Le pape Benoît XVI a prononcé un discours au sommet de la FAO. C'est l'occasion de profiter d'un coup de projecteur sur un des multiples aspects de son encyclique sociale. Une nouvelle affirmation de ce qu'est « l'écologie humaine ».
Benoît XVI - Page 52
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Une déclinaison de Caritas in veritate
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Le ciel et la terre
Extrait de l'allocution de Benoît XVI lors de l'Angélus d'hier :
L'expression « le ciel et la terre » est fréquente dans la Bible pour indiquer tout l'univers, le cosmos tout entier. Jésus déclare que tout cela est destiné à « passer ». Non seulement la terre, mais aussi le ciel, qui est justement entendu dans un sens cosmique, et non comme synonyme de Dieu. L'Ecriture Sainte ne connaît pas l'ambiguïté : toute la création est marquée par la finitude, y compris les éléments divinisés par les mythologies antiques : il n'y a aucune confusion entre le créé et le créateur, mais une différence nette. Avec cette claire distinction, Jésus affirme que ses paroles « ne passeront pas », c'est-à-dire qu'elles sont du côté de Dieu, et qu'elles sont pour cela éternelles. Tout en étant prononcées dans le concret de son existence terrestre, ce sont des paroles prophétiques par excellence, comme l'affirme Jésus dans un autre lieu en s'adressant au père céleste : « Les paroles que tu m'as données, je les leur ai données. Ils les ont accueillies et ils ont vraiment reconnu que je suis sorti d'auprès de toi et ils ont cru que tu m'as envoyé » (Jn 17, 8). Dans une parabole célèbre, le Christ se compare au semeur et explique que sa Parole est semence (cf. Mc 4, 14) : ceux qui l'écoutent, l'accueillent et portent du fruit (cf. Mc 4, 20) font parti du règne de Dieu, c'est-à-dire qu'ils vivent sous sa seigneurie ; ils restent dans le monde, mais ne sont plus du monde ; ils portent en eux un germe d'éternité, un principe de transformation qui se manifeste déjà aujourd'hui dans une vie bonne, animée par la charité, et produira à la fin la résurrection de la chair. Voilà la puissance de la Parole du Christ.
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Stipe Mesic au Vatican : Benoît XVI lui parle du pays…
Benoît XVI a reçu hier le président croate Stipe Mesic. Le communiqué du Saint-Siège paraît laconique, mais on y voit bien que le pape n'a pas vraiment apprécié les virulentes attaques de Mesic contre les crucifix dans les lieux publics et contre les évêques croates, et le lui a dit :
"Les entretiens ont permis une approche de la situation balkanique et des perspectives régionales, et en particulier des facteurs de stabilité et de renforcement de la paix. On a également évoqué la tradition catholique de la Croatie, toujours bien vivace, comme l'importance du respect de cette identité. Le bien public du pays se manifeste en particulier dans la collaboration entre les autorités et l'épiscopat dans tous les domaines de la vie nationale."
(Cf. ici, là, et le N° 52 de Daoudal Hebdo) -
Cluny
Dans sa catéchèse d'hier, Benoît XVI a brossé un excellent résumé de ce que l'on appelle la réforme clunisienne. Petit extrait, sur la liturgie :
On voulut surtout garantir le rôle central que doit occuper la liturgie dans la vie chrétienne. Les moines clunisiens se consacraient avec amour et un grand soin à la célébration des Heures liturgiques, aux chants des Psaumes, à des processions aussi pieuses que solennelles et, surtout, à la célébration de la messe. Ils promurent la musique sacrée ; ils voulurent que l'architecture et l'art puissent contribuer à la beauté et à la solennité des rites ; ils enrichirent le calendrier liturgique de célébrations spéciales comme, par exemple, début novembre, la Commémoration des fidèles défunts, que nous venons nous aussi de célébrer ; ils développèrent le culte de la Vierge Marie. Une grande importance fut accordée à la liturgie, car les moines de Cluny étaient convaincus que celle-ci était une participation à la liturgie du Ciel. Et les moines sentaient qu'il était de leur responsabilité d'intercéder auprès de l'autel de Dieu pour les vivants et pour les morts, étant donné que de très nombreux fidèles leur demandaient avec insistance de se souvenir d'eux dans la prière. -
Herméneutique de continuité
Benoît XVI s'est rendu hier à Brescia, et il a rendu un « vibrant hommage » à Paul VI, comme disent les médias. Il l'a fait de la même façon qu'il a rendu un vibrant hommage à Populorum progressio dans sa dernière encyclique. En recadrant l'action de Paul VI dans la tradition.
