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Liturgie - Page 368

  • Dimanche après l'Ascension

    Dans l’évangile de ce dimanche, Jésus annonce la venue du Saint Esprit, à la Pentecôte, dimanche prochain :

    « Lorsque le Paraclet que je vous enverrai de la part du Père, l’Esprit de vérité qui procède du Père, sera venu, il rendra témoignage de moi. »

    Aujourd’hui il est évident pour tout le monde (en dehors des musulmans et des tordus) que Jésus indique ici clairement la divinité du Saint-Esprit.

    Il n’en était pourtant pas ainsi au cours des premiers siècles, et ce n’est pas la crise arienne qui allait arranger les choses. Le Credo de Nicée disait seulement : « Et au Saint-Esprit », sans rien préciser. Il faudra tout le génie de saint Grégoire de Nazianze et de saint Basile pour en arriver à la formulation du dogme. Basile va écrire le traité décisif sur le Saint-Esprit, tandis que Grégoire, par l’écrit mais aussi et d’abord en tant qu’évêque, va se battre pour faire reconnaître explicitement la divinité du Saint-Esprit. Or Grégoire va présider le concile de Constantinople, puisqu’il est évêque de Constantinople. Et c’est donc sous son impulsion, et grâce au travail de son ami Basile (qui vient de mourir) que le concile de Constantinople adopte la formulation : « Nous croyons au Saint-Esprit, Seigneur et vivifiant, qui procède du Père, doit être adoré et glorifié avec le Père et le Fils, qui a parlé par les saints prophètes. »

    « Qui procède du Père », ce sont les mots mêmes de Jésus en grec : « ho para tou patros ekporeuetai ». En fait, le verbe grec dit seulement « venir (hors) de ». La plupart des traductions françaises des Evangiles disent « vient » ou « provient ». Mais le latin a « procedit », et c’est ce mot qui définira théologiquement la « procession » du Saint-Esprit. Il conviendrait donc de respecter l’histoire de cette phrase, la tradition qui y est attachée et qui est de la plus haute importance, et donc de traduire « qui procède du Père », afin de montrer qu’il s’agit bien de l’expression du Credo, de notre foi.

  • (Ex-)samedi dans l’octave de l’Ascension

    Les bienheureux Apôtres eux-mêmes, confirmés par tant de miracles, instruits par tant de discours, s’étaient laissés effrayer par l’atrocité de la passion du Seigneur. Ils n’avaient pas accepté sans hésitation la vérité de sa résurrection ; mais l’ascension du Seigneur leur fut si profitable, que tout ce qui naguère les remplissait de terreur, devint leur joie. Toute la force du regard de leur âme s’était élevée vers la divinité de celui qui est assis à la droite du Père ; la vue de son corps ne détournait plus l’attention de leur intelligence de la considération de ce mystère, qu’en descendant des cieux le Christ ne s’était pas séparé de son Père, pas plus qu’en y remontant il ne s’était séparé de ses disciples. Ainsi mes bien aimés, le Fils de l’homme s’est montré Fils de Dieu d’une manière plus haute et plus mystérieuse, alors qu’il est entré dans la gloire de la majesté paternelle ; et il a commencé, d’une façon ineffable, à être plus présent par sa divinité au moment où il s’éloignait davantage par son humanité. C’est alors que la foi mieux instruite apprit à s’élever par une ascension spirituelle jusqu’au Fils de Dieu égal au Père, et à ne plus avoir besoin de toucher dans le Christ cette substance corporelle en laquelle il est moins grand que le Père. En effet, la substance de ce corps glorifié demeurant la même, c’est là que la foi des croyants a été appelée, là où le Fils unique égal à son Père peut être atteint, non plus par une main de chair, mais par l’intelligence spirituelle. C’est pourquoi le Seigneur, après sa résurrection, lorsque Marie-Madeleine qui représentait l’Église, se hâtait de s’approcher pour le toucher, lui dit : « Ne me touche pas ; car je ne suis pas monté vers mon Père » : comme s’il eût dit : Je ne veux plus que vous cherchiez ma présence corporelle, je ne veux plus me faire reconnaître par les sens charnels. Par ces délais, je vous appelle plus haut, je vous prépare des dons plus grands. Lorsque je serai monté vers mon Père, c’est alors que vous me toucherez d’une manière plus parfaite et plus vraie, devant saisir ce que vous ne touchez pas, devant croire ce que vous ne voyez pas.

