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Le blog d'Yves Daoudal - Page 619

  • Bonne année !

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  • Il y a 50 ans (11) : le 1er janvier

    La première question que se posa la commission chargée de la réforme du calendrier liturgique fut de savoir si le jour octave de la Nativité devait être dédié à la mémoire de Marie Mère de Dieu ou à la célébration du Nom de Jésus. La réponse presque unanime des experts (seul Johannes Wagner, responsable de l’Institut liturgique de Trèves, ne vota pas en ce sens) fut que le 1er janvier devait être consacré à Marie parce que la Maternité de Marie était la plus ancienne fête mariale à Rome. Selon le principe des novateurs, qui était de détruire la tradition au nom de ce qui est « le plus ancien ».

    Or, en réalité, il n’y a jamais eu de fête mariale le 1er janvier à Rome.

    Les « experts » avaient pris pour pain bénit ce qui était en fait l’une des deux grandes impostures de dom Bernard Botte, premier directeur de l’Institut supérieur de Liturgie de Paris et (donc) gourou de la réforme liturgique. L’autre imposture de dom Botte, la plus connue, est le soi-disant « canon d’Hippolyte de Rome » (plus exactement anaphore d’Hippolyte), « le plus ancien » puisque datant du IIIe siècle, dont il est prouvé qu’il n’est ni d’Hippolyte, ni du IIIe siècle, ni romain. Mais on continue de le prétendre un peu partout dans l’Eglise, et surtout, comme il est très court, il est devenu la prière eucharistique de très loin la plus utilisée, et même la seule en de nombreux endroits.

    Sans doute dira-t-on une fois de plus que j’exagère, et qu’il ne s’agit pas d’impostures mais d’erreurs. Ce serait le cas si l’on parlait d’un liturgiste amateur dans mon genre. Mais ici on parle d’un des plus éminents liturgistes du XXe siècle. Et quoi qu’il en soit c’est bien une imposture de continuer à parler de l’anaphore d’Hippolyte, comme de continuer de dire que le 1er janvier est la date de la plus ancienne fête mariale à Rome. Il est vrai que Paul VI, sur la foi de ses experts, avait repris l’imposture à son compte dans Marialis cultus : « La solennité de sainte Marie, Mère de Dieu, ainsi placée au 1er janvier selon l’ancienne coutume de la liturgie de Rome ».

    C’est en 1933 que dom Botte avait fait savoir à ses collègues émerveillés qu’il venait de découvrir cette fête mariale. Il en avait même entièrement reconstitué la messe. Dès 1936, le P. Bernhard Opfermann répondait dans la même revue (Ephemerides liturgicae) : « L’hypothèse de B. Botte ne coïncide pas avec les faits. » L’année précédente, le moine de Solesmes dom René-Jean Hesbert avait déjà relevé, de son côté, qu’aucun sacramentaire ni aucun lectionnaire romain ne parle d’une messe mariale le 1er janvier : ils donnent une messe de l’octave de la Nativité. (Pour être précis, comme l’avait signalé dom Hébert, le sacramentaire d’Hadrien a une oraison « mariale »… mais c’est celle du 1er janvier dans la liturgie traditionnelle…, et le sacramentaire indique : « Mense januario in octabas Domii ad sanctam Mariam ad martyres » : au mois de janvier en l’octave du Seigneur, à Sainte-Marie aux martyrs. Car tous les livres indiquent que la messe papale du 1er janvier était célébrée dans cette église consacrée en 609 par Boniface IV. Mais ce n’est pas parce que la première messe de l’année est célébrée dans une église mariale que c’est une messe mariale : l’intitulé le dément clairement. Et l’évangile était déjà – logiquement - celui de la circoncision.)

    Reprenant minutieusement tous les éléments connus du VIIe siècle, dom Jacques-Marie Guilmard, moine de Solesmes, conclut : « La tradition romaine n’a assurément aucun formulaire de chant destiné à une messe mariale pour le 1er janvier. »

    Pour être complet (pour ce qui est de Rome), il faut ajouter que certains manuscrits ajoutent à la messe de l’octave de Noël une messe de sainte Martine, dont le culte a été introduit par le pape Donus (676-678). L’un de ces manuscrits (K, vers 800) a « scae Mariae » au lieu de « natale scae Martinae » : il s’agit évidemment d’une erreur (l’évangile est celui des vierges sages et des vierges folles).

