Allelúia. Exívi a Patre, et veni in mundum : íterum relínquo mundum, et vado ad Patrem. Allelúia.
Allelúia. Je suis sorti du Père, et je suis venu dans le monde ; je quitte de nouveau le monde, et je vais auprès du Père. Alléluia.
(…) Notre Seigneur parlait de lui-même en disant qu’il était venu du Père et qu’il retournait au Père mais il ne le disait pas sans penser à ses membres qui ne font qu’un avec lui. Eux aussi viennent de Dieu en ce sens qu’ils ont été de toute éternité portés dans la pensée divine et prédestinés à vivre la vie du Christ à telle époque, dans telle contrée ; et, leur vie achevée, ils quittent le monde et vont vers le Père pour leur éternelle béatitude. Nous pouvons donc, tout en les mettant sur les lèvres du Christ, faire nôtres ces paroles et chanter sur elles le cycle de notre vie errante.
La mélodie est faite d’un seul motif qui va du ré au sol et du sol au ré, presque toujours par degrés conjoints. Ce motif revêt deux formes.
A travers ces montées et ces descentes, légères, fluides, toujours les mêmes et sans cesse répétées (15 fois dans l’ensemble de l’Alléluia et du verset) la voix du Christ nous vient comme de très haut, planant au-dessus du temps, au-dessus des événements, au-dessus de ses disciples, au-dessus de la peine qu’ils ont de le voir partir, au-dessus de nos désirs trop humains à nous aussi, qui voudrions tant qu’il fût là avec son corps de chair. Et elle chante la seule chose qui importe : le mouvement dans lequel tout être doit avoir son mouvement s’il veut atteindre sa fin : venir du Père, aller au Père. Et pour la chanter, elle a l’expression de ce qui dure : de la joie qui a sa plénitude. C’est une voix de contemplation, la voix de quelqu’un qui est fixé sur son objet, sur son bien ; la voix du Christ ressuscité qui juge tout dans sa sagesse infinie, du Christ heureux dans la volonté du Père qui l’a envoyé et qui le rappelle.
Dom Ludovic Baron
(Chant par les moniales de Jouques)