    Saint Léon le Grand

  • (Ex-)vendredi dans l’octave de l’Ascension

    Dans son Guide de l’Année liturgique, paru en 1923, dom Pius Parsch écrivait :

    La fête de l’Ascension ayant une Octave de troisième ordre (un peu comme Noël), cette Octave doit céder la place à toute fête double. On doit alors prendre la messe et l’office de cette fête. Cela est d’autant plus regrettable que l’office de l’Octave est très beau. Il est peu de fêtes qui contiennent d’aussi belles lectures des Pères. Les lecteurs qui ne sont pas tenus à l’Ordo peuvent, pendant toute l’Octave, réciter l’office de l’Ascension.

    Dom Pius Parsch est mort en 1954. L’année suivante, Pie XII supprimait l’octave de l’Ascension, et les jours qui vont de l’Ascension à la vigile de la Pentecôte devenaient « des féries du temps pascal ».

    Mais il restait encore en ces jours la messe de l’Ascension, et divers éléments de l’office de l’Ascension, quand on disait la férie, mais on célébrait le plus souvent une fête de saint (cette année dans le calendrier de 1960 il y en a une chaque jour de l’ancienne octave). Depuis la révolution liturgique, tous ces jours sont des féries, sans lien avec l’Ascension, et cette année sans la moindre fête de saint, puisque de toute façon la plupart ont disparu.

    Et certains n’hésitent pas à faire de Dom Pius Parsch un prophète de la révolution liturgique d’après Vatican II. Sur Wikipedia il est même carrément « un grand artisan de la réforme liturgique du concile Vatican II ». Lui qui n’imaginait même pas qu’on pût supprimer l’octave de l’Ascension et qui regrettait si fort que saint Pie X l’ait déclassée…

    Bref, je suis d’autant plus enclin à suivre le conseil de dom Parsch adressé à ceux qui ne sont pas tenus à l’Ordo que mon bréviaire date d’avant la suppression de l’octave et que c’est donc plus facile…

    Et puis je n’arrive pas à passer ainsi brutalement d’une des plus grandes fêtes de l’année à une « férie », et saint Jean Baptiste de la Salle, dont c’est la fête aujourd’hui, passe pour moi au second plan.

    Il y a en effet les lectures du bréviaire, dont parle dom Pius Parsch, qu’on pourra trouver chaque jour, en latin et en français, sur Introibo. Et il y a aussi (sur les mêmes pages) les abondants commentaires quotidiens du même dom Pius Parsch, et de dom Guéranger, ainsi que les aperçus que donne ce dernier sur les autres liturgies.

    Ainsi aujourd’hui cette hymne de la liturgie arménienne :

    Les Puissances du ciel ont été émues en vous voyant monter, ô Christ ! Elles se disaient l’une à l’autre dans leur tremblement : « Quel est ce Roi de gloire ? »

    — C’est le Dieu Verbe incarné, qui a anéanti le péché sur la croix, et qui, s’étant envolé avec gloire, vient au ciel, Seigneur qu’il est, dans sa force et sa vertu.

    — C’est celui qui s’est levé du sépulcre et a détruit la mort ; aujourd’hui il monte avec gloire, et vient au Père : il est le Seigneur puissant dans les combats.

