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saints - Page 17

  • Saint Hyacinthe

    Polonais de Silésie, Hyacinthe fit son noviciat dominicain sous la houlette de saint Dominique en personne, et il retourna en Pologne fonder des couvents et mener de grandes campagnes d’évangélisation jusqu’en Prusse orientale et en Russie.

    Favorisé de plusieurs apparitions ou monitions de la Vierge, il mourut à Cracovie le jour de l’Assomption 1257.

    Il avait une immense réputation de thaumaturge, et son culte commença dès après sa mort. Mais il ne fut canonisé qu’en 1594. Il est le saint patron du diocèse de Cracovie.

    On le représente avec un ciboire et une statue de la Vierge. Cette iconographie fait référence à l’un des innombrables épisodes miraculeux de sa vie (dont il est impossible de démêler ceux qui sont vrais et ceux que la ferveur populaire a généreusement ajoutés) : les Tatars envahissant sa mission en Ukraine, il prit le ciboire pour empêcher la profanation des hosties. Alors qu’il s’enfuyait, il entendit une voix qui venait de la statue de la Sainte Vierge et lui demandait de la prendre aussi. Or cette grande statue de marbre ne pouvait pas être déplacée par un homme seul. Saint Hyacinthe la prit sans y penser, et l’emporta jusqu’à Cracovie comme si elle ne pesait rien.

    On se demandera comment il se fait qu’on ne rencontre jamais de Polonais qui s’appellent Hyacinthe, alors que le saint est si populaire. C’est qu’en Pologne il est connu sous le nom de Jacek. De même saint Adalbert, qui est l’un de saints patrons de la Pologne (et de Bohême) est Wojciech (Vojtech en Bohême).

  • Saint Joachim ?

    Dans le nouveau calendrier, le 16 août est, sans surprise, un jour « ordinaire ».

    Dans le calendrier « selon le missel de Jean XXIII », c’est la fête de saint Joachim.

    Jusqu’à l’étonnant décret de Pie XII supprimant toutes les octaves en dehors de Noël, Pâques et la Pentecôte, c’était le deuxième jour dans l’octave de l’Assomption.

    C’est saint Pie X, d’après ce que je lis dans un missel, qui transféra la fête de saint Joachim du 20 mars au 16 août (mais les bénédictins continuèrent de fêter saint Joachim en même temps que sainte Anne le 26 juillet). Il s’agissait d’associer le père de la Sainte Vierge à son triomphe, un peu sur le modèle de la tradition byzantine, qui célèbre le lendemain d’une grande fête le protagoniste principal du mystère. Mais saint Joachim n’est pas le protagoniste principal de l’Assomption. Il pourrait être fêté après la Nativité de la Vierge, et la liturgie byzantine fait précisément mémoire de sainte Anne et saint Joachim le 9 septembre, mais l’Assomption n’a d’autre protagoniste que la Sainte Trinité.

    C’est pourquoi dans le calendrier byzantin il n’y a pas, le 16 août, de fête en rapport avec la Dormition. Sinon la Dormition elle-même, qu’on continue de célébrer pendant une « après-fête » qui en Orient dure neuf jours (huit jours plus le jour de clôture de la fête).

    Mais les Byzantins célèbrent par ailleurs, en ce 16 août, la « translation de l’image de Notre Seigneur, Dieu et Sauveur Jésus-Christ » d’Edesse à Constantinople en 944 : l’image « non faite de main d’homme », que les Orientaux appellent le mandylion, et qui est selon toute vraisemblance le « Saint Suaire », le Linceul de Turin.

    Si l’Eglise romaine décidait de célébrer le « Saint Suaire » (et ce serait pour le moins une bonne idée), elle pourrait ainsi prendre cette même date du 16 août, qui convient parfaitement. Car le Linceul de Turin est un éloquent témoignage de la résurrection du Christ, comme par son Assomption la Mère de Dieu témoigne elle aussi de la réalité de la résurrection.

    Enfin, je n’oublie pas que pour les Bretons le 16 août est la fête de saint Armel (par un clin d’œil de la Providence, c’est en même temps la fête et l’anniversaire de mon fils, né en un temps où je ne me préoccupais pas du tout du calendrier liturgique).

  • Saint Maximilien Kolbe

    Le 17 février 1941, le Père Maximilien Kolbe est arrêté par les Allemands et conduit en prison à Varsovie. Le 28 mai, il est transféré à Auschwitz dans un convoi de 320 autres prisonniers.

