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Liturgie - Page 24

  • Deuxième dimanche de carême

    La septuagésime marque le début de la lecture de la Bible selon le bréviaire : la création et la chute. A la sexagésime c’est Noé, à la quinquagésime on en arrive à Abraham. La liturgie du premier dimanche de carême, entièrement concentrée sur le carême, ne fait pas allusion à la lecture biblique. Mais on est toujours dans la longue histoire d’Abraham, suivie de la très brève histoire d’Isaac, et au deuxième dimanche on en vient à Jacob. Voici les trois répons qui restent des matines sévèrement élaguées en 1960. Ce sont les premier, troisième et neuvième (dernier) répons des matines d’avant 1960.

    Le premier fait allusion à la demande d’Isaac à son fils aîné Esaü de lui préparer un plat avant qu’il lui donne sa bénédiction et meure en paix. Le deuxième évoque la bénédiction donnée à Jacob qui par ruse a supplanté son frère. Le troisième chante ce qui s’est passé vingt ans après, quand Jacob, qui s’était exilé pour échapper à la vengeance de son frère, revient avec ses femmes, ses enfants et ses troupeaux.

    Ces répons sont des compositions à partir d’éléments de la Bible latine, mais ne sont pas des citations littérales. Le plus proche est le deuxième, résumé de la bénédiction, dont tous les mots se trouvent dans le texte de la Vulgate.

    ℟. Tolle arma tua, pháretram et arcum, et affer de venatióne tua, ut cómedam : * Et benedícat tibi ánima mea.
    ℣. Cumque venátu áliquid attúleris, fac mihi inde pulméntum, ut cómedam.
    ℟. Et benedícat tibi ánima mea.

    Prends tes armes, ton carquois et ton arc et apporte-moi de ton gibier à manger : * Et que mon âme te bénisse.
    Rapporte-moi du produit de ta chasse et fais-en pour moi un mets que je mangerai.
    Et que mon âme te bénisse.

    ℟. Det tibi Deus de rore cæli et de pinguédine terræ abundántiam: sérviant tibi tribus et pópuli : * Esto dóminus fratrum tuórum.
    ℣. Et incurvéntur ante te fílii matris tuæ.
    ℟. Esto dóminus fratrum tuórum.

    Que Dieu te donne l’abondance de la rosée du ciel et de la graisse de la terre ; que tribus et peuples te servent : * Sois le seigneur de tes frères.
    Et que devant toi se courbent les fils de ta mère.
    Sois le seigneur de tes frères.

    ℟. Cum audísset Jacob quod Esau veníret contra eum, divísit fílios suos et uxóres, dicens: Si percússerit Esau unam turmam, salvábitur áltera. * Líbera me, Dómine, qui dixísti mihi : * Multiplicábo semen tuum sicut stellas cæli, et sicut arénam maris, quæ præ multitúdine numerári non potest.
    ℣. Dómine, qui dixísti mihi, Revértere in terram nativitátis tuæ : Dómine, qui pascis me a juventúte mea.
    ℟. Líbera me, Dómine, qui dixísti mihi.
    ℣. Glória Patri, et Fílio, * et Spirítui Sancto.
    ℟. Multiplicábo semen tuum sicut stellas cæli, et sicut arénam maris, quæ præ multitúdine numerári non potest.

    Quand Jacob eut appris qu’Esaü venait à sa rencontre, il disposa en deux groupes ses fils et ses femmes et il dit : Si Esaü frappe une troupe, l’autre sera sauvée. Délivrez- moi, Seigneur, vous qui m’avez dit : Je multiplierai ta prospérité comme les étoiles du ciel et comme le sable de la mer, innombrable à cause de son immensité.
    Seigneur qui m'avez dit : Retourne au pays de ta naissance ; Seigneur qui me nourrissez depuis ma jeunesse.
    Délivrez- moi, Seigneur, vous qui m’avez dit : -
    Gloire au Père, au Fils, et au Saint-Esprit. -
    Je multiplierai ta prospérité comme les étoiles du ciel et comme le sable de la mer, innombrable à cause de son immensité.