    — C’est lui qui, par un pouvoir divin, est monté aujourd’hui sur le char de son Père, servi par les chœurs des Anges, qui chantaient et s’écriaient : « Princes, ouvrez vos portes, et le Roi de gloire entrera. »

    Les Puissances célestes étaient dans l’étonnement, et se demandaient d’une voix tremblante : « Quel est ce Roi de gloire qui vient dans la chair et revêtu d’un si merveilleux pouvoir ? Princes, ouvrez vos portes, et le Roi de gloire entrera. »

    Les Hiérarchies supérieures faisaient entendre un concert harmonieux ; elles chantaient un cantique nouveau, et disaient : « C’est le Roi de gloire, le sauveur du monde et le libérateur du genre humain. Princes, ouvrez vos portes, et le Roi de gloire entrera. »

    Et nous, qui avons été entés sur toi par la ressemblance de ta mort, ô Fils de Dieu, rends-nous dignes d’obtenir aussi cette autre ressemblance, ô Roi de gloire ! Toutes les Églises des saints célèbrent ton triomphe par des cantiques spirituels.

    Tu as crucifié avec toi le vieil homme, tu as brisé l’aiguillon du péché, tu nous as délivrés par ce bois vivifiant auquel tu fus attaché, et les gouttes de ton sang ont enivré le monde : toutes les Églises des saints célèbrent ton triomphe par des cantiques spirituels.

    Dans ta compassion pour nous, ta nature divine a daigné s’incarner, et tu nous as fait participer à ton corps et à ton sang dans le Sacrifice d’agréable odeur que tu as offert à ton Père, en lui immolant ton corps, emprunté à notre nature. Ensuite tu es monté sur un nuage éclatant, à la vue des Puissances et des Principautés qui, dans leur admiration, se demandaient : « Quel est celui qui arrive d’Édom d’un pas si rapide ? » Et les membres de ton Église ont appris à connaître les ressources de ton infinie sagesse. Que toutes les Églises des saints célèbrent ton triomphe par des cantiques spirituels.

  • Ascension

    Lorsque tu fus arrivé, ô Christ, sur le mont des Oliviers, afin d’accomplir la volonté du Père, les Anges célestes furent dans l’étonnement, et les esprits infernaux frémirent. Les disciples éprouvaient un sentiment de bonheur mêlé de crainte, tandis que tu leur parlais. En face, à l’Orient, un nuage apparaissait semblable à un trône prépare ; le ciel dont les portes étaient ouvertes se montrait dans toute sa beauté ; et la terre allait apprendre comment Adam, après sa chute, pourra remonter encore. Mais tout à coup tes pieds s’élèvent dans les airs, comme si une main les soutenait, ô Christ ! Ta bouche répète des bénédictions aussi longtemps que ses accents se font entendre ; le nuage te reçoit, et bientôt le ciel lui-même. Telle est l’œuvre sublime que tu as opérée, Seigneur, pour accomplir le salut de nos âmes.

    La nature d’Adam qui était tombée jusque dans les profondeurs de la terre, cette nature que tu as renouvelée, ô Dieu, tu l’élevés aujourd’hui avec toi au-dessus des Principautés et des Puissances. Dans ton amour pour elle, tu l’établis là même où tu résides ; dans ta compassion, tu te l’étais unie, tu avais souffert en elle, toi qui es impassible : et à cause de ses souffrances que tu as partagées, tu l’associes aujourd’hui à ta gloire. Les esprits célestes se sont écriés : « Quel est cet homme éclatant de beauté, et qui n’est pas seulement un homme, mais un Dieu-homme, ayant les deux natures ? » Cependant, d’autres Anges au vol rapide et vêtus de longues tuniques, descendaient vers les disciples et leur disaient : « Hommes de Galilée, Jésus, homme-Dieu, qui vient de vous quitter, reviendra Dieu-homme, pour juger les vivants et les morts, et pour faire part à ceux qui croient en lui du pardon et de sa grande miséricorde. »

