Début du sermon 142.
Vous avez entendu aujourd’hui, mes très chers frères, l’ange qui s’entretenait avec la femme de la réparation du genre humain. Vous avez entendu que son mandat consistait à ce que l’homme retourne à la vie par le même parcours par lequel il avait chuté dans la mort. Il pactise, l’ange, il discute avec Marie au sujet du salut, comme le démon avait trafiqué avec Ève la ruine de l’humanité. Vous avez entendu que, du limon de notre chair, l’ange, avec un art ineffable, construisait le Temple de la divine Majesté. Vous avez entendu que, par un mystère incompréhensible, Dieu était logé sur la terre, et l’homme dans le ciel. Vous avez entendu que, d’une façon inouïe, Dieu et l’homme étaient comme mélangés dans un seul corps. Vous avez entendu que, par l’exhortation angélique, la nature fragile de notre chair a été fortifiée pour porter toute la gloire de la Déité. Et enfin, pour que la terre sablonneuse de notre corps délicat ne succombe pas sous le poids de la Construction céleste érigée en Marie, et pour que ne casse pas la branche fragile qui, dans la vierge, devait porter tout le Fruit du genre humain, la voix de l’ange invite aussitôt Marie à fuir la crainte en disant : Ne crains pas, Marie.
Ne crains pas, Marie. Avant de donner la raison de son ambassade, l’ange proclame la dignité de la vierge en la nommant par son nom : Marie, car en hébreu et en latin, Marie signifie dame. L’ange l’appelle donc madame, pour que l’agitation et le tremblement qui sont le propre de l’esclavage s’éloignent de la mère du Dominateur. Qu’elle ait été dame à sa naissance et qu’elle en ait porté le nom, elle le doit à la dignité royale de ses ancêtres. Ne crains pas, Marie, car tu as trouvé grâce. Il n’est que trop vrai que qui a trouvé la grâce ne saurait craindre. Tu as trouvé la grâce. Auprès de qui ? Auprès de Dieu. Bienheureuse est-elle celle qui, parmi les hommes, a mérité d’entendre ce qui la place avant tous. Tu as trouvé la grâce. En quelle quantité ? Autant qu’il a été dit : la plénitude. Grâce qu’elle ferait pleuvoir avec abondance sur toute créature.
Tu as trouvé grâce auprès de Dieu. En disant cela, l’ange se demande avec émerveillement si la femme est seule à avoir mérité la vie, ou si tous les hommes l’ont méritée par la femme. L’ange est dans la stupeur à la pensée que la totalité de la Divinité descend dans l’exiguïté de l’utérus de la vierge, Elle pour qui tout l’ensemble de la création est un iota. Voilà pourquoi l’ange procède lentement. Il l’appelle vierge parce qu’elle le méritait, il l’interpelle en se référant à la grâce, sans avoir auparavant indiqué à celle qui l’écoutait la raison de sa visite. Il laisse son esprit dans l’attente pour attirer son attention. Considérez, mes frères, quelle révérence et quelle crainte il convient que nous apportions à un tel mystère, quand ce n’est pas sans crainte que l’ange lui-même parle de la crainte à son interlocutrice.