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  • Samedi des quatre temps de carême

    Aux quatre saisons de l'année, l'Église célèbre une messe d'action de grâces pour le trimestre écoulé et tous les bienfaits reçus. Elle offre à Dieu le travail de ses enfants avec ses prémices ; et lui présente, comme les prémices de son peuple, des hommes qu'elle a choisis pour en faire ses ministres. C'est dans la basilique vaticane que se faisaient autrefois ces ordinations, précédées d'une longue veillée nocturne ; de là nous viennent les nombreuses lectures de cette messe.

    Le thème de ces lectures est celui du Peuple de Dieu, auquel les catéchumènes seront bientôt agrégés. Et les oraisons soulignent que nous ne pouvons être fidèles à notre vocation chrétienne que dans la mesure où la grâce divine nous délivre de nos péchés, nous éclaire et nous conduit.

    (Missel du Barroux)

    Troisième oraison :

    Actiónes nostras, quǽsumus, Dómine, aspirándo prǽveni, et adjuvándo proséquere : ut cuncta nostra orátio et operátio a te semper incípiat, et per te cœpta finiátur. Per Dóminum.

    Nous vous prions, Seigneur, de prévenir nos actions par votre inspiration et de les conduire par votre grâce, afin que toutes nos prières et toutes nos œuvres aient toujours en vous leur principe et leur achèvement.

    Littéralement : "afin que toute notre prière et œuvre commence toujours à partir de toi, et que ce qui a été entrepris finisse par toi". Dans le sacramentaire de saint Grégoire il y avait deux autres "et" qui soulignaient le parallélisme:

    Actiónes nostras, quǽsumus, Dómine,
    et
    aspirándo prǽveni, et adjuvándo proséquere :
    ut cuncta nostra orátio et operátio
    et a te semper incípiat, et per te cœpta finiátur.

  • Vendredi des quatre temps de carême

    Portons nos regards sur les pénitents publics que l’Église se prépare à rétablir bientôt dans la participation des Mystères. Mais auparavant ils ont besoin d’être réconciliés avec Dieu qu’ils ont offensé. Leur âme est morte par le péché ; pourra-t-elle donc revivre ? Oui, le Seigneur nous l’atteste ; et la lecture du Prophète Ézéchiel, que l’Église commençait hier pour les Catéchumènes, elle la continue aujourd’hui en faveur des pénitents publics. « Que l’impie, dit le Seigneur, fasse pénitence de tous les péchés qu’il a commis ; qu’il garde désormais mes préceptes : il vivra certainement, et il ne mourra pas. » Cependant ses iniquités sont là, qui s’élèvent contre lui ; leur voix est montée jusqu’au ciel et provoque une vengeance éternelle. Assurément, il en est ainsi ; mais voici que le Seigneur qui sait tout, qui n’oublie rien, nous déclare qu’il ne se souviendra plus de l’iniquité rachetée par la pénitence. Telle est la tendresse de son cœur paternel, qu’il veut bien oublier l’outrage qu’il a reçu d’un fils, si ce fils revient sincèrement à son devoir. Ainsi nos pénitents seront réconciliés, et au jour de la Résurrection du Sauveur, ils se mêleront aux justes, parce que Dieu ne gardera plus souvenir de leurs iniquités ; ils seront devenus justes eux-mêmes. En remontant par la pensée le cours des âges, nous nous retrouvons ainsi en face de ce grand spectacle de la pénitence publique, dont la Liturgie, qui ne change pas, a seule conservé les traces aujourd’hui. De nos jours, les pécheurs ne sont plus mis à part ; la porte de l’église ne leur est plus fermée ; ils se tiennent souvent tout près des saints autels, mêlés aux justes ; et quand le pardon descend sur eux, l’assemblée des fidèles n’en est point avertie par des rites spéciaux et solennels. Admirons la miséricorde divine, et profitons de l’indulgence de notre mère la sainte Église. A toute heure et sans éclat, la brebis égarée peut rentrer au bercail : qu’elle use donc de la condescendance dont elle est l’objet, et qu’elle ne quitte plus désormais le Pasteur qui a daigné l’accueillir encore. Quant au juste, qu’il ne s’élève pas par une vaine complaisance, en se comparant à la pauvre brebis égarée ; qu’il médite ces paroles : « Si le juste se détourne de la justice, s’il commet l’iniquité, toutes les œuvres de justice qu’il avait faites, on ne s’en souviendra plus ». Craignons donc pour nous-mêmes, et ayons pitié des pécheurs. La prière des fidèles pour les pécheurs, durant le Carême, est un des grands moyens sur lesquels compte l’Église pour obtenir leur réconciliation.

