Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Rechercher : massorétique

  • Adam et la TOB

    Voilà bien longtemps que je n’ai pas évoqué la TOB (« traduction œcuménique de la Bible) que je lis cette année. C’est qu’il n’y a pas grand chose à en dire, de plus ou de moins que ce que j’ai dit de la Bible Osty ou de la Bible de Jérusalem, puisque ce sont les mêmes principes matérialistes et les mêmes tics de l’esprit moderne qui sont à l’œuvre. Un atout incontestable de la TOB est qu’elle nous épargne les « Yahvé ». Et il lui arrive d’être moins pire que les autres. Il y a même de bonnes surprises. Car les traductions ne sont pas harmonisées. Ainsi le traducteur des livres des Chroniques tranche sur ses confrères, quand à plusieurs reprises il ose affirmer que le texte massorétique n’est pas bon et que ce sont les versions qui sont certainement les plus proches du texte originel…

    Mais ce matin, terminant la lecture de l’Ecclésiastique, selon les indications du bréviaire (la semaine prochaine c’est Job), je suis tombé sur un exemple particulièrement représentatif des conséquences de l’aveuglement volontaire de ces « spécialistes » qui traduisent la Bible en lui refusant absolument tout sens spirituel.

    C’est la fin du chapitre 49 :

    Sem et Seth furent glorieux parmi les hommes, mais au-dessus de tout être vivant dans la création est Adam.

    Et il y a cette note :

    « On ne voit pas bien sur quoi se fonde pour Ben Sira la gloire suprême d’Adam, peut-être sur le fait que, créé le premier, il est exclusivement l’œuvre de Dieu. En tout cas, c’est comme ancêtre d’Israël qu’il figure ici. »

    En fait, quand on ne comprend pas, mieux vaut ne rien dire…

    Le mot grec traduit par “création” est κτίσις. Ce mot veut dire initialement « fondation », donc création, donc créature (son sens le plus fréquent dans la Bible), et aussi, finalement, institutions politiques (dans la première épître de saint Pierre). Il n’est pas faux de le traduire par “création”, mais il a manifestement ici son sens originel : il renvoie à l’acte créateur de Dieu, à la fondation du ciel et de la terre et de ce qui y habite. Ce que la Vulgate a fort bien interprété en traduisant par « in origine ». Dans l’origine. Ce qui coupe court à toute ambiguïté. Et souligne en quoi Adam est au-dessus de toute créature, ce qui est évident pour tout chrétien et pour quiconque lit la Bible sans œillères antireligieuses : il s’agit d’Adam in origine, Adam l’homme parfait, à la parfaite image et ressemblance de Dieu. Adam avant la chute, dont la gloire est infiniment au-dessus de celle de quelque vivant que ce soit. C’est cela, tout simplement, que veut dire, et que dit, l’Ecclésiastique. Mais si l’on ne croit plus au péché originel, on ne comprend même plus cela que derrière un confus et obscur "peut-être"...

  • Encore la Mer Rouge

    Lisant les Actes des Apôtres, je m’aperçois que dans son grand discours devant le sanhédrin saint Etienne, selon toutes les traductions, parle du passage de la « Mer Rouge ».

    Or, si l’on se reporte au récit de l’Exode, toutes les traductions modernes parlent de la « Mer des Joncs » (ou « des Roseaux »). Et l’on nous explique que la traduction « Mer Rouge » est une erreur.

    On a toujours parlé de la Mer Rouge. Les traductions grecques et latines et toute la tradition ont toujours et partout parlé de la Mer Rouge, mais heureusement nous qui sommes intelligents et connaissons l’hébreu biblique beaucoup mieux que ceux qui parlaient l’hébreu biblique savons que c’était une erreur…

    Une erreur qui donc est aussi celle de saint Etienne et de saint Luc (et aussi de l’auteur de l’épître aux Hébreux)… Mais, alors que dans l’Exode nous avons des notes nous expliquant que les Septante et saint Jérôme étaient des gros nuls, il n’y a pas la moindre note pour tenter de nous expliquer pourquoi le Nouveau Testament parle bêtement de la Mer Rouge alors que tout le monde sait que ce n’était pas du tout la Mer Rouge…