    Les prêtres, « êtres inutiles et parasites de la société », étaient affectés aux travaux les plus durs. L’évidente sainteté du P. Kolbe excitait les gardiens à multiplier les cruautés les plus sadiques à son égard. Et lui ne perdait jamais une occasion de réconforter ses compagnons, de prêcher. Il réussit même à dire deux fois la messe et à donner la communion à une trentaine de prisonniers.

    Un jour qu’on ne peut déterminer avec certitude, entre le 30 juillet et le 2 août, le commandant du camp désigne dix otages en représailles de l’évasion d’un prisonnier. L’un des dix, tout proche du P. Maximilien, évoque ses enfants qu’il ne reverra plus. Le religieux ose sortir du rang et se plante devant le commandant. — Qui es-tu ? lui demande–t-il. — Je suis un prêtre catholique, et je veux prendre la place de cet homme. Le commandant ricane et accepte. Les dix sont conduits au bloc de la mort, où l’on ne meurt pas « de faim et de soif », contrairement à ce qu’on lit trop souvent, mais de soif, et la précision est importante. Car on peut survivre longtemps sans manger, et l’on meurt lentement d’inanition, alors qu’on ne survit que quelques jours sans boire, et l’on meurt dans d’atroces souffrances.

    Ce bloc de la mort, le sous-sol du bloc 11, est pour cette raison un lieu où l’on n’entend que cris et gémissements. Le P. Maximilien va en faire un lieu où l’on n’entend que prières et cantiques, à la stupéfaction des gardiens, dont l’un témoignera : « J’avais l’impression d’être à l’église. » Le 14 août, il ne reste que quatre survivants, dont le P. Maximilien. Ils sont achevés d’une piqûre de phénol. C’est la veille de l’Assomption de l’Immaculée, dont le P. Kolbe a scruté le mystère toute sa vie.

  • Saint Hippolyte

    Hippolyte, après avoir enseveli le corps de saint Laurent, vint à sa maison, et en donnant la paix à ses esclaves et à ses servantes, il les communia tous du sacrement de l’autel que le prêtre Justin avait offert. Et quand on eut mis la table, avant qu'ils eussent touché aux mets, vinrent des soldats qui l’enlevèrent, et le menèrent au César. Quand Dèce le vit, il lui dit en souriant : « Est-ce que tu es devenu magicien aussi, toi, qui as enlevé le corps de Laurent. » Hippolyte lui répondit : « Je n'ai pas fait cela comme magicien, mais en qualité de chrétien. » Alors Dèce rempli de fureur commanda qu'on le dépouillât de l’habit qu'il portait en sa qualité de chrétien, et qu'on lui meurtrît la bouche à coups de pierres. Hippolyte lui dit : « Tu ne m’as pas dépouillé, mais tu m’as mieux vêtu. » Dèce lui répliqua : « Comment es-tu devenu fou au point de ne pas rougir de ta nudité ? Sacrifie donc maintenant et tu vivras au lieu de périr avec ton Laurent. » « Que ne mérité-je, reprit Hippolyte, de devenir l’imitateur du bienheureux Laurent dont tu as osé prononcer le nom de ta bouche impure ! » Alors Dèce le fit fouetter et déchirer avec des peignes de fer. Pendant ce temps-là, Hippolyte confessait à haute voix qu'il était chrétien ; et comme il se riait des tourments qu'on lui infligeait, Dèce le fit revêtir des habits de soldat qu'il portait auparavant, en l’exhortant à rentrer dans son amitié et à reprendre son ancienne profession de militaire. Et comme Hippolyte lui disait qu'il était le soldat de Jésus-Christ, Dèce outré de colère le livra au préfet Valérien avec ordre de se saisir de tous ses biens et de le faire périr dans les tourments les plus cruels. On découvrit aussi que tous ses gens étaient chrétiens ; alors on les amena devant Valérien. Comme on les contraignait de sacrifier, Concordia, nourrice d'Hippolyte, répondit pour tous les autres : « Nous aimons mieux mourir chastement avec le Seigneur notre Dieu que de vivre dans le désordre. » Valérien dit: « Cette race d'esclaves ne se corrige qu'avec les supplices. » Alors en présence d'Hippolyte rempli de joie, il ordonna qu'on la frappât avec des fouets garnis de plombs jusqu'à ce qu'elle rendît l’esprit : « Je vous rends grâces, , Seigneur, dit Hippolyte, de ce que vous avez envoyé ma nourrice la première dans l’assemblée des saints. » Ensuite Valérien fit mener Hippolyte avec les gens de sa maison hors de la porte de Tibur. Or, Hippolyte les raffermissait tous : « Mes frères, leur disait-il, ne craignez rien, parce que vous et moi, nous avons un seul Dieu. » Et Valérien ordonna de leur couper la tête à tous sous les yeux d'Hippolyte, et ensuite il le fit lier par les pieds au cou de chevaux indomptés afin qu'il fût traîné à travers les ronces et les épines, jusqu'au moment où il rendit l’âme. Le prêtre Justin put soustraire leurs corps et les ensevelir à côté de celui de saint Laurent.