Petit exemple, dans son homélie :
La rencontre et le dialogue entre l'Eglise et l'humanité de notre époque tenaient particulièrement à cœur à Jean-Baptiste Montini, dans toutes les saisons de sa vie, depuis les premières années de sacerdoce jusqu'au pontificat. Il a consacré toutes ses énergies au service d'une église le plus possible en conformité avec le Seigneur Jésus-Christ, afin qu'en la rencontrant, l'homme contemporain puisse rencontrer le Christ, parce qu'il a un besoin absolu de Lui. Tel est l'esprit de fond du Concile Vatican II, auquel correspond la réflexion du Pape Paul VI sur l'Eglise.
Benoît XVI en a profité pour donner une belle définition de l'Eglise :
je voudrais méditer brièvement sur le mystère de l'Eglise, du temple vivant de Dieu, et ainsi rendre hommage au grand Pape Paul VI, qui a consacré toute sa vie à l'Église. L'Église est un organisme spirituel concret qui prolonge dans l'espace et dans le temps le don du Fils de Dieu, un sacrifice apparemment insignifiant par rapport aux dimensions du monde et de l'histoire, mais décisif au regard de Dieu. Comme le dit la Lettre aux Hébreux - et également le texte que nous avons écouté - il a suffi à Dieu le sacrifice de Jésus, offert « une seule fois » pour sauver le monde (cf. He 9,26.28), parce que dans ce seul sacrifice est condensé tout l'amour du Fils de Dieu qui s'est fait homme, tout comme dans le geste de la veuve est concentré tout l'amour de cette femme pour Dieu et pour ses frères : rien ne manque et il n'y a rien à ajouter. L'Eglise, qui naît sans cesse de l'Eucharistie, du don de Jésus, est la continuation de ce don, de cette surabondance exprimée dans la pauvreté, de ce tout qui est offert dans le fragment. C'est le Corps du Christ qui se donne entièrement, corps rompu et partagé, dans l'adhésion constante à la volonté de son chef.
Et lors de l'Angélus, il a souligné l'un des plus beaux aspects de Vatican II, que l'on doit en effet à Paul VI :
A cette heure de l'angélus, je désire rappeler la profonde dévotion que le Serviteur de Dieu Giovanni Battista Montini nourrissait pour la Vierge Marie. (...) Au fur et à mesure que ses responsabilités ecclésiales augmentaient, il mûrissait une vision toujours plus ample et organique du rapport entre la bienheureuse Vierge Marie et le mystère de l'Eglise. Dans cette perspective, le Discours de clôture de la troisième période du concile Vatican II, le 21 novembre 1964, reste mémorable. La constitution sur l'Eglise, Lumen Gentium, qui - ce sont les paroles de Paul VI - « a comme sommet et couronnement tout un chapitre consacré à la Vierge Marie », a été promulguée lors de cette session. Le pape a fait remarquer qu'il s'agissait de la synthèse de doctrine mariale la plus ample jamais élaborée par un concile œcuménique, en vue de « manifester le visage de la sainte Eglise, à laquelle Marie est intimement liée ». C'est dans ce contexte qu'il a proclamé la très sainte Vierge Marie « Mère de l'Eglise », en soulignant, avec une vive sensibilité œcuménique, que « la dévotion à Marie (...) est un moyen essentiellement ordonné à l'orientation des âmes vers le Christ et à leur union au Père, dans l'amour de l'Esprit Saint ». -
Saint Bernard et Abélard
Voici la fin, la « leçon », de la passionnante catéchèse d'hier de Benoît XVI sur la confrontation entre saint Bernard et Abélard :
Que pouvons-nous apprendre, aujourd'hui, de la confrontation, des tons souvent enflammés, entre Bernard et Abélard, et, en général, entre la théologie monastique et la théologie scolastique ? Je crois tout d'abord que cette confrontation montre l'utilité et la nécessité d'une saine discussion théologique dans l'Eglise, surtout lorsque les questions débattues n'ont pas été définies par le Magistère, qui reste, cependant, un point de référence inéluctable. Saint Bernard, mais également Abélard lui-même, en reconnurent toujours sans hésitation l'autorité. En outre, les condamnations que ce dernier subit nous rappellent que dans le domaine théologique, il doit exister un équilibre entre ce que nous pouvons appeler les principes architectoniques qui nous sont donnés par la Révélation et qui conservent donc toujours l'importance prioritaire, et les principes