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Il y a 50 ans (11) : le 1er janvier

La première question que se posa la commission chargée de la réforme du calendrier liturgique fut de savoir si le jour octave de la Nativité devait être dédié à la mémoire de Marie Mère de Dieu ou à la célébration du Nom de Jésus. La réponse presque unanime des experts (seul Johannes Wagner, responsable de l’Institut liturgique de Trèves, ne vota pas en ce sens) fut que le 1er janvier devait être consacré à Marie parce que la Maternité de Marie était la plus ancienne fête mariale à Rome. Selon le principe des novateurs, qui était de détruire la tradition au nom de ce qui est « le plus ancien ».

Or, en réalité, il n’y a jamais eu de fête mariale le 1er janvier à Rome.

Les « experts » avaient pris pour pain bénit ce qui était en fait l’une des deux grandes impostures de dom Bernard Botte, premier directeur de l’Institut supérieur de Liturgie de Paris et (donc) gourou de la réforme liturgique. L’autre imposture de dom Botte, la plus connue, est le soi-disant « canon d’Hippolyte de Rome » (plus exactement anaphore d’Hippolyte), « le plus ancien » puisque datant du IIIe siècle, dont il est prouvé qu’il n’est ni d’Hippolyte, ni du IIIe siècle, ni romain. Mais on continue de le prétendre un peu partout dans l’Eglise, et surtout, comme il est très court, il est devenu la prière eucharistique de très loin la plus utilisée, et même la seule en de nombreux endroits.

Sans doute dira-t-on une fois de plus que j’exagère, et qu’il ne s’agit pas d’impostures mais d’erreurs. Ce serait le cas si l’on parlait d’un liturgiste amateur dans mon genre. Mais ici on parle d’un des plus éminents liturgistes du XXe siècle. Et quoi qu’il en soit c’est bien une imposture de continuer à parler de l’anaphore d’Hippolyte, comme de continuer de dire que le 1er janvier est la date de la plus ancienne fête mariale à Rome. Il est vrai que Paul VI, sur la foi de ses experts, avait repris l’imposture à son compte dans Marialis cultus : « La solennité de sainte Marie, Mère de Dieu, ainsi placée au 1er janvier selon l’ancienne coutume de la liturgie de Rome ».

C’est en 1933 que dom Botte avait fait savoir à ses collègues émerveillés qu’il venait de découvrir cette fête mariale. Il en avait même entièrement reconstitué la messe. Dès 1936, le P. Bernhard Opfermann répondait dans la même revue (Ephemerides liturgicae) : « L’hypothèse de B. Botte ne coïncide pas avec les faits. » L’année précédente, le moine de Solesmes dom René-Jean Hesbert avait déjà relevé, de son côté, qu’aucun sacramentaire ni aucun lectionnaire romain ne parle d’une messe mariale le 1er janvier : ils donnent une messe de l’octave de la Nativité. (Pour être précis, comme l’avait signalé dom Hébert, le sacramentaire d’Hadrien a une oraison « mariale »… mais c’est celle du 1er janvier dans la liturgie traditionnelle…, et le sacramentaire indique : « Mense januario in octabas Domii ad sanctam Mariam ad martyres » : au mois de janvier en l’octave du Seigneur, à Sainte-Marie aux martyrs. Car tous les livres indiquent que la messe papale du 1er janvier était célébrée dans cette église consacrée en 609 par Boniface IV. Mais ce n’est pas parce que la première messe de l’année est célébrée dans une église mariale que c’est une messe mariale : l’intitulé le dément clairement. Et l’évangile était déjà – logiquement - celui de la circoncision.)

Reprenant minutieusement tous les éléments connus du VIIe siècle, dom Jacques-Marie Guilmard, moine de Solesmes, conclut : « La tradition romaine n’a assurément aucun formulaire de chant destiné à une messe mariale pour le 1er janvier. »

Pour être complet (pour ce qui est de Rome), il faut ajouter que certains manuscrits ajoutent à la messe de l’octave de Noël une messe de sainte Martine, dont le culte a été introduit par le pape Donus (676-678). L’un de ces manuscrits (K, vers 800) a « scae Mariae » au lieu de « natale scae Martinae » : il s’agit évidemment d’une erreur (l’évangile est celui des vierges sages et des vierges folles).

