Hier soir, des manifestants ont brûlé des pneus devant le Congrès du Paraguay, puis ont brisé des vitres, sont entrés, ont saccagé des bureaux, et ont mis le feu. La police anti-émeutes est intervenue avec des canons à eau, des grenades lacrymogènes et des balles en caoutchouc. Des dizaines d'émeutiers et de policiers ont été blessés, un manifestant a été tué par balle au siège du parti libéral.
Ces violences, dont les images sont spectaculaires, ont pour motif un vote des sénateurs, qui venaient d’adopter, par 25 voix sur 45, un amendement constitutionnel permettant la réélection du président.
Cet amendement permettrait à l’actuel président, Horacio Cartes, de se représenter, mais aussi à son rival l’ancien président Fernando Lugo, évêque défroqué de gauche. (L’actuelle législation, adoptée « pour empêcher le retour de la dictature », impose un unique mandat.)
On ne peut que remarquer que cette émeute intervient trois jours après la publication par les évêques du Paraguay d’une condamnation virulente du projet d’amendement, au nom de la défense de « l’institution démocratique que nous avons conquise au prix de beaucoup d’engagement et de dévouement après des décennies de dictature »…
Aujourd’hui, la conférence épiscopale demande « à tous, autorités et peuple, de ne pas faire usage de la violence »…
Le président Horacio Cartes est un catholique pratiquant, qui donne l’intégralité de son salaire de président à une institution religieuse s’occupant de malades en phase terminale. Il est, avec son gouvernement, au premier rang des grandes manifestations religieuses. L'une de ses premières mesures a été d'instituer une sorte de RMI pour les plus miséreux. En novembre 2015, face aux pressions internationales pour la légalisation de l’avortement parce qu’une fille de 10 ans était enceinte, il avait refusé toute modification de la loi, et après la naissance de l’enfant il avait dit : « La mère est en vie, et sa fille aussi. A ceux qui voulaient que la fille avorte : deux choses pouvaient arriver, une perdrait à coup sûr la vie, nous aurions pu perdre deux vies. Nous avons fait ce que notre conscience nous dictait, ce que la Constitution ordonne, et ce que nos convictions religieuses commandent. Nous sommes plus de 80% de catholiques au Paraguay. »
Mais le président Horacio Cartes (« le Berlusconi du Paraguay ») est tout ce que François déteste : c’est un richissime homme d’affaires, et il appartient au parti Colorado, le toujours grand parti de droite, qui fut celui de l’ancienne dictature.
En juillet 2015, François était passé au Paraguay et lors de sa « rencontre avec la société civile » il avait accusé l’armée du Paraguay de séquestrer quelqu’un, soulignant que c’était là ce que faisaient « les dictatures du siècle dernier », avant d’évoquer carrément « les camps d’extermination nazis et staliniens ». Et cela en présence d’Horacio Cartes. Or la personne en question était un officier de l’armée du Paraguay séquestré par la guérilla communiste locale…
François n’a jamais fait d’excuses publiques pour cet affront public qui montrait tout le mépris qu’il avait pour le gouvernement catholique du Paraguay. Un mépris que partage entièrement l’épiscopat tout dévoué à François, cet épiscopat même qui a eu, avec la complicité active de François, la peau de l’évêque de Ciudad del Este coupable – lui aussi – d’être pleinement catholique et d'avoir un séminaire pleinement catholique attirant de très nombreux jeunes. (Il paraît qu'au "séminaire national" on enseigne toujours la théologie de la libération...)