Cardinal Schuster :
Il est évident que la liturgie romaine traditionnelle a été comme étouffée par les fêtes nouvelles ajoutées depuis le XVIe siècle, fêtes qui, à Rome, ont une importance très inférieure à celle des fêtes écrites antérieurement en caractères de sang dans ses fastes hagiographiques. Le fait est qu’en ce jour la messe et la station en l’honneur du martyr Chrysogone sont pratiquement supprimées par l’office de saint Jean de la Croix, lequel, d’ailleurs, n’est même pas mort à cette date (14 décembre 1591).
Voici la notice du bienheureux cardinal Schuster sur saint Chrysogone (cité au canon de la messe après saint Laurent).
Chrysogone, appelé par les Grecs Megalomartyr (Grand Martyr), semble être un martyr d’Aquilée, qui, dès le IVe siècle, eut une basilique à Rome, comme pour conserver le souvenir de sa résidence à cet endroit du Transtévère.
Dans les cimetières suburbains, on ne rencontre aucune trace de culte en relation avec un souvenir funéraire de ce Saint ; il faut donc en conclure qu’il ne s’agit pas d’un martyr romain. Cependant Chrysogone fait partie de cette série de martyrs considérés comme romains à cause de leur culte établi dès l’antiquité dans l’une des basiliques de la Ville.
Il semble que le titulus Chrysogoni remonte au IVe siècle ; tout au moins la base de la statue du Bon Pasteur, retrouvée en ce lieu au XVIIe siècle, peut aisément être attribuée à cette époque.
II y a quelques années, on retrouva l’ancienne abside et une partie du transept du titulus, dont le niveau primitif correspond à peu près à celui de l’antique excubitorium des gardes, lequel remonte au IIe siècle. L’inscription que transcrivirent les anciens auteurs de recueils épigraphiques est remarquable : In throno sancti Chrysogoni.
SEDES • CELSA • DEI • PRAEFERT • INSIGNIA • CHRISTI
QVOD • PATRIS • ET • FILII • CREDITVR • VNVS • HONOR
Les emblèmes du Christ resplendissent sur le trône même du Tout-Puissant,
parce qu’au Père et au Fils est due une même adoration.
La mosaïque devait sans doute représenter l’étimasie habituelle ; quant aux vers, ils trahissent une préoccupation anti-arienne.
Le nom de Chrysogone est entré dans les diptyques romains du Canon, ce qui nous garantit la faveur dont jouissait dans l’antiquité le culte de ce martyr, dont l’image en mosaïque, avec le nom CHRYSOGONUS, apparaît aussi à Ravenne, tant sur la voûte de la chapelle épiscopale de saint Pierre Chrysologue, que dans la théorie de saints qui orne la nef de Saint-Martin in caelo aureo (Saint-Apollinaire-le-Neuf).
La messe In virtute est du commun, sauf les collectes qui sont spéciales.
Collecte. — « Seigneur, exaucez nos supplications, afin que, nous reconnaissant coupables, nous soyons délivrés de nos iniquités, grâce à l’intercession de votre bienheureux Martyr Chrysogone. »
L’antique discipline de l’Église, durant les trois premiers siècles, reconnaissait aux confesseurs et aux martyrs détenus dans les prisons le privilège d’intercéder auprès de l’évêque, et d’obtenir en faveur des pénitents publics une rémission de leur peine, ou leur rentrée dans la communion de l’Église. Aux martyrs déjà couronnés par Dieu dans le ciel, la liturgie attribue la même prérogative. Leur sang, en vertu de celui du Christ pour qui il fut répandu, peut laver, non seulement leurs taches personnelles, mais aussi celles des fidèles qui recourent à leur intercession.
Selon la liste des évangiles de Wurzbourg, aujourd’hui le texte assigné pour la messe stationnale était tiré de saint Jean (15, 17-25) : Hæc mando vobis, ut diligátis ínvicem… Quia ódio habuérunt me gratis, que nous avons déjà rapporté pour la fête des saints Simon et Jude le 28 octobre.
Pour cette fête, les Sacramentaires assignent une préface propre.
Postcommunion. — « Que par la participation à votre sacrement, Seigneur, nous soyons purifiés de nos fautes cachées et délivrés des pièges de nos ennemis. »
De quels ennemis s’agit-il ici ? D’ennemis visibles, à l’époque où l’empire romain était attaqué de tous côtés par les barbares, ou bien des assauts des démons ? Nous pouvons aussi envisager comme probable la signification matérielle de ce combat, et c’est pourquoi aujourd’hui la sainte liturgie demande pour nous au Seigneur une double grâce : dans nos âmes, la purification de toute faute ; et, au dehors, échapper à un châtiment semblable à celui que Dieu infligea autrefois, par la main des Barbares et de cet Attila qui s’attribuait à lui-même le nom de fléau de Dieu : flagellum Dei.
Saint Chrysogone sur une mosaïque de la chapelle épiscopale de Ravenne.
Saint Chrysogone sur une mosaïque de Saint-Apollinaire-le-Neuf (le premier à droite).