium pulsus est, et ibídem, pro fide cathólica multis ærúmnis conféctus, defécit.

    Dans l'île de Ponza, l'anniversaire de saint Silvère, pape et martyr. N'ayant pas voulu rétablir Anthime, évêque hérétique, déposé par son prédécesseur Agapet, il fut, à la sollicitation de l'impératrice, l'impie Théodora, envoyé en exil par Bélisaire; il y mourut, accablé par les nombreux tourments endurés pour la Foi Catholique. (Martyrologe)

    Lorsqu'il apprend que les troupes impériales conduites par Bélisaire sont en marche, le nouveau roi des Goths, Théodat, envoie le pape Agapet Ier à Constantinople pour tenter de trouver une solution diplomatique. En février 536, ce dernier est reçu par Justinien avec tous les honneurs dus au chef de l'Église de Rome. Voyant que sa visite était vouée à l'échec, Justinien étant décidé à rétablir l'autorité de l'Empire romain en Italie, Agapet oriente alors les discussions sur la question des deux natures du Christ, sujet de discorde entre les chrétiens dyophysites de Rome et les chrétiens monophysites d'Orient. Des tensions apparaissent alors entre l'empereur et le pape, Agapet accusant le patriarche de Constantinople, Anthime, d'être un intrus et un hérétique. Après avoir menacé le pape de bannissement, Justinien finit par céder. En mars 536, Anthime est démis de ses fonctions et est remplacé par un patriarche dyophysite, à la grande fureur de l'impératrice.

    Agapet rentre ensuite à Rome où il meurt peu après de maladie, après seulement dix mois de règne. De son côté, Théodora semble irritée par le comportement de Justinien, à qui elle reproche d'avoir trop facilement cédé au pape. Elle pense alors pouvoir retourner la situation en favorisant la nomination d'un pape monophysite à Rome. Dans cette optique, elle envoie alors Vigile, un nonce pontifical qui fait partie de ses proches, en Italie. Malheureusement pour l'impératrice, Vigile arrive trop tard. En juillet 536, un nouveau pape, nommé Silvère, est élu avec la bénédiction des Goths. Néanmoins, ce dernier se retrouve rapidement dans une position inconfortable. En raison du conflit avec les Goths, les Byzantins refusent de reconnaitre officiellement sa nomination. Pour compliquer les choses, le roi goth à qui il devait sa nomination, meurt après avoir été renversé par la noblesse locale. C'est donc sans protection que le pape voit les troupes byzantines conduites par Bélisaire se rapprocher de Rome à l'automne 536. Silvère entame alors des discussions avec le général byzantin et lui ouvre les portes de la ville le 9 décembre 536.

    Si la prise de Rome est un succès majeur pour les projets de reconquête de Justinien, Théodora, elle, n'en oublie pas sa priorité : s'assurer que le trône papal est occupé par quelqu'un susceptible de s'entendre avec les chrétiens monophysites d'Orient. Elle décide donc d'écrire au pape afin de lui demander de rendre le poste de patriarche de Constantinople au monophysite Anthime. La réponse de Silvère est lapidaire : « Jamais je ne réhabiliterai un hérétique condamné pour sa méchanceté ».

    Pour l'impératrice, la coupe est pleine. Au cours de l'hiver 536-537, elle décide de prendre les choses en main et de remplacer le pape Silvère par Vigile. Elle écrit au général Bélisaire en lui ordonnant de destituer Silvère, mais celui-ci hésite. Il vient d'apprendre qu'une importante armée gothe est en route pour assiéger Rome et doit se préparer à défendre la ville. Il se voit mal traiter en plus des complications sur le plan religieux.