    Mais cette erreur va faire florès de l’autre côté des Alpes : on trouve en Gaule au VIIIe siècle trois antiphonaires « romano-francs » qui donnent pour le 1er janvier un « natale sanctae Mariae », avec un formulaire de messe des vierges, donc effectivement marial.

    On note qu’a été gardé le mot « natale », qui indique a priori  la mort d’un martyr, en l’occurrence de sainte Martine… Mais les sacramentaires grégoriens ont pour le 13 mai « natale sanctae Mariae ad martyres ». Ici « natale » a le sens d’anniversaire de la consécration de l’église (et la messe est celle des martyrs). Ce qui a renforcé la confusion romano-franque.

    Mais, même en Gaule, cette fête ne se trouve que dans trois antiphonaires et dans aucun autre livre liturgique (sacramentaire, évangéliaire), et elle ne franchira pas le siècle suivant…

  • Octave de la Nativité

    Les antiennes des offices du jour sont un des plus purs chefs d’œuvre de la liturgie latine. Les voici chantées en 1956 par les cisterciens de l’abbaye de Gethsémani (pas à Jérusalem, mais dans le Kentucky, fondation de Melleray en 1848).


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    O admirabile commercium: Creator generis humani animatum corpus sumens, de Virgine nasci dignatus est: et procedens homo sine semine, largitus est nobis suam Deitatem.

    O commerce admirable. Le Créateur du genre humain prenant un corps et une âme, a daigné naître de la Vierge, et, devenu homme sans semence, il nous a fait part de sa divinité.


    podcast

    Quando natus es ineffabiliter ex Virgine, tunc impletæ sunt Scripturæ: sicut pluvia in vellus descendisti, ut salvum faceres genus humanum: te laudamus Deus noster

    Quand vous naquîtes ineffablement d’une Vierge, alors s’accomplirent les Écritures. Comme la rosée sur la toison, vous descendîtes pour sauver le genre humain. Nous vous louons, ô notre Dieu!


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    Rubum quem viderat Moyses incombustum, conservatam agnovimus tuam laudabilem virginitatem: Dei Genitrix, intercede pro nobis.

    En ce buisson que vit Moïse et qui brûlait sans se consumer, nous voyons l’image de votre glorieuse virginité : Mère de Dieu, intercédez pour nous.


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    Germinavit radix Jesse, orta est stella ex Jacob: Virgo peperit Salvatorem: te laudamus Deus noster

    La tige de Jessé a fleuri ; l’étoile est sortie de Jacob ; la Vierge a enfanté le Sauveur. Nous vous louons, ô notre Dieu !


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    Ecce Maria genuit nobis Salvatorem, quem Joannes videns exclamavit, dicens: Ecce Agnus Dei, ecce qui tollit peccata mundi, alleluia.

    Voici que Marie nous a enfanté le Sauveur, à la vue duquel Jean s’est écrié : Voici l’Agneau de Dieu, voici celui qui ôte les péchés du monde, alléluia.

  • Icônes des rues

    Jusqu'ici je ne connaissais que celle de Bethléem, sur le mur de la honte.

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    Mais un groupe d'artistes russes sont en train d'en peindre un peu partout dans leur pays...

  • 7e jour dans l’octave

    En ce jour, dans l'Année liturgique, dom Guéranger donne la séquence suivante, qu’il présente ainsi : « Célébrons encore la joyeuse Naissance, en empruntant à nos anciens Missels Romains-Français cette antique Prose, où respire la piété des siècles de foi. » Le site Cantus nous montre que cette pièce était très répandue, et chantée le plus souvent à la messe de minuit (il y a "nocte media" dans le texte), mais aussi en un certain nombre d’endroits à la messe de l’octave de Noël.

    Nato canunt omnia
    Domino pie agmina,

    Au Seigneur nouveau-né, tous les êtres en chœur chantent un pieux hommage.

    Syllabatim neumata
    Perstringendo organica.

    Chaque parole a pour accord la mélodie de l’orgue. (1)

    Haec dies sacrata
    In qua nova sunt gaudia
    Mundo plene dedita.

    Jour sacré, dans lequel des joies nouvelles sont accordées au monde avec plénitude.

