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Liturgie - Page 668

  • Jésus au Temple

    Le dimanche dans l’octave de l’Epiphanie est la fête de la Sainte Famille. C’est une fête récente puisqu’elle date de 1923. Je comprends parfaitement l’intention des papes Léon XIII (qui l’a concédée à certains diocèses) et Benoît XIV (qui l’a étendue à toute l’Eglise latine) : ces papes avaient bien vu qu’il était devenu urgent de défendre la vérité sur la famille. Cela dit, sur le plan proprement spirituel, on tombe de haut en passant de la célébration des mystères théophaniques à la défense d’une institution sociale, si nécessaire soit-elle, mais proprement naturelle, et non surnaturelle, même si elle est elle aussi illuminée par la grâce. Surtout, je n’arrive pas à voir en quoi la charmante (voire douceâtre) chère petite famille de Nazareth (papa scie du bois, maman fait la cuisine, le petit Jésus joue sagement) serait l’exemple de la famille chrétienne : que je sache, l’Eglise n’a jamais prôné l’enfant unique, ni une chasteté qui empêche la procréation. Il me semble que l’on mélange les plans.

    Il se trouve que l’évangile du jour, qui est resté celui du dimanche dans l’octave de l’Epiphanie, le dit de façon quelque peu brutale. Ce n’est pas non plus le modèle de la famille chrétienne que ce pré-adolescent qui fugue pour aller jouer les surdoués devant un congrès de théologiens, et qui répond sèchement à ses parents morts d’inquiétude : « Mais pourquoi donc me cherchiez-vous ? Vous ne saviez donc pas que je dois m’occuper des affaires de mon Père ? »

    C’est, humainement parlant, d’une rare insolence. Et même d’une insolence inouïe, puisque le pré-adolescent en question renie ouvertement son père, en invoquant un autre « père ».

    Alors on se raccroche comme on peut à ce qui suit : « Il descendit avec eux à Nazareth et il leur était soumis. » Mais oui, après, il leur était soumis…

    Si cet évangile a été placé là, c’est qu’il s’agit aussi d’une théophanie. C’est un aspect de l’Epiphanie : le Christ, qui a atteint l’âge de 12 ans (nombre de la perfection) montre aux plus grands spécialistes de l’Ecriture sainte qu’il connaît mieux qu’eux l’Ecriture, puisqu’il en est l’auteur. Ensuite il y aura le Baptême, où il montrera qu’il est un des trois de la Trinité, puis les Noces de Cana, où il montrera qu’il est le maître de la nature, son créateur et son rédempteur, venu changer l’eau de la vie terrestre en vin de la vie éternelle.

    Réduire ce dimanche à la « sainte famille », c’est un peu comme si on réduisait les Noces de Cana à l’exemple d’une action charitable. Ce qui hélas a aussi été fait…

  • Epiphanie

    De toutes les grandes fêtes de l’année liturgique, celle de l’Epiphanie est la seule qui semble a priori avoir un objet tout différent dans la liturgie byzantine et dans la liturgie latine : celle-ci célèbre l’adoration des Mages, celle-là le Baptême du Christ. Et c’est d’autant plus étonnant que la liturgie latine a conservé le mot grec qui la désigne.

    En réalité c’est ce mot qui importe : Epiphanie, à savoir apparition, ou plutôt manifestation, la manifestation aux hommes du Dieu fait homme. L’Epiphanie n’est pas la célébration d’un événement du salut, mais celle de la manifestation en tant que telle, la manifestation de toutes les théophanies formant une seule Epiphanie.

    Cette épiphanie prend sa source dans la première d’entre elles, à savoir la Nativité. Elle célèbre donc d’abord la lumière, la lumière divine née sur notre terre dans la plus grande obscurité, et qui est venue pour illuminer le monde, selon la prophétie d’Isaïe : cette lumière est le Seigneur qui vient pour sauver les hommes, tous les peuples convergent vers lui, ils viennent de Saba, de Madian et d’Epha, apportant de l’or et de l’encens, les vêtements du salut sont des vêtements de noces, et tous ceux qui ont soif peuvent acquérir gratuitement l’eau du salut, acheter sans rien payer le vin et le lait…

    Voilà l’Epiphanie. Les orientaux ont mis l’accent sur le baptême, parce que le baptême est spécifiquement l’illumination du croyant, et parce que le baptême au Jourdain est à la fois la première manifestation vraiment publique du Christ et la première manifestation de la Sainte Trinité. Les latins ont privilégié l’adoration des Mages, car elle est la première manifestation du Christ aux païens, donc l’annonce du salut pour tous les hommes.