    Lorsque tu fus enlevé dans la gloire aux regards de tes disciples, ô Christ Dieu, un nuage reçut ton humanité, les portes du ciel s’élevèrent, le chœur des Anges tressaillit d’allégresse et les Vertus célestes criaient avec transport : « Princes, élevez vos portes, et le Roi de gloire entrera. » Cependant, tes disciples dans la stupeur disaient : « Ne vous séparez pas de nous, ô bon Pasteur, mais envoyez-nous votre Esprit très saint, pour diriger et affermir nos âmes. »

    Liturgie byzantine, vêpres

  • Vigile de l'Ascension

    L’évangile de ce jour est le début du chapitre 17 de saint Jean que l’on appelle à juste titre la « prière sacerdotale ». On pourrait aussi l’appeler la « prière liturgique ». Car elle est intemporelle comme l’est le Saint Sacrifice qui se déroule hic et nunc et qui pourtant nous met en présence de la Cène et du Calvaire, de la Résurrection et de la glorification du Christ.

    Jésus parle à son Père avant la Passion mais il suppose la rédemption accomplie : il parle au passé de son séjour sur la terre, et souligne qu’il n’est plus dans le monde alors qu’il est en compagnie de ses apôtres.

    En cette vigile de l’Ascension, les mots de Jésus se rapportent directement à ce mystère, et c’est bien du mystère de la glorification de Jésus dont nous parle l’Ascension : quand, en Jésus, la nature humaine s’élève au-dessus de toute la création, au-dessus des anges, pour s’asseoir auprès du Père.

    Alors tout est accompli, et Jésus retrouve la gloire qu’il avait avant que le monde fût et dont il s’était dépouillé en se faisant homme, gloire dont il revêt les hommes qui seront en lui, fils dans le Fils.

    « Avant que le monde fût », c’est-à-dire au Principe : la fin de l’évangile du Christ vivant parmi les hommes renvoie au début de l’évangile du Christ dans la Trinité du Principe, et l’on trouve le même mot qu’on a tant de mal à traduire : apud, en latin, traduisant le grec pros. La gloire que j’avais « apud te » ; le Verbe était « apud Deum ». Auprès de ? Ce n’est pas suffisant. Le mot grec veut d’abord dire vers, ce qui est intéressant mais n’est pas suffisant non plus. J’aime bien prendre simplement le sens le plus courant du latin « apud », à savoir « chez » : il est chez Dieu, il est chez lui. Et nous aussi si nous sommes sauvés nous sommes chez lui, chez Dieu.

  • Saints Nérée, Achille, Domitille et Pancrace

    Fin de l’homélie de saint Grégoire le Grand, en la basilique des saints Nérée et Achille, le 12 mai 592 :

    Voyez comme il s’enfuit, ce monde qu’on aime! Ces saints auprès de la tombe desquels nous sommes assemblés ont foulé aux pieds avec mépris un monde florissant. On y jouissait d’une longue vie, d’une santé continuelle, de l’abondance matérielle, de la fécondité dans les familles, de la tranquillité dans une paix bien établie. Et ce monde qui était encore si florissant en lui-même était pourtant déjà flétri dans leur cœur. Alors que tout flétri qu’il soit maintenant en lui-même, il demeure toutefois florissant dans nos cœurs. Partout la mort, partout le deuil, partout la désolation; de tous côtés nous sommes frappés, de tous côtés nous sommes abreuvés d’amertumes; et cependant, dans l’aveuglement de notre esprit, nous aimons jusqu’aux amertumes goûtées dans la concupiscence de la chair, nous poursuivons ce qui s’enfuit, nous nous attachons à ce qui tombe. Et comme nous ne pouvons retenir ce qui tombe, nous tombons avec ce que nous tenons embrassé dans son écroulement.