    Théodora décide donc de faire appel à son amie Antonina, la femme de Bélisaire, qui était présente en Italie aux côtés de son mari et avec qui elle entretenait une correspondance séparée. D'après le Liber Pontificalis, Antonina persuade Bélisaire de faire arrêter Silvère pour haute trahison, en utilisant de faux témoignages indiquant que ce dernier aurait secrètement échangé des lettres avec les Goths. Selon Liberatus de Carthage, Vigile aurait en fait lui-même fabriqué de toutes pièces des lettres compromettantes pour Silvère afin de favoriser sa propre nomination. Un jour de mars 537, Silvère est invité à venir rencontrer Bélisaire sur la colline du Pincio. Séparé de sa suite, le pape est accompagné dans une salle privée. À sa grande surprise, il est reçu par Antonina. Celle-ci lui aurait alors lancé : « Alors, seigneur pape Silvère, que vous avons-nous fait, à vous et à tous les Romains ? Pourquoi êtes-vous si pressé de nous remettre aux mains des Goths ? »

    À la suite de cette entrevue, Silvère est destitué et Vigile consacré pape. Après avoir été brièvement contraint à l'exil en Asie mineure, Silvère est assigné à résidence à Ponza où il meurt quelques années plus tard.

    (Wikipedia, article Theodora, paragraphes basés sur le livre de Paolo Cesaretti.)

  • L’évangile de la Fête Dieu

    C’est aujourd’hui la solennité de la Fête Dieu pour ceux qui n’ont pas pu la célébrer jeudi. Selon le diktat de François, l’évangile doit être lu selon la traduction officielle de l’épiscopat, comme à toutes les messes. Comme je ne le vois dit nulle part, je répète que ce diktat pontifical est illégitime. La messe selon le missel de 1962 est une messe latine, elle a un évangile en latin. S’il faut absolument traduire cet évangile, on doit le traduire du texte latin. Sinon ce n’est pas l’évangile de la messe latine, et l’on ne suit pas le missel de 1962.

    Ce n’est pas un détail. Car les « lectures » de la messe imposées par François sont des « traductions » de ce qu’on appelle frauduleusement les « textes originaux » (hébreu et grec) et elles s’éloignent souvent du texte latin qui devrait être la référence.

    Deux exemples dans l’évangile de ce jour.

    La « traduction » officielle dit :

    « Ma chair est la vraie nourriture, et mon sang est la vraie boisson. »

    Le texte latin dit mot à mot :

    « Ma chair vraiment est nourriture, et mon sang vraiment est boisson. »

    La « traduction » officielle n’est même pas une traduction du texte grec critique censé être le « texte original ». Car dans ce texte il n’y a pas d’articles définis. Il dit :

    « Ma chair est une vraie nourriture, et mon sang est une vraie boisson. »

    Aucun manuscrit n’a l’article défini. Parce que Jésus ne l’a pas employé. Parce que le Créateur sait bien que le pain profane, lui aussi, lui d’abord, est une vraie nourriture.

    Il se trouve que le texte latin traditionnel est aussi ce que dit le texte grec de toute la tradition byzantine et le texte syriaque de toute la tradition syriaque. Il y a une unanimité parfaite. Imposer le texte fabriqué par les experts des conférences épiscopales est donc une rupture de tradition, et un accroc à l’œcuménisme, au moment où c’est paraît-il une priorité.

    Le texte grec qui dit « Ma chair est une vraie nourriture, et mon sang est une vraie boisson » est celui de la majorité des manuscrits. Mais le manuscrit le plus ancien, le papyrus Bodmer P66, découvert en 1952, a exactement le même texte que le texte byzantin traditionnel qui est le texte syriaque traditionnel qui est le texte latin traditionnel. Celui qui insiste sur « vraiment ».

    Ensuite, le texte latin, grec et syriaque traditionnel dit unanimement : « Ce n’est pas comme ont mangé vos pères la manne, et ils sont morts. »

    La « traduction » officielle dit : « il (le pain qui est descendu du ciel) n’est pas comme celui que les pères ont mangé. Eux, ils sont morts. »