    Mais il ne faut pas réduire l’Epiphanie latine à l’adoration des mages, même si la galette est bonne, et bonne aussi la tradition populaire qui célèbre les rois. Aux matines, l’invitatoire appelle ainsi le fidèle : « Le Christ nous est apparu (le Christ fait son épiphanie), venez, adorons-le », sans autre précision. Le début des matines se concentre sur le Christ au Jourdain, des cinq antiennes des heures seules deux évoquent les mages, les hymnes célèbrent l’adoration des mages, le baptême au Jourdain et les Noces de Cana, qui sont aussi les trois mystères évoqués dans l’antienne du Magnificat, et qui sont merveilleusement tissés ainsi dans l’antienne du Benedictus :

    « Hodie cælesti sponso juncta est Ecclesia, quoniam in Jordane lavit Christus ejus crimina ; currunt  cum muneribus Magi ad regales nuptias, et ex aqua facto vino lætantur convivæ, alleluia. »

    Aujourd’hui l’Eglise s’unit au céleste Epoux, parce que ses péchés sont lavés par le Christ dans le Jourdain ; les Mages accourent avec des présents aux noces royales, et l’eau étant devenue du vin les convives sont dans la joie. Alléluia.

  • Les Saints Innocents

    L’office de la fête des Saints Innocents est très particulier : en dehors du récit évangélique et d’une citation du psaume 78, il n’utilise que des versets de l’Apocalypse.

    Les enfants massacrés par Hérode sont les prémices des martyrs, et sont les plus purs des martyrs, puisqu’ils n’ont jamais péché personnellement (ils sont absolument « vierges »), et qu’ils ont confessé le Christ uniquement par le sang versé. Ils correspondent donc, plus que tous ceux qui suivront, à la description des martyrs qui accompagnent l’Agneau et règnent avec lui.

    Il résulte de cette insistance sur l’Apocalypse comme une abolition du temps.

    De même que Hérode a fait passer directement les Saints Innocents de leur naissance sur terre à leur naissance au ciel, par le truchement de la naissance du Fils de Dieu, de même la liturgie abolit le temps en nous faisant passer de la Nativité au Royaume, sans attendre les développements ultérieurs. Car la Nativité est la kénose du Verbe : en elle est déjà contenue la crucifixion et la résurrection. Entre les deux fêtes il n’y aura eu que la célébration de saint Etienne, le protomartyr, qui symbolise tous les témoins du Christ, tous les saints à venir, et la célébration de saint Jean qui proclame l’Incarnation : In principio erat Verbum… et Verbum caro factum est.

    Il en résulte aussi que les Saints Innocents représentent tous les chrétiens sauvés. Ils sont les plus purs exemples du salut : « Si vous ne devenez pas comme de petits enfants… »

  • Saint Jean

    « Ce qui fut à l’origine, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons examiné et que nos mains ont tâté du Verbe de Vie… et la Vie a été manifestée, et nous avons vu, et nous en témoignons, et nous vous annonçons la vie éternelle, qui était auprès du Père et nous est apparue… ce que nous avons vu et avons entendu, nous vous l’annonçons, afin que vous ayez société avec nous, et que notre société soit avec le Père et avec son Fils Jésus-Christ. Et nous vous écrivons cela pour que vous soyez dans la joie, et que votre joie soit en plénitude. »

    (Début de la première épître de saint Jean, en traduction littérale d’après la Vulgate. On y voit saint Jean toujours bouleversé par l’Incarnation, incapable de finir sa phrase, revenant sans cesse sur le témoignage qu’il veut rendre au Verbe fait chair : c’est une sorte d'émouvant brouillon du prologue de son évangile.)

  • Saint Etienne

    Christum natum, qui beatum hodie coronavit Stephanum, venite adoremus.

    Le Christ qui est né, qui aujourd’hui a couronné le bienheureux Etienne, venez, adorons-le.

  • La joie de Noël

    medium_Nativite_de_Jesus-Christ_moyen.jpgQue voit-on au centre de l’icône byzantine de la Nativité ? On voit, dans un trou noir, un enfant étroitement emmailloté de bandelettes funéraires, déposé dans une tombe de pierre. Près de lui une femme allongée, l’air grave, triste, dont le regard est « tendre compassion » et « surprise douloureuse », pour reprendre les célèbres expressions de Bernanos. Elle ne regarde pas l’enfant. Elle regarde de l’autre côté, les autres personnages, le plus souvent Joseph, plus triste encore, abattu, profondément troublé.