    Il en est de même avec la tente où se manifestait la présence de Dieu. Saint Etienne parle de la « tente du témoignage », et c’est en effet ainsi qu’elle s’appelle toujours dans la Bible grecque, et souvent dans la Bible latine (saint Jérôme dit aussi « tente de l’alliance »), mais jamais dans les traductions modernes, qui parlent de la « tente de la rencontre ». La « tente du rendez-vous », dit la Bible de Jérusalem. Au comble du trivial, chez Crampon et Pirot-Clamer, c'est la « tente de réunion » !… Là encore, il n’y a personne pour nous dire que ce pauvre saint Etienne, et ce pauvre saint Luc (je veux dire, bien sûr : l'auteur des Actes, qui se fait passer pour Luc), sont à côté de la plaque, et que tout le monde sait aujourd’hui que ce n’était pas la « tente du témoignage ».

    Etrange, tout de même, cette subite pudeur devant le texte du Nouveau Testament… A moins que ce ne soit l’expression d’une sourde gêne devant des contradictions dont on ne sait pas se dépatouiller…

    NB. - On trouve aussi "Mer rouge" dans les livres de Judith, Sagesse, Macchabées, traduits du grec puisqu'ils ne figurent pas dans la Bible massorétique, et toujours sans la moindre explication.

  • Emitte Agnum, Domine…

    « Envoyez l’agneau du souverain du pays… » Ainsi la TOB traduit-elle les premiers mots du chapitre 16 d’Isaïe. Exactement comme Osty. Les deux supposent qu’il s’agit d’un agneau donné comme tribut symbolique, au roi de Juda selon Osty, au roi de Juda ou au roi de Moab selon la TOB qui ne sait pas trop… Mais ce qui est sûr est qu'il n'y a nulle part dans l'Ancien Testament la mention d’un agneau envoyé comme tribut symbolique…

    La TOB, fidèle à son principe négationniste bétonné, ne fait aucune allusion à la traduction de la Vulgate et à son emploi dans la liturgie de l’Avent. Osty quant à lui ne se prive pas de se gausser du « contresens de la Vulgate que la liturgie catholique [il veut dire latine] a immortalisé en appliquant l’agneau à Jésus-Christ : l’Agneau dominateur de la terre ! »

    Emitte Agnum, Domine, dominatorem terrae, de petra deserti ad montem filiae Sion.

    Envoie l’Agneau, Seigneur, le dominateur de la terre, de la pierre du désert à la montagne de la fille de Sion.

    Y a-t-il vraiment de quoi se moquer de la Vulgate ?

    Le texte massorétique, le fameux texte de référence de tous les traducteurs modernes, dit littéralement :

    Envoyez-agneau dominateur-terre.

    Les traductions sont incertaines, entre « l’agneau du maître » et l’agneau qu’on envoie « au maître » (dont la soi-disant Bible de la liturgie…). Osty et la TOB (et la Bible de Jérusalem) se gardent de nous dire pourquoi elles ont choisi « du ». Et pour la Bible du rabbinat, c’est « le troupeau dû au maître du pays »…

    On constate que John Nelson Darby, l’anglican (très) dissident polyglotte qui voulait traduire au plus près des textes, a traduit : « Envoyez l’agneau [du] dominateur du pays. » Il n’allait évidemment pas donner raison à la Vulgate, mais il a dû se résoudre à mettre [du] entre crochets, car il n'y a rien dans le texte hébreu qui indique un complément de nom (ou d'attribution). Et, plus près de nous, le syncrétiste André Chouraqui qui se piquait de donner une traduction littérale, a proposé : « Renvoyez l’agnelet, gouverneur de la terre ». Renvoyez étant un pluriel, gouverneur est bien en apposition à agnelet. C’est l’agneau qui est le gouverneur de la terre. Chouraqui donne raison à la Vulgate. Et du même coup à la liturgie latine, et donc au fait que le texte est une prophétie christique. N’en déplaise à la TOB. Et Osty peut ravaler son mépris.

