Peu après avoir retrouvé l’Eglise, à la fin des années 70, j’allais assez régulièrement dans un monastère, et je déjeunais avec les moines. Il se trouva qu’une de ces visites eut lieu un 10 août, jour de la fête de saint Laurent. Au début du repas était lu le martyrologe, et, ô surprise, j’appris alors que saint Laurent n’était pas mort sur un gril et d’ailleurs qu’on ne savait presque rien de lui.
Les experts en démolition de l’Eglise et de la liturgie avaient en effet décrété, non seulement que le récit du martyre de saint Laurent avait été inventé bien après coup (air connu), mais qu’en outre il était impossible qu’il ait subi le martyre sur un gril, car les Romains ne pratiquaient pas ce supplice.
C’est toujours ce qu’on peut lire sur des sites catholiques.
Il est vrai que la « Passion du bienheureux martyr Laurent » a été écrite par le poète Prudence plus d’un siècle après les faits. Et c’est dans ce texte qu’on lit notamment que saint Laurent fut grillé sur une « catasta », autrement dit un lit de fer sous lequel on allumait un feu, et dont Anthony Rich, dans son Dictionnaire des antiquités romaines et grecques, affirmait qu’il était quelquefois utilisé pour torturer des criminels, ou brûler des martyrs.
Pourquoi Prudence aurait-il inventé un supplice, alors qu’il était lu par des gens qui étaient encore des Romains et pouvaient lui faire remarquer que son imagination desservait quelque peu son désir de répandre la vérité ?
Et en quoi le fait de ne pas avoir de texte antérieur à celui de Prudence est-il une preuve que tout a été inventé ? Que fait-on de la tradition orale ?
Si l’on en croit ces experts, ou leurs collègues spécialistes de la Bible , l’évangile que l’on croyait être de saint Jean aurait été écrit à peu près 100 ans après la vie de Jésus. Veulent-ils dire que tout ce qui est dans cet évangile (ou du moins qui ne se trouve pas aussi dans les autres) est inventé ? Curieux catholiques que voilà.
Toutefois, quelques années après que j’eus appris que saint Laurent n’était pas mort sur un gril, je retournai au même monastère, encore un 10 août. Et là, nouvelle surprise : saint Laurent était mort sur un gril.
Allez comprendre...