Les trois étapes de la conversion de saint Augustin, un modèle pour chaque être humain. Cinquième et dernière catéchèse de Benoît XVI sur saint Augustin, le 27 février 2008.
Saint Augustin a été un chercheur passionné de la vérité : il l’a été dès le début et ensuite pendant toute sa vie. La première étape de son chemin de conversion s’est précisément réalisée dans l’approche progressive du christianisme. En réalité, il avait reçu de sa mère Monique, à laquelle il resta toujours très lié, une éducation chrétienne et, bien qu’il ait vécu pendant ses années de jeunesse une vie dissipée, il ressentit toujours une profonde attraction pour le Christ, ayant bu l’amour pour le nom du Seigneur avec le lait maternel, comme il le souligne lui-même. Mais la philosophie également, en particulier d’inspiration platonicienne, avait également contribué à le rapprocher ultérieurement du Christ en lui manifestant l’existence du Logos, la raison créatrice. Les livres des philosophes lui indiquaient qu’il y d’abord la raison, dont vient ensuite tout le monde, mais ils ne lui disaient pas comment rejoindre ce Logos, qui semblait si loin. Seule la lecture des lettres de saint Paul, dans la foi de l’Église catholique, lui révéla pleinement la vérité. Cette expérience fut synthétisée par Augustin dans l’une des pages les plus célèbres de ses Confessions : il raconte que, dans le tourment de ses réflexions, s’étant retiré dans un jardin, il entendit à l’improviste une voix d’enfant qui répétait une cantilène, jamais entendue auparavant : tolle, lege, tolle, lege, "prends, lis, prends, lis". Il se rappela alors de la conversion d’Antoine, père du monachisme, et avec attention il revint au codex de Paul qu’il tenait quelques instants auparavant entre les mains, il l’ouvrit et son regard tomba sur la lettre aux Romains, où l’Apôtre exhorte à abandonner les œuvres de la chair et à se revêtir du Christ. Il avait compris que cette parole, à ce moment, lui était personnellement adressée, provenait de Dieu à travers l’Apôtre et lui indiquait ce qu’il fallait faire à ce moment. Il sentit ainsi se dissiper les ténèbres du doute et il se retrouva finalement libre de se donner entièrement au Christ : "Tu avais converti mon être à toi", commente-t-il. Ce fut la première conversion décisive.
Le rhéteur africain arriva à cette étape fondamentale de son long chemin grâce à sa passion pour l’homme et pour la vérité, passion qui le mena à chercher Dieu, grand et inaccessible. La foi en Christ lui fit comprendre que le Dieu, apparemment si lointain, en réalité ne l’était pas. En effet, il s’était fait proche de nous, devenant l’un de nous. C’est dans ce sens que la foi en Christ a porté à son accomplissement la longue recherche d’Augustin sur le chemin de la vérité. Seul un Dieu qui s’est fait "tangible", l’un de nous, était finalement un Dieu que l’on pouvait prier, pour lequel et avec lequel on pouvait vivre. Il s’agit d’une voie à parcourir avec courage et en même temps avec humilité, en étant ouvert à une purification permanente dont chacun de nous a toujours besoin. Mais avec cette Veillée pascale de 387, comme nous l’avons dit, le chemin d’Augustin n’était pas conclu. De retour en Afrique et ayant fondé un petit monastère, il s’y retira avec quelques amis pour se consacrer à la vie contemplative et à l’étude. C’était le rêve de sa vie. A présent, il était appelé à vivre totalement pour la vérité, avec la vérité, dans l’amitié du Christ qui est la vérité. Un beau rêve qui dura trois ans, jusqu’à ce qu’il soit, malgré lui, consacré prêtre à Hippone et destiné à servir les fidèles, en continuant certes à vivre avec le Christ et pour le Christ, mais au service de tous. Cela lui était très difficile, mais il comprit dès le début que ce n’est qu’en vivant pour les autres, et pas seulement pour sa contemplation privée, qu’il pouvait réellement vivre avec le Christ et pour le Christ. Ainsi, renonçant à une vie uniquement de méditation, Augustin apprit, souvent avec difficulté, à mettre à disposition le fruit de son intelligence au bénéfice des autres. Il apprit à communiquer sa foi aux personnes simples et à vivre ainsi pour elles, dans ce qui devint sa ville, accomplissant sans se lasser une activité généreuse et difficile, qu’il décrit ainsi dans l’un de ses très beaux sermons : "Sans cesse prêcher, discuter, reprendre, édifier, être à la disposition de tous - c’est une lourde charge, un grand poids, une immense fatigue." Mais il prit ce poids sur lui, comprenant que précisément ainsi il pouvait être plus proche du Christ. Comprendre que l’on arrive aux autres avec simplicité et humilité, telle fut sa véritable deuxième conversion.
Mais il y a une dernière étape du chemin d’Augustin, une troisième conversion : celle qui le mena chaque jour de sa vie à demander pardon à Dieu. Il avait tout d’abord pensé qu’une fois baptisé, dans la vie de communion avec le Christ, dans les Sacrements, dans la célébration de l’Eucharistie, il serait arrivé à la vie proposée par le Discours sur la montagne : à la perfection donnée dans le baptême et reconfirmée dans l’Eucharistie. Dans la dernière partie de sa vie, il comprit que ce qu’il avait dit dans ses premières prédications sur le Discours de la montagne - c’est-à-dire ce que nous à présent, en tant que chrétiens, nous vivons constamment cet idéal - était erroné. Seul le Christ lui-même réalise vraiment et complètement le Discours de la montagne. Nous avons toujours besoin d’être lavés par le Christ, qu’il nous lave les pieds et qu’il nous renouvelle. Nous avons besoin d’une conversion permanente. Jusqu’à la fin nous avons besoin de cette humilité qui reconnaît que nous sommes des pécheurs en chemin, jusqu’à ce que le Seigneur nous donne la main définitivement et nous introduise dans la vie éternelle. Augustin est mort dans cette dernière attitude d’humilité, vécue jour après jour.