    Dom Guéranger

  • La chaire de saint Pierre

    O Petre, petra Ecclesiae,
    Isto beatus nomine,
    Quo Petrus a Christo Petra,
    Non Petra Christus a Petro.

    O Pierre ! Toi qui es la Pierre de l’Église, heureux es-tu dans ton nom, que le Christ, qui le porte lui-même, t’a donné, et non toi au Christ !

    Tu es Petrus, qui Filii
    Confessor es primus Dei :
    Hinc primus in membris manens ;
    Ob quod Cephas vocatus es.

    Tu es Pierre qui, le premier, as confessé le Fils de Dieu ; pour prix de ta foi, tu es le premier des membres, et tu portes le nom de Céphas.

    Adest dies, quo Romula
    In urbe consecratus es ;
    In quo Cathedrae nobilis
    Scandens thronum attolleris :

    Voici le jour où tu fus inauguré dans la ville de Romulus ; où, montant sur ton trône, tu fus élevé sur la Chaire auguste.

    Conlata ergo gloria
    In te potestas affluens,
    Ligata solvat crimina,
    Portasque averni obstruat.

    Fais que la gloire et la puissance, qui en toi résident comme dans leur source, viennent briser les liens de nos péchés, fermer les portes des enfers.

    Hinc pastor ut piissimus,
    Oves guberna créditas ;
    Intus forisque pervigil
    Ne subruamur, protege.

    Comme un pasteur plein de bonté, gouverne les brebis qui te furent confiées ; veille au dedans, veille au dehors ; protège-nous, afin que nous ne soyons pas renversés.

    Et clave illa caelica
    Solvens catenas criminum,
    Illic reos inducito,
    Quo clarus exstas janitor.

    Délie, par la clef céleste, nos chaînes criminelles, et conduis-nous, pécheurs pardonnés, au palais dont tu es le portier illustre.

    Ut cum polorum Principi
    Recisa membra junxeris,
    Sit Trinitati gloria
    Per cuncta semper saecula. Amen.

    Et quand tu auras réuni au Roi des cieux ses membres qui en sont encore séparés, soit gloire à la Trinité, à jamais, dans tous les siècles. Amen.

    Hymne du bréviaire mozarabe, traduction dom Guéranger. Dans la patrologie de Migne, cette hymne est la première attribuée à saint Paulin d’Aquilée, avec quelques variantes. On trouvera le chant ici.

  • Leur liturgie

    Cela se passe à l’église du Christ Roi de Ruhstorf, dans le diocèse de Passau, en Bavière. Une « messe de carnaval », le 11 février dernier. Il paraît que ce n’est pas rare en Allemagne et en Autriche.

    Oui, c’est la communion, pendant la danse des canards. Et ce n’est qu’un aperçu. Il y eut aussi notamment une « chorégraphie » sur une polonaise, et on a fait éclater des ballons entre les lectures.

    Ci-dessous l’équipe des joyeux drilles de la messe de carnaval. Le curé, Mgr Josef Tiefenböck, est le personnage qui a une perruque verte. Ce qui est frappant est que les enfants ne paraissent pas trouver ça drôle du tout…

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  • Mercredi des quatre temps de carême

    Dans la messe de ce jour, la première lecture nous montre Moïse montant sur la montagne pendant sept jours et demeurant sur la montagne pendant « quarante jours et quarante nuits ».