    Cet aspect central de l’icône exprime le drame de la Nativité : la kénose du Verbe. Le Dieu éternel, éternellement glorieux, se fait homme, misérable comme tout homme, et comme le plus pauvre des plus pauvres. Il se fait homme pour mourir de façon ignominieuse, au fond de la nuit du monde. C’est ce que sait sa mère, qui l’a déjà enveloppé de bandelettes et mis au tombeau dans le trou noir. Et elle regarde Joseph, tenté par le diable qui lui dit qu’une naissance virginale est impossible. Joseph représentant l’humanité tentée par l’incrédulité, alors que le Sauveur est né pour nous sauver, pour se donner aux hommes en nourriture vivifiante. Une antienne de la liturgie byzantine dit que cette crèche, cette mangeoire, est ce que le désert a donné au Christ qui vient. Comme le désert a donné la manne aux Hébreux, il donne aujourd’hui aux hommes le corps du Fils de l’Homme pour qu’ils aient la vie divine. Mais ce corps devra passer par la mort pour donner la vie.

    C’est ce qu’avait remarquablement compris la grande Marie Noël (elle n’avait pas choisi ce pseudonyme par hasard), qui conclut ainsi un de ses chants de Noël :

    De chair, ô mon Dieu, vous n’en aviez pas
    Pour rompre avec eux le pain du repas…
    Ta chair au printemps de moi façonnée,
    O mon fils, c’est moi qui te l’ai donnée.

    De mort, ô mon Dieu, vous n’en aviez pas
    Pour sauver le monde… O douleur ! là-bas,
    Ta mort d’homme, un soir, noire, abandonnée,
    Mon petit, c’est moi qui te l’ai donnée.

    C’est ce drame même qui provoque la joie de Noël, visible dans le reste de l’icône. Car la naissance de Dieu sur terre est le signe efficace d’une recréation du monde. La joie du salut, la joie du Royaume manifesté. Mais elle passe par la Croix, qu’annonce la Nativité, comme le salut de chacun de nous passe par la mort de chacun de nous, inscrite en nous dès le jour de notre naissance.

    A Noël, le Christ montre le chemin qui transforme le tragique de l’existence humaine en joie divine.

  • Hodie scietis

    Cette année, le quatrième dimanche de l’Avent est supplanté par la Vigile de Noël, avec son chant omniprésent dans la liturgie, annonçant triomphalement la fin de la longue attente :

    Hodie scietis quia veniet Dominus, et salvabit nos, et mane videbitis gloriam ejus.

    Aujourd’hui vous saurez que le Seigneur vient pour nous sauver, et demain matin vous verrez sa gloire.

    Mais ce « matin » aura lieu dès le milieu de la nuit, car c’est au milieu de la nuit que naît le Soleil de Justice. Il en sera de même pour le « matin de Pâques ». Le matin de Dieu naît dans la nuit du monde.

  • O Emmanuel

    O Emmanuel, Rex et legifer noster, exspectatio gentium, et salvator earum, veni ad salvandum nos, Domine, Deus noster.

    Ô Emmanuel, notre Roi et législateur, attente des nations et leur sauveur, viens nous sauver, Seigneur notre Dieu.

    Cette dernière antienne Ô de l'Avent fait référence à Isaïe (33, 22) : « Le Seigneur est notre juge, le Seigneur est notre législateur, le Seigneur est notre roi, c’est lui qui nous sauvera » ; et à la prophétie de Jacob, à la fin de la Genèse (49, 10) : « Le sceptre ne sera pas ôté de Juda, ni le bâton de commandement de sa cuisse, jusqu’à ce que vienne celui qui doit être envoyé, et celui-là sera l’attente des nations. »

  • O Rex gentium

    O Rex gentium, et desideratus earum, lapisque angularis, qui facis utraque unum, veni, et salva hominem, quem de limo formasti.

    Ô roi des nations, et qu’elles désirent, pierre d’angle, qui des deux ne fait qu’un, viens sauver l’homme que tu as formé du limon.

    (« Desideratus gentium » vient de la prophétie d’Aggée, reprise dans une antienne du 4e dimanche de l’Avent : Veniet desideratus cunctis gentibus, et replebitur gloria domus Domini : il va venir, celui que désirent toutes les nations, et la maison du Seigneur sera remplie de sa gloire. La suite est un raccourci de l’épître aux Ephésiens, 2, 11-22.)

  • O Oriens

    O Oriens, splendor lucis æternæ, et sol justitiæ, veni, et illumina sedentes in tenebris et umbra mortis.

    Ô Soleil levant, splendeur de la lumière éternelle, et soleil de justice, viens illuminer ceux qui sont assis dans les ténèbres et à l’ombre de la mort.

    C’est aujourd’hui la fête de saint Thomas, dont l’antienne au Benedictus et au Magnificat se conjugue fort bien avec celle de l’Avent : « Parce que tu m’as vu, Thomas, tu as cru ; bienheureux ceux qui n’auront pas vu et qui croiront, alléluia. »