Mais cette erreur va faire florès de l’autre côté des Alpes : on trouve en Gaule au VIIIe siècle trois antiphonaires « romano-francs » qui donnent pour le 1er janvier un « natale sanctae Mariae », avec un formulaire de messe des vierges, donc effectivement marial.

On note qu’a été gardé le mot « natale », qui indique a priori  la mort d’un martyr, en l’occurrence de sainte Martine… Mais les sacramentaires grégoriens ont pour le 13 mai « natale sanctae Mariae ad martyres ». Ici « natale » a le sens d’anniversaire de la consécration de l’église (et la messe est celle des martyrs). Ce qui a renforcé la confusion romano-franque.

Mais, même en Gaule, cette fête ne se trouve que dans trois antiphonaires et dans aucun autre livre liturgique (sacramentaire, évangéliaire), et elle ne franchira pas le siècle suivant…

Commentaires

  • Excellent rappel la technique de l'archéologisme, condamnée par Pie XII, a fait des merveilles. Comme tous les théologiens de la nouvelle théologie aussi condamnés qui devinrent experts du concile et même cardinaux, il n'y a que les autruchiens pour refuser le réel. Bonne et Sainte Année

  • Dom Bernard Botte (1893-1980) fut le 'relator' du "groupe d'étude 20" du Consilium, chargé de la révision de la première partie du Pontifical Romain, où se trouvait le rituel des ordinations.

    C'est à lui que l'on doit le rituel de l'ordination épiscopale de 1968. Ce rituel, complètement nouveau, est tiré de la 'Tradition d'Hippolyte', publiée par le même Dom Botte (SC 11bis [1946]) et retravaillée par ce groupe...

    On comprend, à lire votre note, les doutes sérieux qui se sont élevés contre ce nouveau rituel.

  • Doutes sérieux et fondés, et donc rejet puisqu'en matière de sacrements il faut être tutioriste. Celui qui a étudié la réforme anglicane de Cranmer a beaucoup de mal à ne pas faire le rapprochement...

  • Cependant Dom Guéranger nous dit : "Mais ce jour n’est pas seulement consacré à honorer la Circoncision de Jésus ; le mystère de cette Circoncision fait partie d’un plus grand encore, celui de l’Incarnation et de l’Enfance du Sauveur ; mystère qui ne cesse d’occuper l’Église, non seulement durant cette Octave, mais pendant les quarante jours du Temps de Noël. D’autre part, l’imposition du nom de Jésus doit être glorifiée par une solennité particulière, que nous célébrerons demain (ou le dimanche entre le 2 et le 5 janvier). Cette grande journée offre place encore à un autre objet digne d’émouvoir la piété des fidèles. Cet objet est Marie, Mère de Dieu. Aujourd’hui, l’Église célèbre spécialement l’auguste prérogative de cette divine Maternité, conférée à une simple créature, coopératrice du grand ouvrage du salut des hommes.

    Autrefois la sainte Église Romaine célébrait deux Messes au premier janvier : l’une pour l’Octave de Noël, l’autre en l’honneur de Marie. Depuis, elle les a réunies en une seule, de même qu’elle a mélangé dans le reste de l’Office de ce jour les témoignages de son adoration envers le Fils, aux expression- de son admiration et de sa tendre confiance envers la Mère.

    Pour payer son tribut d’hommages à celle qui nous adonné l’Emmanuel, l’Église Grecque n’attend pas le huitième jour de la Naissance de ce Verbe fait chair. Dans son impatience, elle consacre à Marie le propre lendemain de Noël, le 26 décembre, sous le titre de Synaxe de la Mère de Dieu, réunissant ces deux solennités en une seule, en sorte qu’elle n’honore saint Étienne que le 27 décembre...."

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