interprétatifs suggérés par la philosophie, c'est-à-dire par la raison, et qui ont une fonction importante mais uniquement instrumentale. Quand cet équilibre entre l'architecture et les instruments d'interprétation fait défaut, la réflexion théologique risque d'être entachée par des erreurs, et c'est alors au Magistère que revient l'exercice de ce service à la vérité nécessaire qui lui est propre. En outre, il faut mettre en évidence que, parmi les motivations qui poussèrent Bernard à « se ranger » contre Abélard et à solliciter l'intervention du Magistère, il y eut également la préoccupation de sauvegarder les croyants simples et humbles, qui doivent être défendus lorsqu'ils risquent d'être confondus ou pervertis par des opinions trop personnelles et par des argumentations théologiques anticonformistes, qui pourraient mettre leur foi en péril.
Je voudrais enfin rappeler que la confrontation théologique entre Bernard et Abélard se conclut par une pleine réconciliation entre les deux, grâce à la médiation d'un ami commun, l'abbé de Cluny, Pierre le Vénérable, dont j'ai parlé dans l'une des catéchèses précédentes. Abélard montra de l'humilité en reconnaissant ses erreurs, Bernard fit preuve d'une grande bienveillance. Chez tous les deux prévalut ce qui doit vraiment tenir à cœur lorsque naît une controverse théologique, c'est-à-dire sauvegarder la foi de l'Eglise et faire triompher la vérité dans la charité. Que ce soit aujourd'hui aussi l'attitude avec laquelle on se confronte avec l'Eglise, en ayant toujours comme objectif la recherche de la vérité. -
Prier pour eux
Extrait de l'allocution de Benoît XVi à l'Angélus d'hier:
Demain nous attend la Commémoration annuelle de tous les fidèles défunts. Je voudrais vous inviter à vivre cette occasion selon l'authentique esprit chrétien, c'est-à-dire dans la lumière qui vient du Mystère pascal. Le Christ est mort et ressuscité et il nous a ouvert le passage vers la maison du Père, le Royaume de la vie et de la paix. Celui qui suit Jésus dans cette vie est accueilli là où Il nous a précédés. Alors que nous rendons visite aux cimetières, rappelons-nous que là, dans les tombes, reposent seulement les dépouilles mortelles de nos proches dans l'attente de la résurrection finale. Leur âme comme dit l'Écriture "sont déjà dans les mains de Dieu" (Sag 3,1). Donc la manière la plus efficace de les honorer est de prier pour eux, en offrant des actes de foi d'espérance et de charité. En union dans le Sacrifice eucharistique, nous pouvons intercéder pour leur salut éternel, et expérimenter la plus profonde communion, dans l'attente de nous retrouver tous ensemble, et jouir pour toujours de l'amour qui nous a créés et rachetés.
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Liberté religieuse : exercice pratique
Extraits de l'allocution de Benoît XVI lors de la réception du nouvel ambassadeur d'Iran.
La foi dans le Dieu unique doit rapprocher tous les croyants et les inciter à travailler ensemble pour la défense et la promotion des valeurs humaines fondamentales. Parmi les droits universels, la liberté religieuse et la liberté de conscience tiennent une place fondamentale, car elles sont à la source des autres libertés. La défense d'autres droits qui naissent de la dignité des personnes et des peuples, en particulier la promotion de la protection de la vie, de la justice et de la solidarité, doivent aussi être l'objet d'une réelle collaboration. (...)D'autre part, les catholiques sont présents en Iran depuis les premiers siècles du christianisme et ils ont toujours été partie intégrante de la vie et de la culture de la Nation. Cette communauté est réellement iranienne et son expérience séculaire de convivialité avec les croyants musulmans est d'une grande utilité pour la promotion d'une plus grande compréhension et coopération. Le Saint-Siège a confiance que les Autorités iraniennes sauront renforcer et garantir aux chrétiens la liberté de professer leur foi et assurer à la communauté catholique les conditions essentielles pour son existence, notamment la possibilité d'avoir un personnel religieux suffisant et des facilités de déplacement dans le pays pour assurer le service religieux des fidèles.