  • Une petite expérience

    La lecture biblique du temps de la Passion est Jérémie. En lisant le texte de la Vulgate, on tombe sur la fameuse « colère de la colombe », et plus loin il y a, deux fois, le « glaive de la colombe » (au ch. 25). Tous les traducteurs modernes se moquent de saint Jérôme qui a confondu un mot voulant dire « oppresseur », « destructeur » (il s’agit de Nabuchodonosor qui va envahir Israël) avec le mot voulant dire « colombe ».

    Je suis allé prendre le mot hébreu dans la Bible massorétique (tel qu’il est, avec ses signes diacritiques et son préfixe), et je l’ai donné au Wiktionnaire, pour voir. Et le Wiktionnaire, qui n’a pas de préjugés, à qui je n’ai rien dit, traduit : « colombe »… En donnant comme exemples les 5 mentions de la colombe dans l’histoire de l’arche de Noé.

    Il est vrai que le mot est aussi un verbe voulant dire maltraiter, opprimer. Mais si saint Jérôme a choisi de traduire par « colombe », c’est qu’il voyait que l’exégèse du texte était ainsi beaucoup plus riche (au lieu d’être simplement inexistante si l’on dit cette évidence que le roi qui vient ravager Israël est un méchant). La colombe associée à la colère et au glaive renvoie par exemple au Cantique des cantiques, où la bien aimée est une colombe… comme une armée rangée en ordre de bataille. Et si la colombe du Cantique est la Sainte Vierge, son glaive est celui qui lui transperce le cœur, lors de la Passion de son Fils. (A noter que la référence au Cantique des cantiques se trouve dans le texte même de Jérémie, au ch. 45 : soyez comme la colombe qui fait son nid en haut de l'ouverture (du rocher).)

    Ce matin j’écoutais la messe du Barroux, chantée comme toujours de façon véritablement somptueuse, avec un souffle, un élan, un sens du phrasé grégorien exceptionnel. J’ai acheté en janvier un appareil appelé « Arcam Bluetooth », qui relie mon ordinateur à ma chaîne stéréo qui est à 7 mètres de là. Je me disais que pendant le carême il ne me servirait à rien, puisque l’une de mes pénitences de carême (et c’est pour moi une vraie pénitence) est de ne pas écouter de musique. Et voilà que le coronavirus fait que je dois me contenter d’un ersatz de messe quotidienne, mais au moins cet ersatz est une merveille musicale, ce qui me console un peu – merci Le Barroux. La messe était celle des 7 douleurs de la Sante Vierge. Et je me disais, en écoutant l’épître (et comme c’est beau aussi le chant de l’épître), que Judith n’était en rien une figure des 7 douleurs. Si la ville souffre terriblement, elle-même ne laisse percer aucune souffrance, elle est tout uniment un bloc de volonté et de détermination, qui s’en va tuer l’oppresseur pour délivrer la ville. Elle est la colère de la colombe, le glaive de la colombe, à elle seule une armée rangée en ordre de bataille, et c’est en cela qu’elle est une figure de la Mère de Dieu.

  • Samedi de la quatrième semaine de carême

    4f89c831789987685e1f80804eacea14.jpg

    ℟. Spléndida facta est fácies Móysi, dum respíceret in eum Dóminus: * Vidéntes senióres claritátem vultus ejus, admirántes timuérunt valde.
    . Cumque descendísset de monte Sínai, portábat duas tábulas testimónii, ignórans quod cornúta esset fácies ejus ex consórtio sermónis Dei.
    ℟. Vidéntes senióres claritátem vultus ejus, admirántes timuérunt valde.

    La face de Moïse était devenue rayonnante de lumière, depuis que le Seigneur l’avait regardé : Les anciens d’Israël voyant l’éclat de son visage, l’admirèrent et furent saisis de crainte.
    Lorsque Moïse descendit de la montagne de Sinaï, il portait les deux tables du témoignage, et il ignorait que sa face était cornue depuis l’entretien du Seigneur avec lui.