    (Légende dorée)

  • Saint Laurent

    Peu après avoir retrouvé l’Eglise, à la fin des années 70, j’allais assez régulièrement dans un monastère, et je déjeunais avec les moines. Il se trouva qu’une de ces visites eut lieu un 10 août, jour de la fête de saint Laurent. Au début du repas était lu le martyrologe, et, ô surprise, j’appris alors que saint Laurent n’était pas mort sur un gril et d’ailleurs qu’on ne savait presque rien de lui.

    Les experts en démolition de l’Eglise et de la liturgie avaient en effet décrété, non seulement que le récit du martyre de saint Laurent avait été inventé bien après coup (air connu), mais qu’en outre il était impossible qu’il ait subi le martyre sur un gril, car les Romains ne pratiquaient pas ce supplice.

    C’est toujours ce qu’on peut lire sur des sites catholiques.

    Il est vrai que la « Passion du bienheureux martyr Laurent » a été écrite par le poète Prudence plus d’un siècle après les faits. Et c’est dans ce texte qu’on lit notamment que saint Laurent fut grillé sur une « catasta », autrement dit un lit de fer sous lequel on allumait un feu, et dont Anthony Rich, dans son Dictionnaire des antiquités romaines et grecques, affirmait qu’il était quelquefois utilisé pour torturer des criminels, ou brûler des martyrs.

    Pourquoi Prudence aurait-il inventé un supplice, alors qu’il était lu par des gens qui étaient encore des Romains et pouvaient lui faire remarquer que son imagination desservait quelque peu son désir de répandre la vérité ?

    Et en quoi le fait de ne pas avoir de texte antérieur à celui de Prudence est-il une preuve que tout a été inventé ? Que fait-on de la tradition orale ?

    Si l’on en croit ces experts, ou leurs collègues spécialistes de la Bible , l’évangile que l’on croyait être de saint Jean aurait été écrit à peu près 100 ans après la vie de Jésus. Veulent-ils dire que tout ce qui est dans cet évangile (ou du moins qui ne se trouve pas aussi dans les autres) est inventé ? Curieux catholiques que voilà.

    Toutefois, quelques années après que j’eus appris que saint Laurent n’était pas mort sur un gril, je retournai au même monastère, encore un 10 août. Et là, nouvelle surprise : saint Laurent était mort sur un gril.

    Allez comprendre...

  • Sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix

    « Dès à présent, j’accepte avec joie la mort que Dieu m’a destinée, dans une parfaite soumission à sa très sainte volonté. Je prie le Seigneur qu’il accepte, pour sa gloire et glorification, et ma vie et ma mort pour toutes les intentions de l’Eglise, pour l’expiation de l’incroyance du peuple juif, et qu’ainsi le Seigneur soit accueilli chez les siens, et que son royaume advienne en toute gloire, pour le salut de l’Allemagne et la paix sur la terre. »

    (Edith Stein, Testament, 9 juin 1939)

  • Saint Jean-Marie Vianney

    Ainsi donc le Christ s’est bien arrêté ici, à Ars, au temps où Jean-Marie Vianney y était curé.

    Oui, il s’est arrêté. II a vu “les foules” des hommes et des femmes du siècle dernier qui “étaient fatiguées et abattues, comme des brebis sans berger”.