    On remarque ici plusieurs modifications. La plus importante, et qui en commande une autre puisqu’on supprime le complément d’objet de « ont mangé », est la suppression de la manne, et du possessif qui précède immédiatement dans le texte grec : « vos (pères) ». Ici, le papyrus 66 n’a pas non plus ces mots. Il est donc probable qu’ils ont été ajoutés. Mais si la « Bible de la liturgie » adapte souvent les textes, c’est, nous dit-on, pour le rendre immédiatement compréhensible lors de sa proclamation. Eh bien c’était précisément l’intérêt de dire « vos pères » qui ont mangé « la manne ». Car si un chrétien instruit le comprend tout de suite, ce n’est pas évident aujourd’hui pour tout le monde que « le pain » (quel pain ?) que « les pères » (quels pères ?) ont mangé était la manne. Le propos de Jésus est elliptique, même s’il se comprend par le contexte. Mais c’était judicieux de le préciser, comme l’ont fait les trois grandes traditions scripturaires et liturgiques. Et là aussi c’est une rupture de tradition, et un accroc à l’œcuménisme, que de donner un autre texte dans la liturgie, outre que c’est illégitime de l’imposer à la messe latine traditionnelle.

  • 2e dimanche après la Pentecôte

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    LE TEXTE

    Allelúia. Allelúia. Dómine, Deus meus, in te sperávi : salvum me fac ex ómnibus persequéntibus me et líbera me. Allelúia.

    Seigneur, mon Dieu, en toi j’ai espéré. Sauve-moi de tous mes persécuteurs et délivre-moi.

    C’est la même supplication que dans le verset du Graduel. Au lieu des mauvaises langues, c’est des persécuteurs que l’Église demande à être délivrée, mais il n’est pas de persécution sans calomnies, médisances et mensonges et ceux qui manquent à la justice par la langue sont bien des persécuteurs.

    LA MÉLODIE

    Nous l’avons déjà trouvée à la fête du Saint Nom de Jésus. Adaptée là à un texte de louange, elle avait perdu son caractère de prière ; nous pouvons l’admirer ici et nous laisser pénétrer et animer par ses nuances délicates.
    La supplication est très humble sur Dómine Déus, mais sans contrainte, confiante même et pénétrée de tendresse ; notez plutôt le posé délicat en mi de la dernière syllabe de Dómine, le retard avant le quilisma, les pressus de déus surtout. C’est cette confiance, d’abord contenue, qui s’épanouit sur in te sperávi comme en un cri par lequel l’âme, avant de l’invoquer, remet le Seigneur en présence de la fidélité qu’elle lui a gardée. Le ralenti des derniers neumes et la cadence sur la  gardent à ce rappel ardent son caractère de supplication.
    C’est une heureuse transition à la prière humble qui revient au début de la seconde phrase sur Sálvum me fac. Sur ómnibus persequéntibus le motif de sperávi s’élève à nouveau ; la montée, ralentie par un torculus allongé et un porrectus, s’adapte bien à l’ardeur de la supplication qui se poursuit dans le grave sur la même thésis que sálvum me fac. Alors pour la troisième fois le motif de in te sperávi monte avec ardeur sur libera me, comme un cri de détresse qui se détend ensuite doucement sur les neumes du jubilus.
    Il y a dans ce verset un mélange de discrétion et d’audace qui est bien l’attitude de l’âme en peine devant le Seigneur infiniment bon et infiniment grand aussi.
    Dom Baron

  • Saint Ephrem

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    Fresque du XIIIe siècle en l’église Sainte Marie d’Amid, auourd’hui Diyarbakir en Turquie, archidiocèse syriaque de Mardin.

    Extrait de l’homélie sur la femme pécheresse qui répandit des parfums sur les pieds de notre Seigneur.