    Si le monde nous a autrefois captivés par l’attrait de ses plaisirs, c’est désormais lui qui nous renvoie à Dieu, maintenant qu’il est rempli de si grands fléaux. Songez bien que ce qui court dans le temps ne compte pas. Car la fin des biens transitoires nous montre assez que ce qui peut passer n’est rien. L’écroulement des choses passagères nous fait voir qu’elles n’étaient presque rien, même quand elles nous semblaient tenir ferme. Avec quelle attention, frères très chers, nous faut-il donc considérer tout cela! Fixez votre cœur dans l’amour de l’éternité; et sans plus chercher à atteindre les grandeurs de la terre, efforcez-vous de parvenir à cette gloire dont votre foi vous donne l’assurance, par Jésus-Christ Notre Seigneur, qui, étant Dieu, vit et règne avec le Père dans l’unité du Saint-Esprit, dans tous les siècles des siècles. Amen.

  • Saint Philippe et saint Jacques

    Saint Jacques est présent dans la liturgie de ce jour par le début de son épître, qu’on lit de nouveau aux matines (comme au 4e dimanche). Saint Philippe est présent dans l’évangile, et par les antiennes des heures, qui en sont tirées. La première antienne est la demande de Philippe à Jésus de lui montrer le Père. Les autres sont la réponse de Jésus, sauf la quatrième qui est la réponse préalable à Thomas, entraînant la question de Philippe.

    Domine, ostende nobis Patrem, et sufficit nobis, alleluia.

    Seigneur, montre-nous le Père, et il nous suffit, alléluia.

    Philippe, qui videt me, videt et Patrem meum, alleluia.

    Philippe, qui me voit, voit aussi mon Père, alléluia.

    Tanto tempore vobiscum sum, et non cognovistis me? Philippe, qui videt me, videt et Patrem meum, alleluia.

    Il y a si longtemps que je suis avec vous, et vous ne me connaissez pas ? Philippe, qui me voit, voit, aussi mon Père, alléluia.

    Si cognovissetis me, et Patrem meum utique cognovissetis, et amodo cognoscetis eum, et vidistis eum, alleluia, alleluia, alleluia.

    Si vous m’eussiez connu, vous auriez donc connu mon Père ; mais bientôt vous le connaîtrez, et vous l’avez déjà vu, alléluia, alléluia, alléluia.

    Si diligitis me, mandata mea servate, alleluia, alleluia, alleluia.

    Si vous m’aimez, gardez mes commandements, alléluia, alléluia, alléluia.

    Ce lundi est aussi le premier jour des Rogations. On constate que la liturgie des deux apôtres, qui prime, n’est pas étrangère aux Rogations, puisque ce qui est central dans l’évangile est une demande de Philippe, et qu’à la fin de l’évangile Jésus dit à ses apôtres :

    Tout ce que vous demanderez au Père en mon nom, je le ferai, afin que le Père soit glorifié dans le Fils. Si vous me demandez quelque chose en mon nom, je le ferai.

    En outre, l’antienne du Magnificat, prise d’un autre chapitre de saint Jean, du discours sur la vigne, est sur le même thème :

    Si manseritis in me et verba mea in vobis manserint, quodcumque petieritis, fiet vobis, alleluia, alleluia, alleluia.

    Si vous demeurez en moi, et que mes paroles demeurent en vous, tout ce que vous demanderez il vous sera fait, alléluia, alléluia, alléluia.

  • 5e dimanche après Pâques

    Allelúia. Exívi a Patre, et veni in mundum : íterum relínquo mundum, et vado ad Patrem. Allelúia.

    Allelúia. Je suis sorti du Père, et je suis venu dans le monde ; je quitte de nouveau le monde, et je vais auprès du Père. Alléluia.

    (…) Notre Seigneur parlait de lui-même en disant qu’il était venu du Père et qu’il retournait au Père mais il ne le disait pas sans penser à ses membres qui ne font qu’un avec lui. Eux aussi viennent de Dieu en ce sens qu’ils ont été de toute éternité portés dans la pensée divine et prédestinés à vivre la vie du Christ à telle époque, dans telle contrée ; et, leur vie achevée, ils quittent le monde et vont vers le Père pour leur éternelle béatitude. Nous pouvons donc, tout en les mettant sur les lèvres du Christ, faire nôtres ces paroles et chanter sur elles le cycle de notre vie errante.