    Le Christ s’est arrêté ici comme le Bon Pasteur. « Un bon pasteur, un pasteur selon le cœur de Dieu, disait Jean-Marie Vianney, c’est 1à le plus grand trésor que le Bon Dieu puisse accorder à une paroisse et un des plus précieux dons de la miséricorde divine. »

    Et de ce lieu, le Christ a dit à ses disciples, comme autrefois en Palestine, il a dit à toute l’Eglise qui est en France, à l’Eglise répandue par toute la terre: « La moisson est abondante et les ouvriers sont peu nombreux. Priez donc le Maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa moisson. »

    Aujourd’hui, il le dit pareillement, car les besoins sont immenses, pressants.

    Les évêques, successeurs des Apôtres, le successeur de Pierre, voient plus que d’autres l’ampleur de la moisson, avec les promesses d’un renouveau, et aussi la misère des âmes abandonnées à elles-mêmes, sans ouvriers apostoliques.

    Les prêtres ont une vive conscience de ce besoin, eux qui voient en maints endroits leurs rangs clairsemés, et qui attendent l’engagement de plus jeunes dans le sacerdoce ou la vie religieuse.

    Les laïcs, les foyers en sont tout autant convaincus, eux qui comptent sur le ministère du prêtre pour nourrir leur foi et stimuler leur vie apostolique.

    Les enfants et les jeunes le savent bien, eux qui ont besoin du prêtre pour devenir des disciples de Jésus, et peut-être partager sa joie de se consacrer entièrement au service du Seigneur, à sa moisson,

    Et nous tous, qui sommes réunis ici, après avoir médité sur la vie et le service de saint Jean-Marie Vianney, Curé d’Ars, cet “ouvrier” insolite de la moisson où s’opère le salut des hommes,

    nous élevons une supplication instante vers le Maître de la moisson,

    nous prions pour la France, pour l’Eglise à travers le monde entier:

    envoie des ouvriers dans ta moisson !

    envoie des ouvriers !

    (Jean-Paul II, homélie à Ars, 6 octobre 1986)

  • Saint Laurent de Brindes

    Saint Laurent de Brindes (Brindisi), capucin, gravit tous les degrés de son ordre jusqu’au sommet. Il était doté d’une mémoire exceptionnelle et maîtrisait 7 langues : latin, grec, syriaque, hébreu, italien, allemand et français. Il a participé à la Réforme catholique en Autriche et en Bohême où il a fondé des couvents. Il a écrit une dissertation dogmatique sur Luther, un commentaire de la Genèse , et 840 sermons. Canonisé par Léon XIII, il a été proclamé docteur de l’Eglise par Jean XXIII, qui lui a donné le titre de « docteur apostolique ».

    Il fut chargé par les papes de plusieurs importantes missions diplomatiques. En 1601, Clément VIII l’envoie à l’empereur Rodolphe II, commandant en chef des forces catholiques contre les Turcs, en lui disant : « Ce capucin, animateur spirituel, vaut une armée entière. » Effectivement, promu aumônier des troupes impériales, il devient le plus puissant soutien de Philippe Emmanuel de Lorraine, duc de Mercoeur. Combattant à un contre cinq, les forces anti-ottomanes, galvanisées par leur chapelain, écrasent les Turcs à Szekes-Fejerdars, près d'Albe-Royale, en Hongrie. Au plus fort de l'engagement, saint Laurent, un moment cerné par l'ennemi, est dégagé par ses compagnons de lutte : « Votre place n'est pas ici », lui crient-ils. « Vous vous trompez, répond-il, c'est bien ici que, de par Dieu, je dois être. En avant ! La victoire est à nous ! »

  • Saint Jérôme Emilien

    Dieu, père des miséricordes, qui avez voulu que saint Jérôme Emilien devienne le secours et le père des orphelins, par ses mérites et son intercession, faites que nous gardions fidèlement l’esprit d’adoption par lequel nous sommes appelés et sommes réellement vos enfants.

  • Saint Vincent de Paul

    A 24 ans, saint Vincent de Paul fut capturé par des pirates barbaresques et vendu comme esclave. Il a raconté cet épisode de sa vie dans une des ses lettres, qui est intéressante à plus d’un titre.