    La deuxième lecture nous montre Elie marcher « quarante jours et quarante nuits » sans manger jusqu’à la montagne de Dieu.

    Voici donc les deux préfigurations du jeûne du Christ qui était l’évangile de dimanche dernier. C’est ce à quoi fait allusion le début de l’hymne des matines du carême :

    Ex more docti mystico
    Servémus hoc jejunium,
    Deno diérum circulo
    Ducto quater notíssimo.

    Lex et prophetæ primitus
    Hoc prætulérunt, postmodum
    Christus sacrávit, ómnium
    Rex atque factor témporum.

    Remarquablement traduit par Corneille :

    Instruits par une tradition mystérieuse,
    gardons avec soin ce jeûne
    célèbre qui parcourt le cercle
    de quarante journées.

    La Loi, d’avance, et les Prophètes
    en ont jadis montré le sens ;
    le Christ enfin l’a consacré,
    lui, des temps le Maître et le Roi.

    (En fait le texte parle d’un cercle de dix jours parcouru quatre fois, mais c’est bien le 40 qui importe.)

    La Loi et les prophètes : Moïse et Elie. Lemaitre de Sacy le dira explicitement dans sa « traduction », qui vise à expliquer le texte latin en regard :

    Gardons ce jeûne saint si célèbre en l'Église
              Compris en quatre fois dix jours,
    Jeûne mystérieux que le ciel favorise
              De sa grâce et de son secours.

    Jadis le grand Moïse et le brûlant Elie
              L’ont par leur exemple honoré ;
    Mais le Christ, qui la loi vieille à la nouvelle allie,
              Le gardant, l’a rendu sacré.

    Moïse et Elie, ils seront encore là dimanche prochain (et même dès samedi), en tant que personnification de la Loi et des prophètes (l’intégralité de l’ancienne Alliance) authentifiant la mission du Christ, au moment de la Transfiguration.

    Quatre fois dans l’évangile de saint Matthieu, Jésus se réfère à « la Loi et les prophètes » pour montrer qu’il vient accomplir l’Ancien Testament.

    L’évangile de ce jour est plutôt centré sur le nombre 3 que sur le nombre 40. Jésus évoque le « signe de Jonas » qui est le « typus Dominicæ passionis », comme dit saint Ambroise : la figure de la Passion du Seigneur, resté sous terre trois jours comme Jonas est resté trois jours dans le poisson.

    Il n’en demeure pas moins que la quarantaine est encore là. Car si l’on se reporte au livre de Jonas, on voit que l’essentiel, et même la totalité, de la prédication de Jonas est : « Encore 40 jours et Ninive sera détruite. » Et les Ninivites jeûnent pendant 40 jours, et Ninive est sauvée…

  • Mardi de la première semaine de carême

    "Alors des aveugles et des boiteux étant venus à lui dans le temple, il les guérit." Tous ces miracles rendent un témoignage indubitable à la toute-puissance du Fils de Dieu ; et cependant les juifs y demeurent sourds. "Mais les premiers des prêtres et des docteurs de la loi voyant les merveilles qu’il avait faites et les enfants qui criaient dans le temple : hosanna, en conçurent de l’indignation, et lui dirent : Entendez-vous bien ce qu’ils disent ?" N’était-ce pas plutôt Jésus-Christ qui leur pouvait parler de la sorte, et qui leur devait dire : "Entendez-vous bien ce que ces enfants disent ?" puisqu’ils lui chantaient des cantiques comme à Dieu.