    Ce répons des matines reprend la fin du chapitre 34 de l’Exode, avec des expressions qui ne sont pas exactement celles de la Vulgate, sauf pour le mot « cornuta ».

    C’est le fameux visage « cornu » de Moïse, qui a donné lieu en Occident à des images d’un Moïse portant réellement des cornes, le plus célèbre étant celui de Michel Ange.

    Le texte du répons fait penser qu’il provient d’une vetus latina, mais les anciennes traductions latines sont faites sur la Septante. Or le Moïse de la Septante n’a pas de cornes :

    Μωυσῆς οὐκ ᾔδει ὅτι δεδόξασται ἡ ὄψις τοῦ χρώματος τοῦ προσώπου αὐτοῦ ἐν τῷ λαλεῖν αὐτὸν αὐτῷ.

    Moïse ne savait pas que l’aspect de la carnation de son visage était glorifié de par sa conversation avec lui (Dieu).

    Les Septante avaient sans doute (correctement) interprété ainsi le texte hébreu qui avait le verbe qrn (qaran) : pousser des cornes, avoir des cornes. En tout cas c’est le texte qu’avait saint Jérôme, qui l’a traduit de façon littérale. Le verbe ne se trouve qu’une autre fois dans la Bible massorétique, dans le psaume 69, où il signifie bien « avoir des cornes ». D’autant que le même mot qrn, vocalisé qeren, veut dire… corne, et se trouve 76 fois dans la Bible, toujours avec ce sens, éventuellement au figuré (notamment dans les psaumes) dans le sens de « force ». Mais ici il ne s’agit pas de force, il s’agit de rayons de lumière, de la lumière divine qui avait transfiguré le visage de Moïse, obligé de porter un voile pour ne pas terrifier les Hébreux.

    Ce cornuta est le seul emploi de l’adjectif cornutus dans la Vulgate (trois fois de suite pour parler du visage de Moïse) en dehors du livre de Daniel où il s’agit d’un bélier... cornu.

  • Saint Jérôme

    Il faut remarquer d'abord que ce psaume (89) a pour titre, et dans le texte hébreu et dans la version des Septante Prière de Moïse, l'homme de Dieu, qualité convenant parfaitement à ce saint homme qui pouvait dire: « J'ai vu Dieu face à face, et mon âme a été sauvée », qui nous a appris la création de l'homme et de toutes les choses invisibles, l'histoire de tout ce qui s'est fait dans les siècles passés, et qui enfin nous a donné non seulement les cinq premiers livres de l'Ecriture sainte, savoir : la Genèse, l'Exode, le Lévitique, les Nombres et le Deutéronome, mais encore onze psaumes, depuis le quatre-vingt-neuvième qui commence par ces paroles: « Seigneur, vous avez été notre refuge » jusqu'au quatre-vingt-dix-neuvième qui a pour titre Psaume pour la louange. Il est vrai que le psaume quatre-vingt-dix-huitième est intitulé dans plusieurs exemplaires Psaume pour David, mais ce titre ne se trouve point dans l'hébreu, et c'est la coutume de l'Ecriture sainte d'attribuer les psaumes qui n'ont point de titre aux auteurs dont le nom est à la tête des psaumes qui précèdent.

    Or, il y a quatre psaumes intitulés Oratio, prière; savoir: le seizième, qui a pour titre Oraison de David, et qui commence par ces mois. « Ecoutez favorablement, Seigneur, la justice de ma cause » ; le quatre-vingt-neuvième que j'entreprends d'expliquer ici, et qui commence parce verset: « Seigneur, vous avez été notre refuge » ; le quatre-vingt-cinquième, qui commence par ces paroles: « Abaissez, Seigneur, votre oreille », et le cent-unième qui a pour titre Oraison du pauvre lorsqu'il sera dans l'affliction et qu'il répandra sa prière en la présence du Seigneur. Ce « pauvre » est David, mais en cela il est la figure de Jésus-Christ qui de riche qu'il était s'est fait « pauvre » pour l'amour de nous, et que pour nous donner des marques de sa pauvreté et de sa douceur, et en même temps pour accomplir la prophétie de Zacharie, a bien voulu monter sur le poulain d'une ânesse. (…)