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    podcast

    La mélodie est faite d’un seul motif qui va du ré au sol et du sol au ré, presque toujours par degrés conjoints. Ce motif revêt deux formes.

    A travers ces montées et ces descentes, légères, fluides, toujours les mêmes et sans cesse répétées (15 fois dans l’ensemble de l’Alléluia et du verset) la voix du Christ nous vient comme de très haut, planant au-dessus du temps, au-dessus des événements, au-dessus de ses disciples, au-dessus de la peine qu’ils ont de le voir partir, au-dessus de nos désirs trop humains à nous aussi, qui voudrions tant qu’il fût là avec son corps de chair. Et elle chante la seule chose qui importe : le mouvement dans lequel tout être doit avoir son mouvement s’il veut atteindre sa fin : venir du Père, aller au Père. Et pour la chanter, elle a l’expression de ce qui dure : de la joie qui a sa plénitude. C’est une voix de contemplation, la voix de quelqu’un qui est fixé sur son objet, sur son bien ; la voix du Christ ressuscité qui juge tout dans sa sagesse infinie, du Christ heureux dans la volonté du Père qui l’a envoyé et qui le rappelle.

    Dom Ludovic Baron

    (Chant par les moniales de Jouques)

  • Saint Grégoire de Nazianze

    Je crois à cette parole de nos sages, que toute âme pure et pieuse, lorsqu’elle a rompu pour s’éloigner d’ici les liens qui la retiennent au corps, mise aussitôt en possession et en présence du bien qui lui est réservé, soit qu’elle se purifie ou qu’elle se dégage des ténèbres qui l’aveuglaient, ou quelque soit enfin cette délivrance, est inondée d’une ineffable allégresse, s’avance fière et joyeuse vers son Seigneur, et, s’échappant de cette vie terrestre comme d’une prison odieuse, secouant les entraves qui enchaînaient ses ailes, goûte cette pure félicité que son imagination seule avait connue. Bientôt elle reprend cette chair sa compagne, avec laquelle elle méditait jadis sur les choses d’en haut (comment se fera cette réunion, c’est ce que sait le Dieu qui a fait et rompu leur première alliance) ; elle associe à la gloire céleste ce corps que la terre lui avait donné et dont elle avait confié le dépôt à la terre : de même que pendant leur première union elle a participé aux souffrances de la chair, elle fait participer la chair à son bonheur, elle se l’assimile tout entière, elle ne fait qu’un avec elle, esprit, intelligence, Dieu même, parce que la vie absorbe la substance mortelle et périssable. Écoutez donc ce que nous dit le divin Ézéchiel sur la réunion des os et des nerfs, ce que dit après lui le divin Paul sur cette maison de terre et sur cette habitation qui n’est point faite de main d’homme, l’une qui doit se dissoudre, l’autre qui est réservée dans les cieux ; il affirme que l’âme qui s’éloigne du corps entreprend un voyage vers le Seigneur, il déplore cette vie commune avec le corps comme un exil, et il aspire avec ardeur au moment de la séparation. Mais pourquoi m’arrêter à ces vaines espérances ? Pourquoi m’attacher au temps ? J’attends la voix de l’archange, la trompette dernière, la transformation du ciel, la métamorphose de la terre, l’affranchissement des éléments, le renouvellement du monde entier. Alors je verrai Césaire lui-même, non plus exilé de sa patrie, ni porté dans ce cercueil, au milieu des regrets et des larmes, mais rayonnant, glorieux, assis au haut des cieux, tel que tu t’es présenté souvent à moi dans mes songes, ô le plus aimé et le plus tendre des frères, soit que je te visse réellement ou qu’un vif désir de te revoir m’apportât cette illusion.