    Jésus-Christ, voyant donc que rien ne les pouvait convaincre, et qu’ils combattaient l’évidence même, s’élève contre eux avec force et avec zèle, et leur dit : "N’avez-vous jamais lu cette parole : Vous avez tiré la louange la plus parfaite de la bouche des petits enfants et de ceux qui sont à la mamelle ?" C’est avec grande raison que le Prophète dit que c’est "de la bouche" que Dieu tire cette louange, puisqu’il est visible qu’elle ne pouvait sortir du cœur de ces petits enfants, dont Dieu déliait la langue par sa vertu invisible, afin de leur faire publier des cantiques dont ils ne comprenaient pas le sens.

    Cet événement figurait ce qui devait arriver un jour aux gentils, qui, après avoir été longtemps muets pour les louanges de Dieu, devaient ensuite élever leur voix dans le transport de leur foi et de leur amour. Ceci devait encore instruire et consoler beaucoup les apôtres. Car ils pouvaient demander eux-mêmes, comment étant si grossiers et si ignorants, ils pourraient un jour annoncer des mystères si élevés ; leur divin Maître les lire de cette peine, par ce qu’il leur fait voir aujourd’hui, et leur fait conclure que celui qui déliait la langue de ces enfants pour chanter ses louanges, délierait aussi la leur pour prêcher son Evangile dans le monde entier. Ce miracle leur faisait connaître encore que Jésus-Christ était le créateur et le maître souverain de la nature.

    Ainsi, tandis qu’on voit des petits enfants si sages avant leur âge, qui publient les louanges du Sauveur, et dont les cantiques s’accordent avec ceux des anges, on entend au contraire des hommes faits qui ont perdu la raison, et qui parlent comme des furieux et des insensés. Car c’est ainsi que la passion et la malice renversent l’esprit. Mais Jésus-Christ les épargne, et les voyant si troublés et si animés, soit par les honneurs que le peuple lui avait rendus, soit par la manière dont il avait chassé les vendeurs du temple, soit par le grand nombre de miracles qu’il avait faits, soit par les louanges qu’il avait reçues de la bouche des enfants, il les laisse et sort de la ville. "Et les laissant, il sortit de la ville et s’en alla en Béthanie, où il demeura."

    Saint Jean Chrysostome, homélie 67 sur saint Matthieu.

  • Lundi de la première semaine de carême

    Amen, dico vobis : quod uni ex mínimis meis fecístis, mihi fecístis : veníte, benedícti Patris mei, possidéte parátum vobis regnum ab inítio sǽculi.

    En vérité, je vous le dis : ce que vous avez fait au moindre d’entre mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. Venez les bénis de mon Père ; possédez le royaume qui vous a été préparé dès l’origine du monde.

    L’antienne de communion de la messe de ce jour reprend deux phrases de l’évangile : d’abord la conclusion du discours sur les bons, ceux qui sont « à droite », suivie de la première phrase de ce discours, qui est leur sort d’emblée annoncé par Jésus.

    Cette antienne, qui ignore les méchants (ils ne peuvent pas communier) est très douce, et encore adoucie par ses si bémol insistants. On remarque la montée de « venite benedicti Patris », qui culmine sur « Patris », seule fois où la mélodie atteint le ré. Car le Royaume qui nous est préparé est la vie avec le Père, dans le Fils, par le Saint-Esprit.

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  • Premier dimanche de carême

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    Duccio, fragment de la prédelle de la Maestà, verso, Sienne, 1308-1311.

    « Alors le démon le transporta dans la ville sainte, et le mettant sur le haut du temple, lui dit : Si vous êtes le fils de Dieu, jetez-vous en bas, car il est écrit : Il ordonnera à ses anges d’avoir soin de vous, et ils vous soutiendront de leurs mains, de peur que vous ne heurtiez le pied contre quelque pierre. »

    Pourquoi le démon commence-t-il toutes ses tentations par ces mots : « Si vous êtes fils de Dieu » ? C’est pour faire encore ici ce qu’il fit à l’égard de nos premiers parents. De même qu’alors il osa leur parler mal de Dieu en disant : « Dieu sait qu’au moment que vous mangerez de ce fruit vos yeux seront ouverts » parce qu’il leur voulait faire croire que Dieu les trompait, et qu’il n’avait point d’amour pour eux; de même il dit ici au Sauveur : C’est en vain que Dieu vous appelle son fils, et il vous trompe par cette qualité qu’il vous donne. Que si vous croyez être en effet ce qu’il vous fait croire que vous êtes, donnez une preuve de votre puissance. Et comme il voyait que Jésus-Christ lui avait rapporté un passage de l’Ecriture, il en use de même envers lui, et lui cite un passage du Prophète.