    Les grammairiens appellent oraison tout discours que on prononce en public : on ne trouve guère ce mot en ce sens dans l’Ecriture sainte; elle ne donne le nom d'oraison qu'aux prières que l'on fait à Dieu. C'est une opinion établie parmi les Hébreux que le Psautier est divisé en cinq livres : le premier comprend les psaumes depuis le premier jusqu'au quarantième; le second, depuis le quarante et unième jusqu'au soixante et onzième; le troisième, depuis le soixante-douzième jusqu'au quatre-vingt-huitième; le quatrième, depuis le quatre-vingt-neuvième, que j'entreprends d'expliquer ici, jusqu'au cent-cinquième; et que ces quatre livres finissent tous dans l'hébreu par ces deux mots: amen, amen, que les Septante ont traduits par ceux-ci: ainsi soit-il, ainsi soit-il. Le cinquième livre commence au psaume cent-sixième et finit au dernier. Il en est de même des douze prophètes, dont les Hébreux ne font qu'un seul volume.

    *

    Ceci est le début, ou plutôt le prologue, de l’explication du psaume 89 par saint Jérôme qui va, selon son habituelle virtuosité, mener de front une explication du texte hébreu et de la Septante, non sans aperçus sur d’autres traductions grecques, pour tirer un profit spirituel des différences de traduction. On voit ici très clairement que saint Jérôme utilise une seule numérotation des psaumes : celle que l’on retrouve dans la Vulgate. Cette numérotation était la seule à son époque, tant chez les juifs que chez les chrétiens. Dans un autre texte il dit : « Le vingt-et-unième psaume selon l’hébreu commence par ces paroles que notre Seigneur dit sur la croix : Eli, Eli, lama azabthani. » On prétend aujourd’hui que ce serait le vingt-deuxième selon l’hébreu…

    La numérotation du texte hébreu massorétique (publié par les rabbins aux IXe-Xe siècles), qui a été adoptée par les protestants, puis par les catholiques (sauf dans la liturgie, ce qui ajoute à la confusion), et que l’on ose utiliser dans les éditions du Psautier « juxta hebræos » de saint Jérôme, ce qui est un comble, est donc totalement illégitime : le texte hébreu du temps de saint Jérôme avait la même numérotation que les psautiers grecs et latins. Elle est d’autant plus illégitime qu’elle est fondée sur une erreur grossière : la séparation en deux du psaume 9 qui est un psaume alphabétique, dont l’unité est donc verrouillée du premier au dernier verset par l’alphabet hébreu.

    (En ce qui concerne l’affirmation – pour le moins très aventureuse - selon laquelle les psaumes 89 à 99 seraient de Moïse, saint Jérôme se fonde uniquement sur le « principe » selon lequel tout psaume qui n’a pas de nom d’auteur doit être attribué à l’auteur du psaume précédent, et au fait que dans l’exemplaire hébreu qu’il avait il fallait attendre le psaume 100 pour retrouver : « Cantique de David ». Mais la Septante et la Vulgate parlent de David pour tous les psaumes de cette série, sauf le 91 et le 99.)

  • Les dauphins du désert

    Dans sa traduction du livre de l’Exode, le chanoine Osty parle (cinq fois)  de « peaux de dauphins » utilisées pour couvrir le tabernacle.

    Comme sa traduction, surtout de ces chapitres de l’Exode, est quelque peu fantaisiste, je me suis demandé comment il avait pu inventer cette histoire triplement absurde de peaux de dauphins. (Triplement parce que 1 s’il y avait des dauphins dans le désert ça se saurait, 2 le dauphin est dans la Loi un animal impur et il est inconcevable de s’en servir, a fortiori pour le sanctuaire, et en outre au moment même où la Loi est révélée, 3 on ne peut rien faire avec la peau du dauphin.)

