A nouvelle année liturgique, nouvelle Bible : je découvre la TOB. Malgré sa réputation sulfureuse, j’avais un a priori plutôt favorable, surtout parce qu’on n’y trouve pas le pénible « Yahvé ». Sous l’influence des protestants et des orthodoxes, qui tous rejettent cette invention absurde. J’espérais d’autre part que les orthodoxes auraient infléchi les faux dogmes historico-critiques. Mais il n’en est rien, manifestement. En réalité, pour ce que j’en ai aperçu jusqu’ici, cette Bible n’est en rien « œcuménique », ni chrétienne de quelque façon, elle est agnostique (et tout chrétien commence par s’y perdre, puisque l’ordre des livres est celui de la Bible juive…).
On commence donc par Isaïe, puisque c’est la lecture de l’Avent. Et pas seulement la lecture : la liturgie de ce temps est saturée de citations d’Isaïe, tant il est vrai que le « 5e évangéliste » a annoncé tant la venue du Christ que sa Passion. Ce que l’on ne trouvera pas dans la TOB. Certes, c’est un lieu commun de l’exégèse historico-critique et donc des Bibles modernes que les prophètes ne prophétisent pas, mais ici cela va plus loin encore. Non seulement on interdit aux prophètes de prophétiser, et l’on se gausse des méthodes d’exégèse des premiers siècles (l’exégèse des pères, qui est l’exégèse de saint Paul, qui est l’exégèse… du Christ en personne dans les Evangiles…), mais la TOB pousse le négationnisme jusqu’à son ultime caricature.
L’exemple arrive très vite : c’est bien sûr Isaïe 7, 14 : « Voici que la vierge concevra, et enfantera un fils, et on l’appellera du nom d’Emmanuel. »
TOB : « Voici que la jeune femme est enceinte et enfante un fils et elle lui donnera le nom d’Emmanuel. »
C’est un lieu commun de l’exégèse moderne que le mot hébreu almah ne veut pas dire vierge mais jeune femme. On ne prend même pas la peine de discuter les arguments de saint Jérôme expliquant que dans la Bible almah veut généralement dire vierge, d’où sa traduction par virgo. La première particularité de la TOB est que dans sa très longue note elle ne signale même pas la citation de ce verset dans l’évangile de saint Matthieu. Il est tellement impossible que le prophète ait prophétisé la naissance du Christ que la TOB ignore l’évangile. L’évangile qui citant Isaïe dit : « la Vierge ». En latin : virgo. En grec : parthenos. Parce que dans le texte d’Isaïe en grec il y a parthenos. Il est probable que les rabbins hellénisés des IIe et IIIe siècles avant Jésus-Christ, qui parlaient hébreu et grec, eussent une connaissance de l’hébreu et du grec qui ne soit pas totalement négligeable, et que ce n’est pas sans raison qu’ils aient traduit almah par parthenos (et forcément sans arrière-pensée chrétienne).
A ce propos, la TOB écrit : « La tradition chrétienne ancienne, y compris orthodoxe, a privilégié la traduction grecque parthenos, interprétée comme signifiant vierge, et l’a appliquée à Marie, mère de Jésus. Mais l’ancienne version grecque a rendu également par le même mot parthenos les termes hébreux désignant une jeune femme (Gn 24,43 ; Es 7, 14…) (….). »
1- « La tradition chrétienne ancienne, y compris orthodoxe », ça ne veut strictement rien dire. Dans la tradition ancienne il n’y a pas d’orthodoxes. Il y a des traditions latine, grecque, syriaque… Cette expression est mise là pour embrouiller l’esprit du lecteur.
2 – Car il ne s’agit pas d’abord d’une tradition quelle qu’elle soit, mais de l’évangile de saint Matthieu (qu’on se refuse absolument à évoquer).
3 – On nous donne deux références de la Bible grecque où parthenos voudrait dire jeune femme. La première renvoie à la rencontre de l’envoyé de Jacob avec Rebecca : la promise d’Isaac est bien évidemment vierge. La deuxième référence renvoie… au verset d’Isaïe dont nous parlons. Sic.
Et il faudrait prendre au sérieux les guignols qui nous racontent ces misérables farces.
Retournons à la liturgie de l’Avent…