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Théologie monastique et théologie scolastique
Résumé de la catéchèse de Benoît XVI, hier.
Je voudrais évoquer aujourd'hui le remarquable essor de la théologie au XIIe siècle. Ce développement provenait des monastères et des écoles situées dans les villes, dont certaines deviendront les premières Universités. Ces deux foyers donnèrent naissance à deux manières différentes de faire de la théologie.
La théologie monastique, suscitée par le désir amoureux de Dieu, se développe dans la prière à partir d'une lecture de la Sainte Écriture où l'attention aux mots et aux textes est guidée par la recherche incessante du visage du Christ. La théologie scolastique, elle, se développe par le procédé de la quaestio, c'est-à-dire d'une question à partir de laquelle élèves et professeurs, dans un débat contradictoire, élaborent la réponse la plus synthétique possible. Le recours à la logique au service de la théologie aboutira à l'élaboration d'un langage très technique et le recueil de ces débats donnera naissance aux fameuses Sommes théologiques.
Ces deux chemins théologiques sont nécessaires et se complètent. La théologie scolastique nous rappelle qu'il existe entre la foi et la raison une amitié naturelle, mutuellement bienfaisante. La théologie monastique nous indique que la connaissance de Dieu ne grandit que si la vérité est aimée, faisant de la science théologique, une sagesse du cœur. -
Bartimée
Extrait de l'homélie de Benoît XVI lors de la messe de clôture du synode sur l'Afrique, dimanche dernier.
Le dessein de Dieu ne change pas. À travers les siècles et les bouleversements de l'histoire, Il a toujours le même objectif: le Royaume de la liberté et de la paix pour tous. Et ceci implique sa prédilection pour ceux qui sont privés de liberté et de paix, pour ceux qui sont violés dans leur dignité de personnes humaines. Nous pensons, en particulier, aux frères et aux sœurs qui, en Afrique, souffrent de la pauvreté, des maladies, des injustices, des guerres et des violences, des migrations forcées. Ces fils préférés du Père céleste sont comme l'aveugle de l'Évangile, Bartimée, qui "était assis au bord de la route" (Mc 10, 46), aux portes de Jéricho. C'est sur cette même route que passe Jésus de Nazareth. C'est la route qui conduit à Jérusalem, où se consommera la Pâques, sa Pâques sacrificielle, vers laquelle le Messie s'avance pour nous. C'est la route de son exode qui est aussi le nôtre: l'unique route qui conduit à la terre de la réconciliation, de la justice et de la paix. Sur cette route, le Seigneur rencontre Bartimée qui a perdu la vue. Leurs routes se croisent, deviennent une seule route. "Fils de David, aie pitié de moi!", crie l'aveugle avec confiance. Et Jésus lui dit: "Appelez-le", et il ajoute: "Que veux-tu que je fasse pour toi?". Dieu est lumière et créateur de la lumière. L'homme est fils de la lumière, fait pour voir la lumière, mais il a perdu la vue, et se trouve obligé de mendier. À côté de lui, passe le Seigneur qui s'est fait mendiant pour nous: assoiffé de notre foi et de notre amour. "Que veux-tu que je fasse pour toi?". Dieu le sait, mais il le demande; il veut que ce soit l'homme qui parle. Il veut que l'homme se lève, qu'il retrouve le courage de demander ce qui lui revient du fait de sa dignité. Le Père veut entendre de vive voix son fils exprimer sa libre volonté de voir à nouveau la lumière, cette lumière pour laquelle il l'a créé. "Rabbouni, que je voie". Et Jésus lui dit: "Va, ta foi t'a sauvé. Aussitôt l'homme se mit à voir, et il suivait Jésus sur la route" (Mc 10, 51-52).