    Après avoir pris le vase, la pécheresse s'en alla joyeuse, se disant en elle-même : "Qui m'ouvrira la porte pour que j'approche aussitôt du divin Médecin ? Si je puis embrasser ses genoux, rien ne pourra m'en arracher avant que j'aie reçu le pardon de mes fautes. J'adresserai mes ferventes prières au Seigneur, qui déjà connaissait tous mes secrets avant que je pensasse à aller Le trouver ; Il connaît toutes choses. Je vais au bon Médecin, je vais voir le Sauveur du monde et implorer sa Clémence et sa Miséricorde." Puis, la pécheresse, comme si elle s'adressait au Seigneur et au Dieu saint, s'écriait : "Seigneur, voilà que Tu Te reposes, comme un homme ordinaire, dans la maison de Simon ; Tu connais les secrets de mon âme, ô Christ, et la pensée de mon esprit ; je T'apporte un parfum précieux, pour être purifiée de toutes les fautes que j'ai commises, quand je serai près de Toi, prosternée aux pieds de ta Divinité souveraine. J'ai compris, Seigneur, que Tu es le Dieu bon qui sauves tous les hommes par ta Miséricorde, qui ne veux pas la mort du pécheur qui va volontairement à Toi qui es le Sauveur. Il m'a suffi de T'apercevoir pour comprendre toute l'étendue de ta Puissance. Fais-moi la grâce, Dieu clément, d'entrer sans obstacle dans le lieu où Tu es, et d'arriver ainsi jusqu'à Toi."

    Tout en roulant ces pensées et mille autres dans son esprit inquiet, la pécheresse arriva à la maison où se trouvait le Christ. La porte était ouverte ; elle entra toute joyeuse, et se mit aussitôt derrière le Seigneur ; elle se pencha sur ses Pieds avec la foi la plus vive, et, humiliant sa tête et son cœur d'où s'exhalaient des soupirs sans nombre, elle arrosa les Pieds de Jésus Christ d'un torrent de larmes, et les embrassa avec une émotion et une tendresse profondes : elle les essuya avec ses cheveux et les arrosa de parfums, en disant : "Il n'y a que Toi, Seigneur, qui saches pourquoi j'ai osé agir ainsi. Seigneur, je sais combien j'ai péché ; mais je me suis approchée avec confiance du Dieu pur, et, comme les publicains, j'ai marché vers Lui parce que je désirais être sauvée. Christ, accepte mes abondantes larmes ; accepte les regrets de mon âme criminelle. Que ma hardiesse se change en supplication, mon effronterie en prière, que mon parfum soit une offrande de propitiation, ô mon Sauveur ! et que la contrition de mon cœur fasse jaillir la lumière. J'ai entendu dire à tout le monde, dans mon enfance, qu'un Dieu était né d'une Vierge, et, brûlant d'en apprendre davantage, je demandais comment il se pouvait que Celui qui n'avait pas de chair pût être incarné. Mes parents me répondaient que nos ancêtres nous avaient laissé cette tradition qu'un Dieu saint naîtrait sur la terre du sein d'une Vierge. J'étais encore bien jeune, quand j'ai appris cela, et maintenant je vois qu'en vérité un Dieu grand, un Dieu saint est apparu dans notre chair, afin de nous sauver. Je ne Te vois pas des mêmes yeux que Simon le pharisien, qui T'a invité à sa table. Je vois en Toi le Dieu puissant, le Créateur de toutes choses, qui, d'un seul mot, a fait l'univers. Je suis une brebis entraînée loin du troupeau, fais-moi rentrer dans la bergerie. Seul Tu es le bon pasteur qui ramènes les brebis égarées, Seigneur, je suis Ta colombe, qu'un cruel épervier a enlevée : mon âme est embrasée d'un violent amour pour la Sainteté de mon Dieu. Que ta Bonté généreuse, ô Source de toute pureté, me délivre du poids de mes souillures et de mes iniquités. Ô Dieu ! dans ta Clémence extrême, substitue à mon parfum et à mes larmes l'action de ta Grâce, pour effacer les traces de mes péchés et accomplir ma purification. Tu as daigné ouvrir ma bouche et m'inspirer le courage de Te parler comme je le fais, pour que je serve d'exemple aux pécheurs pour le salut desquels Tu es venu. Seigneur, je T'en supplie, ne rejette pas les larmes d'une infortunée ; je sais que rien ne T'est impossible et que Tu peux tout."