    Le vent nous fut aussi favorable qu’il fallait pour nous rendre, ce jour, à Narbonne, qu’était faire cinquante lieues, si Dieu n’eût permis que trois brigantins turcs, qui côtoyaient le golfe du Lion pour attraper les barques qui venaient de Beaucaire, où il y avait foire que l’on estime être des plus belles de la chrétienté, ne nous eussent donné la charge et attaqués si vivement que, deux ou trois des nôtres étant tués et tout le reste blessé, et même moi, qui eus un coup de flèche, qui me servira d’horloge tout le reste de ma vie, n’eussions été contraints de nous rendre à ces félons et pires que tigres, les premiers éclats de la rage desquels furent de hacher notre pilote en cent mille pièces, pour avoir perdu un des principaux des leurs, outre quatre ou cinq forçats que les nôtres leur tuèrent. Ce fait, nous enchaînèrent, après nous avoir grossièrement pansés, poursuivirent leur pointe, faisant mille voleries, donnant néanmoins liberté à ceux qui se rendaient sans combattre, après les avoir volés. Et enfin, chargés de marchandise, au bout de sept ou huit jours, prirent la route de Barbarie, tanière et spélonque de voleurs, sans aveu du Grand Turc, où étant arrivés, ils nous exposèrent en vente, avec procès-verbal de notre capture, qu’ils disaient avoir été faite dans un navire espagnol, parce que, sans ce mensonge, nous aurions été délivrés par le consul que le roi tient de delà pour rendre libre le commerce aux Français.

    Leur procédure à notre vente fut qu’après qu’ils nous eurent dépouillés tout nus, ils nous baillèrent à chacun une paire de braies, un hoqueton de lin avec une bonnette, nous promenèrent par la ville de Tunis, où ils étaient venus expressément pour nous vendre. Nous ayant fait faire cinq ou six tours par la ville, la chaîne au col, ils nous ramenèrent au bateau, afin que les marchands vinssent voir qui pouvait bien manger et qui non, pour montrer comme nos plaies n’étaient point mortelles ; ce fait, nous ramenèrent à la place, où les marchands nous vinrent visiter, tout de même que l’on fait à l’achat d’un cheval ou d’un bœuf, nous faisant ouvrir la bouche pour visiter nos dents, palpant nos côtes, sondant nos plaies et nous faisant cheminer le pas, trotter et courir, puis tenir des fardeaux et puis lutter pour voir la force d’un chacun, et mille autres sortes de brutalités.

    Je fus vendu à un pêcheur, qui fut contraint de se défaire bientôt de moi, pour n’avoir rien de si contraire que la mer, et depuis par le pêcheur à un vieillard, médecin spagirique, souverain tireur de quintessences, homme fort humain et traitable, lequel, à ce qu’il me disait, avait travaillé cinquante ans à la recherche de la pierre philosophale, et en vain quant à la pierre, mais fort heureusement à une sorte de transmutation des métaux. En foi de quoi, je lui ai vu souvent fondre autant d’or que d’argent ensemble, les mettre en petites lamines, et puis mettre un lit de quelques poudres, puis un autre de lamines, et puis un autre de poudres dans un creuset ou vase à fondre des orfèvres, le tenir au feu vingt-quatre heures, puis l’ouvrir et trouver l’argent être devenu or ; et plus souvent encore congeler ou fixer de l’argent vif en fin argent, qu’il vendait pour donner aux pauvres. Mon occupation était à tenir le feu à dix ou douze fourneaux ; en quoi, Dieu merci, je n’avais plus de peine que de plaisir. Il m’aimait fort et se plaisait fort de me discourir de l’alchimie et plus de sa loi, à laquelle il faisait tous ses efforts de m’attirer, me promettant force richesses et tout son savoir.

    Dieu opéra toujours en moi une croyance de délivrance par les assidues prières que je lui faisais et à la sainte Vierge Marie, par la seule intercession de laquelle je crois fermement avoir été délivré. L’espérance et ferme croyance donc que j’avais de vous revoir, Monsieur, me fit être assidu à le prier de m’enseigner le moyen de guérir de la gravelle, en quoi je lui voyais journellement faire miracle ; ce qu’il fit ; voire me fit préparer et administrer les ingrédients. (1) (...)

    Je fus donc avec ce vieillard depuis le mois de septembre 1605 jusques au mois d’août prochain, qu’il fut pris et mené au grand sultan pour travailler pour lui mais en vain, car il mourut de regret par les chemins. Il me laissa à un sien neveu qui me revendit tôt après la mort de son oncle, parce qu’il ouit dire comme M. de Brèves, ambassadeur pour le roi en Turquie, venait, avec bonnes et expresses patentes du Grand Turc, pour recouvrer les esclaves chrétiens.