    Jésus-Christ s’indigne-t-il ? s’emporte-t-il ? Non, il lui parle avec une extrême douceur, empruntant encore sa réponse aux Ecritures : « Jésus lui répondit : Il est écrit aussi : Vous ne tenterez point le Seigneur votre Dieu. »

    Pourquoi ? Le Sauveur nous apprend par cette conduite que ce n’est point par les miracles qu’il faut vaincre le démon, mais par une patience ferme et invincible ; et que nous ne devons jamais rien faire par ostentation et par vanité. Mais remarquez combien était grossier l’artifice du démon, jugez-en par le témoignage même qu’il emprunte aux Livres saints. Quant au Seigneur, les témoignages qu’il cite se rapportent admirablement à ce qu’il dit ; mais le démon cite des paroles en l’air et au hasard, sans qu’elles prouvent en aucune sorte ce qu’il en infère. Car ces paroles du Psaume : « Il ordonnera à ses anges d’avoir soin de vous », ne disent pas que le Juste se précipite lui-même. Et de plus, elles n’ont pas été proprement dites de Jésus-Christ. Le Fils de Dieu néanmoins ne se met point en peine de les réfuter, quoique le démon les eût alléguées d’une manière qui lui était si injurieuse et si contraire à leur véritable sens. Car ce n’est point au Fils de Dieu à faire ce que cet esprit de malice lui conseillait alors. C’est au démon à se précipiter lui-même ; comme c’est à Dieu à relever ceux qui sont tombés dans le précipice. Si Jésus-Christ devait montrer sa puissance, il le devait plutôt faire en tirant les autres du précipice, qu’en s’y jetant. Il n’appartient qu’aux démons d’agir de la sorte, et de se précipiter en troupe dans les abîmes. C’est pourquoi ils tâchent de rendre les autres les compagnons de leur chute et de leur supplice.

    Cependant Jésus-Christ ne se découvre point encore : et il parle au démon comme un simple homme aurait pu faire. Car en disant : « L’homme ne vit pas du pain seul », ou : « Vous ne tenterez point le Seigneur votre Dieu », il ne dit rien qui le puisse faire reconnaître, et le distinguer des autres. Et ne vous étonnez pas si le démon parlant à Jésus-Christ tourne de toutes parts, et l’attaque de tant de manières. Comme un athlète qui a reçu des blessures mortelles et qui perd la vue avec son sang, ne fait plus que tourner et que s’agiter inutilement, de même le démon après avoir reçu ces deux blessures mortelles, na sachant plus ce qu’il doit dire, parle comme à l’aventure, et recommence une troisième tentation.

    « Le démon le transporta encore sur une montagne fort haute ; et lui montrant tous les royaumes du monde, et la gloire qui les accompagne, lui dit : Je vous donnerai toutes ces choses, si en vous prosternant devant moi vous m’adorez. »

    « Mais Jésus lui répondit : Retire-toi, Satan ; car il est écrit: Vous adorerez le Seigneur votre Dieu, et vous ne servirez que lui seul. » Jésus-Christ voyant que le démon par ces paroles offensait son Père, en s’attribuant ce qui n’appartient qu’à Dieu, et qu’il se faisait lui-même Dieu, et le créateur de toutes choses, le reprend de son orgueil, quoiqu’avec douceur néanmoins, se contentant de lui dire : « Retire-toi, Satan », ce qui était plutôt un commandement qu’un reproche. Ce mot seul, « Retire-toi », le mit aussitôt en fuite ; et on ne voit plus depuis qu’il l’ait tenté.