    C'est du fond de son cœur que la pécheresse priait le Seigneur, dont les cœurs des hommes sont l'ouvrage. Elle reçut, en échange de son parfum corruptible, un parfum de vie, qui doit rester incorruptible pendant l'éternité. Quoique très grande, la suavité de son parfum n'était pas comparable à celle des paroles du Sauveur. Mais avec le parfum, elle offrit aussi son amour et reçut le pardon de ses fautes. Le Dieu Sauveur qui a la connaissance de l'avenir justifia l'espérance d'une âme perdue, sans parler des fautes secrètes que cette femme héroïque avait commises ; Il ne fit attention qu'à son amour.

  • Saint Grégoire Barbarigo

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    Portrait anonyme de 1687 (et non de 1697 comme le laisse entendre l’inscription).

    Traduction d’un extrait de l’article de l’encyclopédie Treccani.

    Pour « rendre le peuple bon », il faut un excellent clergé. Et c'est ce que le séminaire produit. Grégoire trouve peu de choses lorsqu'il s'installe : un bâtiment minable avec un maigre groupe de seulement 12 étudiants, objet d'un enseignement minable et peu convaincant. Grégoire entreprit de refonder le séminaire, pour qu’il devienne une force d’impulsion de renouveau religieux et culturel à la fois.

    Le séminaire fut transféré dans un ancien monastère réaménagé à cet effet ; il fut inauguré le 4 novembre 1670, et le nombre d'étudiants dépassa progressivement 80, 90 et 100. L'éventail des matières s'élargit : théologie, hébreu, logique, grammaire, humanité, géographie, grec, latin, physique, philosophie, histoire ecclésiastique, métaphysique, jurisprudence, écriture sainte, rhétorique, calligraphie. Mais comme la formation du personnel missionnaire était également dans ses plans, fut ajouté l'enseignement des langues orientales telles que l'arabe, le turc et le persan. Le séminaire était un lieu de recherche et pas seulement d’enseignement, doté d'une remarquable bibliothèque et d'un observatoire astronomique. Et, à partir de 1684, lorsqu’il commença à imprimer avec sa propre imprimerie, il devint un centre d'édition. Et - suscitant les protestations des imprimeurs vénitiens menacés dans leur monopole lucratif d'impression des "livres rouge et noir" - il imprima des textes liturgiques. L'imprimerie n'est pas non plus une entreprise parmi d'autres. Forte des poinçons et des matrices donnés par le grand-duc Cosme, le président de l'Ambrosiana, le duc Borromée et le cardinal Casanate, elle avait des caractères grecs, arabes et hébreux. Et, peut-être, son mérite le plus significatif est l'édition - dirigée par l'arabisant Ludovico Marracci - en 1698, en deux volumes, du Coran, où le texte, tiré "ex correctioribus [...] exemplaribus" de l'arabe, est d'une part traduit en latin, et d'autre part attaqué dans l'introduction et le commentaire par une constante "refutatio".

    Il fut toujours et avant tout un évêque, ne ménageant pas ses forces, et non sans amertume : les "épines" furent nombreuses, parmi lesquelles la longue querelle avec les chanoines sur le "gouvernement épiscopal" ; la satisfaction la plus authentique lui vint du séminaire, sa créature préférée, qu'il éleva avec l'affection d'un père, son "seul plaisir", confia-t-il au grand-duc Cosme.

