L’organisation Pro Civitate Christiana d’Assise est un « laboratoire de la foi et de l’avenir » qui publie notamment une revue intitulée Rocca, connue pour ses positions « progressistes ». Signe des temps, un article du 15 avril de cette année est passé inaperçu, qui affirmait que l’avortement n’était pas un péché s’il était commis pour une « bonne raison » avant le quatrième-cinquième mois de grossesse, parce que jusque-là on ne peut pas parler de personne humaine… Article de Mgr Luigi Bettazzi, évêque d’Ivrée de 1966 à 1999.
Après tout, en Italie on connaît depuis très longtemps les positions, et de l’évêque (qui a maintenant 99 ans), et de la revue d’Assise. Donc on n’y a guère prêté d’attention.
Mais la revue a décidé qu’on n’en resterait pas là. Et dans son numéro du 5 novembre un théologien, Giannino Piana, a repris les arguments de l’évêque, dans un article intitulé « Au cœur du mystère de l’origine de la vie. Quand on devient une personne. »
Giannino Piana, ancien professeur d’éthique à l’université de Turin, est l’auteur de près d’une quarantaine d’ouvrages, dont le plus connu est l’Introduction à l’éthique chrétienne.
Piana reconnaît que la thèse « s’oppose à la doctrine traditionnelle de l’Église », mais, dit-il, « l’authentique tradition chrétienne ne peut pas et ne doit pas être pensée comme un bloc monolithique, qu’il faudrait transmettre de manière momifiée et répétitive ». Parce qu’au contraire « c’est une tradition ouverte et innovative, constamment en croissance » et que « le courage de changer, dans le plein respect de la substance évangélique, est le chemin à suivre pour la rendre plus crédible et universalisable ».
On croirait lire du Bergoglio… Mais ce n’est que le baratin convenu de la clique antichrétienne au pouvoir dans l’Eglise de Rome.
Piana reprend un argument que j’avais déjà vu il y a longtemps, je ne sais plus où : quand Dieu crée l’homme, il façonne son corps avec de la terre, puis il souffle dans ses narines et il devient être vivant. Il y a donc deux temps, et il en est de même dans le ventre de la mère. Mais cet argument ne tient pas une seconde : l’embryon est bel et bien vivant, et même si l’on ose dire que ce n’est qu’un « amas de cellules », ce sont des cellules vivantes… Et qui vivent de leur vie propre.
Piana détermine ensuite quel est donc le moment où le souffle de vie fait une personne humaine de ce qui était « préalable ». En s’appuyant sur « une scientifique moderne », dont il ne dit pas le nom, il affirme que l’on ne peut pas encore parler d’être humain quand les membres sont formés, quand on entend battre le cœur, mais seulement lorsque le fœtus est en mesure de « pouvoir vivre en tant qu’être humain et respirer de manière autonome », ce qui ne se produit qu’à partir du quatrième ou du cinquième mois, « comme Jean-Baptiste qui au sixième mois tressaillait dans le sein d’Elisabeth au salut de Marie ».
Et l’on ose se référer à l’évangile… Mais cet évangile dit le contraire de ce que prétend la « scientifique moderne » citée par Piana : certes c’est au moment de la salutation de Marie que tressaille Jean-Baptiste, mais le contexte (le commentaire d’Elisabeth) montre bien que c’est parce qu’il a reconnu la présence du Seigneur dans le sein de Marie. Le Seigneur qui est alors un embryon de quelques jours à peine. (Et c’est ainsi que l’iconographie l’a toujours compris.)
Piana reprend ensuite l’argumentation de l’évêque sur le « ressenti » de la femme, « caractérisé par une implication existentielle unique » dans la connaissance du « processus humain au cours duquel on devient une personne », que l’on ne peut « nullement enfermer dans des schémas prédéfinis » et qui « se présente comme ouvert de façon pérenne ».
C’est le relativisme et l’individualisme poussés à l’extrême. A leur extrême criminel. Il n’y a plus rien d’objectif. C’est la femme qui décide, selon son ressenti, jusqu’à quel moment son fœtus peut être éliminé parce qu’il n’est pas encore un être humain…
Bref, conclut Piana, ce qui est certain est « qu’il faudrait déplacer bien plus loin le moment où commence la vie personnelle par rapport à l’acte de la fécondation et qu’on ne peut pas parler d’avortement au sens strict si on ne se trouve pas à une distance considérable de cet événement ».
Si Giannino Piana quittait parfois son bureau pour aller dans les lieux où se pratique l’élimination de ce qui est préalable à l’être humain, il découvrirait peut-être (notamment chez lui en Italie) pourquoi de plus en plus de médecins refusent de pratiquer des avortements…