    Or, à ma grande surprise, le dauphin est très prisé chez les traducteurs modernes – qui ignorent donc la Loi qu’ils traduisent…

    Pour s’en tenir aux traductions du site très pratique « Références bibliques », on trouve aussi des dauphins dans les Bibles Second, du Semeur, la Colombe, Pirot-Clamer, TOB, Neufchâtel…

    Crampon se veut original et parle de « veaux marins », tandis qu’une autre traduction parle de « phoques », et que la « Bible des peuples » ne craint pas de voir de la « peau de poisson » !

    Olivetan, ami de Calvin, auteur de la première traduction protestante, donc de la première sur les soi-disant « textes originaux », a vu des peaux de « taissons ». C’est le mot qui à l’époque désignait le blaireau. La King James a repris le blaireau. La traduction juive que donne le site Tanak-sources a également « blaireaux ». Petit problème : le blaireau vit dans les forêts, il a besoin d’un abondant sous-bois, et il n’y en a pas au sud du Liban et de la Syrie.

    La Bible de Jérusalem parle de « cuir fin », comme la nouvelle Bible de la liturgie, qui a abandonné ses dauphins… mais il n’y a pas davantage d’explication pour « fin » que pour « dauphin »…

    La Bible du rabbinat a gardé le mot hébreu du texte massorétique : « tahach ». Car en vérité personne ne sait ce que peut vouloir dire « tahach ». Selon une tradition juive c’est un animal que Dieu avait créé pour les tentures du tabernacle, et qui a disparu ensuite…

    Alors d’où sont venus les dauphins du désert à peau tannée ? Je me demande si à force de chercher une signification à « tahach » on ne serait pas allé voir du côté de l’arabe (ou de l'araméen?). Certes, en arabe comme en hébreu, dauphin se dit « dolphin » (c’est le mot anglais), mais en arabe il y a un mot pour dire « marsouin », et ce mot est toukhas. Ce qui est très proche de « tahach » : le mot arabe s’écrit t-kh-s, et le mot hébreu t-h-sh. En arabe comme en hébreu, h et kh, s et sh sont extrêmement proches.

    Or comme les marsouins sont des dauphins, les tahach sont des toukhas (ou un mot araméen encore plus proche)…

    Et voilà comment on vous fabrique la Bible…

    Mais on n’est pas plus avancé.

    Pour savoir de quoi il retourne, il suffit de se référer aux vrais textes de la Bible. A savoir la Septante et la Vulgate.

    La Septante nous dit que ce sont des peaux « couleur de jacinthe », qui contrastent avec les « peaux teintes en rouge » qui précèdent immédiatement. Dans la plupart des manuscrits de la Vulgate, il s’agit aussi de peaux « couleur de jacinthe ». Donc teintes en bleu, ou d’un bleu tirant sur le violet. Le « Pentateuque de Tours » dit : « couleur de violette », ce qui a été repris dans la Vulgate sixto-clémentine. En latin c’est presque le même mot : « hyacinthinas » et « ianthinas ».

    Quant à la teinture elle-même elle pourrait fort bien provenir de l’indigotier, dont la culture est très ancienne au Proche Orient, et qui donne une couleur bleue tirant sur le violet…

    On peut donc oublier les dauphins du désert et les laisser à l’imagination des faussaires…

  • De la Sainte Vierge le samedi

    15th-century_unknown_painters_-_Madonna_on_a_Crescent_Moon_in_Hortus_Conclusus_-_WGA23736.jpg

    Lecture des matines :

    Christus virgo, mater virginis nostri virgo perpetua, mater et virgo. Jesus enim clausis ingressus est ostiis: et in sepulchro ejus, quod novum et in petra durissima fuerat excisum, nec antea quis, nec postea positus est. Hortus conclusus, fons signatus: de quo fonte ille fluvius manat, juxta Joel, qui irrigat torrentem vel funium, vel spinarum: funium, peccatorum, quibus ante alligabamur: spinarum, quae sufficiant sementem patrisfamilias. Haec est porta Orientalis, ut ait Ezechiel, semper clausa et lucida, operiens in se, vel ex se proferens Sancta sanctorum: per quam sol justitiae, et Pontifex noster secundum ordinem Melchisedech ingreditur, et egreditur.