    Cardinal, il fut à Rome pour les conclaves du 2 au 20 juin 1667, du 20 décembre 1669 au 29 avril 1670, du 23 août au 6 octobre 1689, du 12 février au 12 juillet 1691 et, par conséquent, absent de Padoue. Il est également présent au conclave de 1676, qui élit Innocent XI, mais cette fois il arrive à Rome le 27 juillet et est contraint d'y rester jusqu'en février 1680, non sans tourments - de "ius divinum" est selon lui l'obligation de résidence - et même remords. L'absence de Padoue pendant trois ans et demi était justifiée parce que c’était la volonté d'Innocent XI, mais il s'agissait tout de même de la lacération d'une action épiscopale qui ne pouvait être exercée in loco qu'avec une continuité systématique. Il en était ainsi, du moins, dans la perception angoissée de Grégoire, qui ne se sentait pas à sa place à Rome, un étranger de passage toujours prêt à partir. Si à Padoue - comme il le dit à son vieux père le 29 mai 1677 - "je travaille sans rendre de comptes à personne", ici, à Rome, "je travaille comme un ministre subordonné" ; visiteur actif de couvents et de monastères, membre de plusieurs congrégations, il s'efforce également d'apaiser les relations troubles entre la Vénétie et le Pontife. De toute façon, il ne pouvait pas décider de façon autonome ; cela lui pesait ; il se sentait diminué de moitié. Ne serait-ce que pour cette raison, son séjour à Rome était fatigant : il lui semble, confie-t-il à son père, "devoir travailler plus qu'à Padoue". En réalité, dans son évêché, son activité est fébrile. Seulement, il est animé d'un tel enthousiasme et d'une telle conviction qu'il ne ressent aucune fatigue. Mais de cette façon, il abuse de son physique déjà éprouvé, il surestime sa propre force. Après avoir visité, entre le 29 mai et le 5 juin 1697, les neuf paroisses du vicariat de Veggiano, le 6, jour de la Fête-Dieu, il tient l'ostensoir de la procession solennelle du matin vers Padoue ; puis, dans l'après-midi, il visite les cinq paroisses de Balduina et celles de Montegalda. Ayant achevé la visite le 11, le 12, il visita le Collège des Nobles, et, une fois à Padoue, il se précipita à l'imprimerie du séminaire pour vérifier où en était la composition de la Somme de saint Thomas et du Coran. Le lendemain, en la fête de saint Antoine, il célèbre la messe pontificale dans la basilique du même nom. Le 14, il avoue qu'il ne se sent pas bien ; le 15, il tombe malade. Et à ceux qui, à commencer par le médecin, en profitent pour lui recommander d'éviter tant d'efforts à l'avenir, de ne pas se dépenser de la sorte, il répond en citant saint Charles Borromée, selon lequel "l'évêque [...] doit mourir pour son église". Ce fut son cas car, son état s'aggravant progressivement, il mourut le 18 juin 1697 ; "il s'est envolé au ciel", écrivirent les recteurs au Sénat le même jour.

  • Cancel partout

    Parmi les imposteurs de la nouvelle « liturgie », le dominicain André Gouzes était une sorte de pape musical, notamment avec ses plagiats aplatis de la musique byzantine. Compositeur de plus de 1.700 chants dont ceux de l'omniprésente « Liturgie chorale du peuple de Dieu » (peuple dont les fidèles de la liturgie latine immémoriale sont donc exclus), voilà qu’il est rattrapé, avec un retard ecclésiastique certain, par la vague « me too ».

    André Gouzes est visé par une plainte de « viol sur mineur », une fellation qui aurait eu lieu il y a une quinzaine d’années.

    « Peut-on continuer de chanter André Gouzes à la messe ? » se demande Le Pèlerin.

    La réponse a déjà été donnée : c’est non. Par exemple le pèlerinage du Rosaire à Lourdes a exclu ses chants, et le centre liturgique dominicain de Pologne « recommande fortement de s’abstenir d’interpréter la musique de l’auteur incriminé jusqu’à ce qu’une décision judiciaire soit prise ».

    Voilà donc tombée la statue Gouzes. A cause d’une procédure judiciaire. La musique de Gouzes, qui était portée aux nues, est subitement condamnée. Pour des raisons qui n’ont rien à voir avec la musique et avec la liturgie.

    Il y avait déjà eu (pour ne parler que de la France), l’affaire Ribes. Ce prêtre qui aurait abusé d’enfants dans les années 70-80 était l’auteur de diverses œuvres pour le culte, et de vitraux. Les vitraux qui appartenaient à l’Eglise ont déjà été démontés. Pour les œuvres qui appartiennent à des municipalités, les évêques ont demandé aux maires de les enlever. La question de savoir si les vitraux sont beaux ou laids n’entre pas en ligne de compte, alors même que ceux qui les voient ne savent pas de qui ils sont…

    C’est l’idéologie de la cancel culture en action dans l’Eglise romaine. On ne nous aura rien épargné.