    Hac nocte praecelsa
    Intonuit et Gloria,
    In voce angelica.

    En cette nuit sublime, le Gloire à Dieu a retenti par la voix des Anges.

    Fulserunt immania,
    Nocte media,
    Pastoribus lumina.

    Au milieu de la nuit, des clartés inouïes ont éclaté aux yeux des bergers.

    Dum fovent sua pecora,
    Subito divina
    Percipiunt monita :

    Pendant qu’ils gardent leurs troupeaux, soudain ils entendent le message divin :

    Est immensa
    In coelo gloria,
    Pax et in terra:

    Au ciel, gloire immense, et paix sur la terre.

    Natus alma Virgine
    Qui exstat ante saecula.

    Il est né de la Vierge féconde, Celui qui est avant les siècles.

    Sic ergo coeli caterva
    Altissime jubila,

    Donc, milice des cieux, éclate dans les plus bruyants transports.

    Ut tanto canore tremat alma
    Poli machina.

    A ces cris de triomphe, que le monde et ses pôles soient ébranlés.

    Confracta sunt imperia
    Hostis crudelissima.

    Brisé est le sceptre oppresseur de l’ennemi.

    Humana concrepant cuncta
    Deum natum in terra.

    L’humanité tout entière célèbre le Dieu né en terre.

    Pax in terra reddita,
    Nunc laetentur omnia
    Nati per exordia.

    La paix est rendue à la terre ; que tout se réjouisse de la naissance de cet enfant.

    Sonet et per omnia
    Hac in die gloria,
    Voce clara reddita.

    En ce jour que tout rende gloire, d’une voix mélodieuse et retentissante.

    Solus qui tuetur omnia,
    Solus qui gubernat omnia,

     Seul, il protège toutes choses ; seul, il gouverne tout ;

    Ipse sua pietate
    Salvet omnia
    Pacata regna Amen.

    Dans sa bonté, qu’il daigne sauver tous les royaumes, et qu’il les pacifie. Amen.

    (1) La traduction de dom Guéranger est ici certainement fautive. Le mot « organum », d’où vient le mot « organicus », désigne d’abord tout instrument à vent, puis l’orgue. Mais au moyen âge il désigne la toute première technique polyphonique. Et c’est de cela qu’il est question ici, comme l’a montré la spécialiste Sarah Fuller (dans la New Oxford History of music), et comme l’indique explicitement le « Novum glossarium mediae Latinitiatis » (Pr. Yves Lefèvre) en citant plusieurs sources. La séquence demande donc que tout le monde, toute la création, chante la Nativité par des « neumes » qui respectent les principes harmoniques de l’organum (syllabatim: syllabe contre syllabe, c'est-à-dire note contre note), au sens large, évidemment, et notre mot harmonieux s’impose (et on peut le supprimer dans la strophe antépénultième).

  • Reconquête N° 363

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  • 6e jour dans l’octave

    On retrouve aujourd’hui la liturgie de Noël. C’est l’occasion par exemple d’entendre l’invitatoire des matines et son psaume 94. Le voici par les moines d’Encalcat, en 1960 (ils chantent la première et la quatrième strophe, et la doxologie).


    podcast

    Christus natus est nobis: Veníte, adorémus.

    Veníte, exsultémus Dómino, jubilémus Deo, salutári nostro: præoccupémus fáciem ejus in confessióne, et in psalmis jubilémus ei.

    Christus natus est nobis: Veníte, adorémus.

    Hódie, si vocem ejus audiéritis, nolíte obduráre corda vestra, sicut in exacerbatióne secúndum diem tentatiónis in desérto: ubi tentavérunt me patres vestri, probavérunt et vidérunt ópera mea.

    Veníte, adorémus.

    Glória Patri, et Fílio, et Spirítui Sancto, sicut erat in princípio, et nunc, et semper, et in sǽcula sæculórum. Amen.

    Christus natus est nobis: Veníte, adorémus.

    Le Christ nous est né, Venez, adorons-le.

    Venez, chantons avec allégresse au Seigneur, faisons monter l'expression d'une joie vers Dieu, notre salut. Hâtons-nous de nous présenter devant Lui avec des louanges et, dans des Psaumes célébrons Sa gloire.

    Le Christ nous est né, Venez, adorons-le.