    Mais, laissant de côté les regrets, je tournerai mes regards sur moi-même ; je chercherai si, sans le savoir, je ne porte rien en moi qui mérite mes larmes. Fils des hommes, car c’est à vous que j’arrive, « jusqu’à quand aurez-vous le cœur appesanti et l’intelligence épaisse ? Pourquoi aimez-vous la vanité et recherchez-vous le mensonge ? » pourquoi vous figurez-vous que cette vie terrestre a du prix, que ces jours si courts ont de la durée, et vous détournez-vous de cette séparation si douce et si désirable comme d’un objet plein d’épouvante et d’horreur ? Ne saurons-nous pas nous connaître ? Ne rejetterons-nous pas ce qui paraît à nos sens ? ne regarderons-nous pas ce qui brille à notre intelligence ? Et, s’il faut nous affliger, ne pleurerons-nous pas sur cet exil qui se prolonge (comme le divin David, qui appelle ce monde une maison de ténèbres, un lieu de douleur, une vase épaisse et l’ombre de la mort), sur cet exil durant lequel nous restons enfermés dans ces tombeaux que nous portons avec nous, et nous mourons de la mort du péché, nous qui sommes formés d’une substance divine ? Voilà la crainte qui m’épouvante, qui m’assiège le jour et la nuit ; la pensée de la gloire future et du tribunal céleste ne me permet pas de respirer ; je désire l’une au point de pouvoir m’écrier aussi : « Mon âme est tombée en défaillance dans l’attente de ton secours salutaire ; » l’autre me fait frissonner et me remplit de terreur. Je ne crains pas que ce corps, tombant en dissolution et en poussière, soit entièrement anéanti, mais que la glorieuse créature de Dieu (glorieuse quand elle suit le droit chemin, infâme quand elle s’égare), dans laquelle résident la raison, la loi, l’espérance, soit condamnée à la même ignominie que les bêtes, au même néant après le trépas ; et puisse cette punition être celle des méchants dignes du feu de l’enfer !

    Ah ! puissé-je mortifier les membres de l’homme terrestre ! Puissé-je absorber tout en l’esprit, et marcher dans cette voie étroite où peu s’engagent, et non dans la voie large et facile ! car les récompenses sont glorieuses et grandes, et l’espérance est au-dessus de notre mérite. Qu’est-ce que l’homme, pour que tu te souviennes de lui ? Quel est ce nouveau mystère en moi ? Je suis petit et grand, humble et élevé, mortel et immortel, terrestre et céleste à la fois. De ces attributs, les uns me sont communs avec ce bas monde, les autres avec Dieu ; les uns avec la chair, les autres avec l’esprit. Il faut que je sois enseveli avec le Christ, que je ressuscite avec le Christ, que je sois héritier avec le Christ, que je devienne fils de Dieu, Dieu même. Voyez jusqu’où dans sa marche nous a élevés ce discours. Peu s’en faut que je ne rende grâce au malheur qui m’a inspiré ces réflexions et qui m’a fait désirer plus ardemment de quitter cette terre. C’est là ce que nous apprend ce grand mystère ; c’est là ce que nous enseigne un Dieu qui s’est fait homme et pauvre pour nous, afin de relever la chair ; de sauver son image, de renouveler l’homme, pour que nous ne soyons tous qu’un en Jésus-Christ, qui a été tout en nous avec la perfection qu’il possède, pour qu’il n’y ait plus parmi nous ni homme, ni femme, ni barbare, ni scythe, ni esclave, ni libre, car ce sont là les distinctions de la chair, mais que nous portions seul en nous le caractère divin par qui et pour qui nous sommes nés, et que sa forme et son empreinte suffisent pour nous faire reconnaître.

    Extrait de l’éloge funèbre de Césaire, traduction Edouard Sommer

  • In toto corde meo

    . In toto corde meo, alleluia, exquisivi te, alleluia: * Ne repellas me a mandatis tuis, alleluia, alleluia.
    . Benedictus es tu, Domine, doce me justificationes tuas.
    . Ne repellas me a mandatis tuis, alleluia, alleluia.

    Je vous ai recherché, alléluia, de tout mon cœur, alléluia. Ne me repoussez pas de vos commandements, alléluia, alléluia. Vous êtes béni, Seigneur, enseignez-moi vos justifications.

