L’armée pakistanaise serait sur le point de pousser le gouvernement à quitter le pouvoir, sans fomenter un coup d’Etat au sens strict.
Le prétexte serait ce que les journalistes appellent le « Memogate ». Un homme d’affaires pakistanais écrivait dans le Financial Times, le 10 octobre, qu’un diplomate de son pays avait demandé qu’une note de son gouvernement soit transmise au Pentagone. Dans cette note, le pouvoir pakistanais demandait aux Etats-Unis de lui venir en aide pour éviter un coup d’Etat militaire, dû à l’exaspération de l’armée suite à l’opération américaine contre Ben Laden, qui était une violation du territoire pakistanais. Le diplomate était en fait l’ambassadeur, qui a démenti, mais a démissionné. Et les Etats-Unis n'ont pas jugé le mémorandum crédible. Mais l’opposition exige une enquête judiciaire sur cette affaire. Et l’armée y pousse aussi. Or l’armée exige que les dirigeants politiques démissionnent lorsqu’ils sont l’objet d’une enquête…
Jeudi, le Premier ministre Yousouf Raza Gilani a ouvertement dénoncé des « complots » visant à faire chuter son gouvernement, et a martelé que l’armée devait rester subordonnée au pouvoir civil élu.
Il se trouve que Gilani est le Premier ministre qui est resté le plus longtemps en fonction dans l'histoire du pays (45 mois), et qu’aucun gouvernement civil n’a pu jusqu’ici aller jusqu’au terme de son mandat…
Quant au président Zardari (le veuf de Benazir Bhutto), qui revient d’une opération à Dubaï, il est considéré comme l’auteur du Mémo, et pour ses détracteurs il est le symbole d’un pouvoir corrompu, etc.
L’actuel gouvernement fédéral du Pakistan n’est pas brillant. Mais il est dans la ligne « laïque » voulue par les fondateurs de l’Etat. En témoigne le fait qu’un catholique est ministre (Akram Gill, successeur de Shahbaz Bhatti), et qu’un autre catholique, Paul Bhatti, le frère de Shahbaz, est conseiller spécial du Premier ministre pour les minorités. Ces postes sont largement symboliques, mais le symbole n’est pas rien (comme en témoigne l'assassinat de Shahbaz Bhatti...). Il va de soi que si le pouvoir politique est renversé, il sera remplacé par un pouvoir islamiste, plus précisément un pouvoir sous influence des talibans, qui contrôlent des secteurs entiers de l’armée, à commencer par les services secrets.
Ce serait évidemment une catastrophe pour les chrétiens.
Il faut prier pour le Pakistan. Et pour Asia Bibi, qui va passer en prison son deuxième Noël de condamnée à mort, et dont la santé mentale commence à inspirer de l'inquiétude.