    Un renégat de Nice, en Savoie, ennemi de nature, m’acheta et m’en emmena en son temat ; ainsi s’appelle le bien que l’on tient comme métayer du Grand Seigneur, car le peuple n’a rien ; tout est au sultan. Le temat de celui-ci était dans la montagne, où le pays est extrêmement chaud et désert. L’une des trois femmes qu’il avait (comme grecque-chrétienne, mais schismatique) avait un bel esprit et m’affectionnait fort ; et plus à la fin, une naturellement turque, qui servit d’instrument à l’immense miséricorde de Dieu pour retirer son mari de l’apostasie et le remettre au giron de l’Église, fit me délivrer de mon esclavage. Curieuse qu’elle était de savoir notre façon de vivre, elle me venait voir tous les jours aux champs où je fossoyais, et après tout me commanda de chanter louanges à mon Dieu. Le ressouvenir du Quomodo cantabimus in terra aliena des enfants d’Israël captifs en Babylone me fit commencer, avec la larme à l’œil, le psaume Super flumina Babylonis et puis le Salve, Regina, et plusieurs autres choses ; en quoi elle prit autant de plaisir que la merveille en fut grande. Elle ne manqua point de dire à son mari, le soir, qu’il avait eu tort de quitter sa religion, qu’elle estimait extrêmement bonne, pour un récit que je lui avais fait de notre Dieu et quelques louanges que je lui avais chantées en sa présence ; en quoi, disait-elle, elle avait un si divin plaisir qu’elle ne croyait point que le paradis de ses pères et celui qu’elle espérait fut si glorieux, ni accompagné de tant de joie que le plaisir qu’elle avait pendant que je louais mon Dieu, concluant qu’il y avait quelque merveille.

    Cet autre Caïphe ou ânesse de Balaam fit, par ses discours, que son mari me dit dès le lendemain qu’il ne tenait qu’à commodité que nous ne nous sauvassions en France, mais qu’il y donnerait tel remède, dans peu de temps, que Dieu y serait loué. Ce peu de jours furent dix mois qu’il m’entretint en ces vaines, mais à la fin exécutées espérances, au bout desquels nous nous sauvâmes avec un petit esquif et nous rendîmes, le vingt-huitième de juin, à Aigues-Mortes et tôt après en Avignon, où Monseigneur le vice-légat reçut publiquement le renégat, avec la larme à l’œil et le sanglot au gosier, dans l’église de Saint-Pierre, à l’honneur de Dieu et édification des spectateurs. Mondit seigneur nous a retenus tous deux pour nous mener à Rome, où il s’en va tout aussitôt que son successeur à la trienne qu’il acheva le jour de la saint Jean, sera venu. Il a promis au pénitent de le faire entrer à l’austère couvent des Fate ben fratelli où il s’est voué, et à moi de me faire pourvoir de quelque bon bénéfice. Il me fait cet honneur de me fort aimer et caresser, pour quelques secrets d’alchimie que je lui ai appris, desquels il fait plus d’état, dit-il, que si io li avesse datto un monte di oro,  parce qu’il y a travaillé tout le temps de sa vie et qu’il ne respire autre contentement. Mondit seigneur, sachant comme je suis homme d’église, m’a commandé d’envoyer quérir les lettres de mes ordres, m’assurant de me faire du bien et très bien pourvoir de bénéfice.

    (1) La gravelle, ce sont les calculs rénaux. Et l’on a la composition du remède rapporté par saint Vincent de Paul : « Prenez thérébentine de Venise, deux onces ; turbith blanc, deux onces ; mastic, galanga, girofle, cannelle cubes, de chacun demi-once ; bois d’aloès battu, une once. Empâtez le tout ensemble avec demi-livre de miel blanc et une pinte d’eau-de-vie la plus forte. Laissez le tout en digestion quelque temps, puis le distillez. Il faut prendre, le matin, à jeun, la quatrième partie d’une cuillère et observer de l’emplir d’eau de bourrache ou de buglosse, en prendre autant de fois que l’on voudra, parce qu’elle ne peut être nuisible ; au contraire, elle est très bonne pour la santé, et la principale opération est pour les urines. C’est pourquoi on n’y est point obligé de garder d’autre régime de vivre, sinon qu’il ne faut manger qu’une heure après, et on peut aller à ses affaires ordinaires. »