    Répons des matines, constitué des versets 10 et 12 du psaume 118, avec les alléluias de Pâques. Curieusement, tous les manuscrits qu’on trouve sur internet ont un autre verset : « Vide humilitatem meam et eripe me quia legem tuam non sum oblitus » (le verset 153 du même psaume 118).

    « Je vous ai cherché de tout mon cœur », dit-il à Dieu, « ne me repoussez point de votre loi ». Le voilà qui implore du secours pour garder les paroles de Dieu. Tel est en effet le sens de cette parole « Ne me rejetez point de vos préceptes ». Etre rejeté de Dieu, qu’est-ce à dire, sinon ne recevoir de lui aucun secours? La loi de Dieu si juste, si relevée, est trop disproportionnée à la faiblesse humaine, pour que nous l’observions, si Dieu dans sa bonté ne nous prévenait de son aide. Et ne point nous aider, c’est réellement nous repousser, c’est l’épée de flammes qui empêche l’homme devenu indigne de toucher à l’arbre de vie. Mais qui est digne d’être aidé, depuis que par un seul homme le péché est entré dans le monde, et par le péché la mort qui a passé en tous les hommes par ce seul homme en qui tous ont péché ? Or, cette misère qui nous est due, est guérie par la miséricorde que Dieu ne nous doit point. Car notre interlocuteur qui nous dit ici : « Je vous ai cherché de tout mon « cœur » ; comment le pourrait-il, si Dieu lui-même ne l’avait appelé à lui, quand il se détournait; lui à qui le Prophète a dit: « Convertissez-nous, Seigneur, et donnez-nous la vie »; s’il ne cherchait lui-même celui qui est perdu, s’il ne rappelait celui qui s’égare, lui qui a dit: « Je rechercherai ce qui était perdu, «je rappellerai dans la voie ce qui était égaré ».

    C’est ainsi que notre interlocuteur redresse ses voies en gardant la parole de Dieu, sous la direction et sous l’action de Dieu ; ce qu’il ne pourrait faire de lui-même; aussi Jérémie nous fait-il cet aveu : « Je sais, ô mon Dieu,  que la voie de l’homme n’est point à lui, et que par lui-même il ne saurait marcher ni diriger ses pas ». C’est là ce que demandait plus haut celui qui s’écriait : « Puissent mes voies se redresser » ; et ici encore quand il dit : « J’ai caché vos paroles dans mon cœur, afin de ne point pécher contre vous »; il se hâte d’implorer le secours divin, de peur qu’il n’eût caché inutilement cette parole divine dans son cœur, si elle ne produisait des œuvres de justice. Aussi, quand il ajoute : « Béni êtes-vous, Seigneur; enseignez-moi vos ordonnances »; enseignez-les moi, dit-il, comme les savent ceux qui les pratiquent, non ceux qui s’en souviennent simplement afin de pouvoir en parler. Déjà il avait dit en effet: « J’ai caché vos paroles dans mon cœur, afin de ne point pécher contre vous »; pourquoi veut-il encore apprendre ces mêmes paroles qu’il tient déjà cachées dans son cœur ? Ce qu’il n’aurait pu faire si déjà il ne les eût apprises. Pourquoi donc ajouter : « Enseignez-moi vos voies », sinon parce qu’il veut les apprendre en les accomplissant, et non les retenir dans sa mémoire ou en parler ? Comme donc il est dit dans un autre psaume : « Celui qui a donné la loi donnera aussi la bénédiction »; le Prophète nous dit ici : « Béni êtes-vous, Seigneur, enseignez-moi vos ordonnances». Puisque j’ai caché votre parole dans mon cœur afin de ne point pécher contre vous, vous m’avez donné la loi; donnez-moi aussi la bénédiction de la grâce, afin que j’apprenne en la pratiquant ce que vous m’avez commandé en m’instruisant.

    Saint Augustin