    Saint Jean Chrysostome, homélie 13 sur saint Matthieu, traduction Jeannin, 1865.

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    Reconstitution du revers de la Maestà. La tentation du Christ est (en bas) le deuxième tableau à partir de la gauche. Il se trouve à la Frick Collection, New York.

  • Samedi après les Cendres

    Et voyant qu'ils se tourmentaient à ramer, car le vent leur était contraire, il vient à eux environ la quatrième veille de la nuit, marchant sur la mer. Et il voulait les devancer ; mais eux, le voyant marcher sur la mer, crurent que c'était un fantôme, et ils poussèrent des cris. Car tous le virent, et ils furent troublés. Mais lui aussitôt leur parla, et leur dit : Rassurez-vous, c'est moi, n'ayez point peur.

    Ce récit évangélique renvoie à divers textes de l’Ancien Testament.

    Le Christ marche sur la mer parce qu’il est Dieu :

    C'est lui seul qui a tendu les cieux et qui marche sur la mer comme sur un sol affermi. Job 9,8.

    Il « voulait les dépasser », parce que Dieu passe. C’est quand il passe qu’on le reconnaît, il passe pour montrer le chemin, ce passage est la Pâque. En Egypte et dans la mer, symboles de l'empire du mal vaincu par le passage de Dieu.

    En cette nuit-là, je traverserai toute l'Égypte, je frapperai tout premier-né en la terre d'Égypte, depuis les hommes jusqu'aux bestiaux, et j'exercerai ma justice sur tous les dieux des Égyptiens, moi le Seigneur. Alors, le sang sera pour vous un signe sur les maisons où vous demeurez ; je verrai ce sang, et je vous sauverai, et il n'y aura point parmi vous de plaie qui broie, lorsque je frapperai la terre d'Égypte. Exode 12,12-13

    Dieu les guidait, le jour, par une colonne de nuée pour leur montrer la route ; la nuit, par une colonne de feu. Jamais, devant le peuple entier, la colonne de nuée ne manqua pendant le jour, ni la colonne de feu pendant la nuit. Exode 13, 21-22

    Il a séparé la mer, et il les a fait passer ; il a contenu les eaux, comme dans une outre. Et il les a guidés le jour dans une nuée, et la nuit dans un luminaire de feu. Psaume 77

    Ta voie est dans la mer ; et tes sentiers dans des amas d'eau, et l'on ne reconnaîtra pas tes traces. Tu as conduit ton peuple comme un troupeau par les mains d'Aaron et de Moïse. Psaume 78

    Dieu dit à Moïse :

    Je passerai devant toi dans ma gloire, et je prononcerai mon nom. (…) Lorsque passera ma gloire, je te mettrai dans l'enfoncement du rocher, et je t'ombragerai de ma main jusqu’à ce que j'aie passé. Puis, j'ôterai ma main, et alors tu me verras par derrière ; mais mon visage ne sera pas vu par toi. Exode 33,19

    L’Ange du Seigneur dit à Elie :

    Tu partiras demain ; mais tiens-toi devant le Seigneur sur la montagne, regarde : le Seigneur va passer. Aussitôt, voilà qu'un vent violent passa, déchirant la montagne, brisant les rochers, et le Seigneur n'était pas dans le vent ; après le vent, il y eut un tremblement de terre, et le Seigneur n'était pas dans le tremblement de terre ; Après le tremblement de terre, vint une flamme, et le Seigneur n'était pas dans la flamme ; après la flamme, vint le murmure d'un souffle léger, et là était le Seigneur. 3 Rois 19,11-12

    « C’est moi » : Ego eimi. « Je Suis. » Comme plusieurs fois dans l’évangile de saint Jean, ce qui culmine dans « Avant qu’Abraham advînt, Je Suis. » Echo de la révélation à Moïse : « Ego eimi ho on. » Je Suis celui qui est.