    Aujourd'hui, si vous entendez Sa voix, n'endurcissez pas vos cœurs, comme il arriva à vos pères dans l'exaspération au jour de la tentation dans le désert, alors qu'ils Me tentèrent, M'éprouvèrent et virent mes œuvres.

    Venez, adorons-le.

    Gloire au Père, au Fils, et au Saint-Esprit, comme il était au commencement, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

    Le Christ nous est né, Venez, adorons-le.

  • Dimanche dans l’octave de la Nativité

    Le sublime offertoire de la messe de ce jour a déjà été chanté à Noël, à la messe de l’aurore. Autant dire qu’il n’a été entendu à peu près par personne. Voici donc l’occasion de savourer ce chant d’éternité, qui célèbre, extatique, le trône éternel de Dieu.

    Deus firmávit orbem terræ, qui non commovébitur : paráta sedes tua, Deus, ex tunc, a sǽculo tu es.

    Dieu a affermi le globe de la terre qui ne sera point ébranlé : votre trône, ô Dieu, est établi dès lors ; vous êtes de toute éternité.

  • ✝︎ Peter Schreier ✝︎

    Il est mort le jour de Noël, lui qui avait si souvent chanté l’Oratorio de Noël de Bach.


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    Vous pouvez me menacer, fiers ennemis, comment pourriez-vous m’effrayer ? Mon trésor, mon bien-aimé est près de moi…

    Il avait été repéré par Rudolf Mauersberger au sein du Chœur d’enfants de la Sainte-Croix de Dresde, et un disque entier témoigne encore de l’exceptionnelle maîtrise vocale et musicale dont faisait preuve cet enfant. Et c’est pour lui que Mauersberger composa plusieurs pages, dont les solos de son beau et tragique Requiem de Dresde

    Ici dans Es ist vollbracht de la Passion selon saint Matthieu.


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    Il est rarissime qu’un enfant très doué devienne un grand chanteur après la mue. Peter Schreier est l’exception. Il va devenir le grand évangéliste et le grand ténor des oratorios et cantates de Bach. Et aussi le grand ténor des opéras de Mozart.

    Et aussi… on n’en finirait pas, car il a tout interprété du répertoire pour ténor, et toujours de façon exceptionnelle.

    Le plus exceptionnel de ses enregistrements demeure peut-être ce chef-d’œuvre absolu de l’histoire du disque qu’est son interprétation du Voyage d’hiver de Schubert, avec au piano un Sviatoslav Richter lui aussi particulièrement inspiré, le 17 février 1985… à Dresde.


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  • Les Saints Innocents

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    Fra Angelico

    Préface du missel ambrosien, qui se trouve également dans le sacramentaire léonien. Traduction dom Guéranger.

    Vere dignum et justum est, aequum et salutare: nos in pretiosa morte parvulorum te, sancte Pater omnipotens, gloriosius collaudare: quos propter Filii tui Domini nostri Salvatoris infantiam immani saevitia Herodes funestus occidit: immensa clementiae tuae dona cognoscimus. Fulget namque sola magis gratia, quam voluntas: et clara est prius confessio, quam loquela. Ante passio, quam membra passionis existerent: testes Christi, qui ejus nondum fuerant agnitores, O infinita benignitas Omnipotentis: cum pro suo nomine trucidatis, etiam nescientibus, aeternae meritum glorias perire non patitur; sed proprio cruore perfusis et salus regenerationis expletur et imputatur corona martyrii !

    C’est une chose digne et juste, équitable et salutaire, de vous rendre gloire, Père tout-puissant, dans la mort précieuse des enfants que la barbarie farouche du cruel Hérode a massacrés, à l’occasion de l’enfance de notre Seigneur et Sauveur votre Fils ; car vous nous y avez manifesté l’immensité des dons de votre clémence. En effet, votre grâce brille en eux plus que leur volonté ; et leur confession éclate déjà quand leur bouche n’a pas parlé encore ; leur Passion précède le développement des membres dans lesquels ils l’ont soufferte ; ils rendent témoignage au Christ, avant même de l’avoir reconnu. O bénignité infinie, qui ne veut pas frustrer du mérite de la gloire ceux qui, pour son Nom, furent immolés, et qui ne le surent pas : en sorte que, par l’effusion de leur sang, le salut de la régénération leur est octroyé, et en même temps, leur est imputée la couronne du martyre !