    Saint Jérôme, lettre au sénateur Pammaque (l’une des deux lettres qui constituent l’Apologeticum ad Pammachium, faisant référence au traité contre Jovinien).

    Le Christ est vierge, la mère de notre vierge est vierge perpétuelle (1), mère et vierge. Jésus en effet est entré, les portes étant closes (2) ; et dans son sépulcre, qui était neuf et creusé dans une roche très dure, personne ne fut déposé, ni avant, ni après lui (3). Jardin clos, source scellée (4) ; de cette source émane un fleuve, selon Joël, qui arrose le torrent des liens, ou des épines (5) : les liens des péchés par lesquels nous étions liés auparavant, les épines, qui étouffent la semence du père de famille (6). Elle est la porte orientale dont parle Ezéchiel (7), qui est toujours fermée et lumineuse, qui cache en elle-même ou qui fait voir par elle-même le Saint des saints ; par laquelle entre et sort le Soleil de justice (8) et notre Pontife selon l’ordre de Melchisédech (9).

    (1) Cf. « Ille virgo de virgine, de incorrupta incorruptus » (Il est vierge d'une vierge, incorrompu de l'incorrompue - saint Jérôme, Contre Jovinien).
    (2) Jean 20, 19.
    (3) Luc 23, 53.
    (4) Cantique des cantiques 4, 12.
    (5) Joël 3, 18 dans la Vulgate, 4, 18 dans la Septante. Comme à son habitude quand il commente le texte sacré, saint Jérôme donne les deux traductions, de la Septante et la sienne, qui sera la Vulgate. Celle-ci, c’est le « torrent des épines ». Le mot hébreu que saint Jérôme avait était différent de celui qu’avaient les Septante, qu’ils ont traduit par σχοίνων : un mot qui veut dire « de joncs », ou tout ce qui est fait, tressé, avec des joncs. On remarque que pour saint Jérôme le mot paraît avoir perdu son sens de jonc pour désigner un « lien », une corde (tressée). Dans son commentaire du livre de Joël d’après les Septante, il traduit par le diminutif « funiculorum » : des cordelettes. Le mot qui figure dans le texte massorétique, Chittim, a été gardé tel quel, comme un nom propre, dans la Bible du rabbinat et quelques autres traductions. Chittim, ou Sittim, comme le lieu où les Israéliens couchèrent avec les femmes de Moab, et le dernier campement avant l’entrée dans la terre promise. Mais Joël ne peut pas parler ici de ce lieu, puisque précisément il ne faisait pas partie a priori de la terre promise dont parle ce verset. La majorité des traductions récentes donnent « la vallée » (ou « le ravin »)… « des acacias », parce que MM. Brown, Driver et Briggs en ont décidé ainsi…
    (6) Mat. 13, 7 ; Marc, 4, 7 ; Luc 8, 7.
    (7) Ezéchiel 44, 1.
    (8) Malachie 4, 2.
    (9) Psaume 109, 4 ; Hébreux 5, 1-9.

  • Encore une prophétie supprimée par la Bible de Jérusalem

    Le verset 38 du chapitre 3 du livre de Baruch a toujours été considéré, et à juste titre puisqu’il l’est de façon éclatante, comme une prophétie christique. Le voici avec les deux versets précédents (pour ne pas recopier tout le chapitre, mais c’est encore plus impressionnant de lire le verset 38, qui est le dernier, comme la conclusion de tout le chapitre) :

    « C’est lui qui est notre Dieu, et aucun autre ne lui est comparable. Il a trouvé (ou : scruté) toute voie de connaissance, et l’a donnée à Jacob son serviteur, et à Israël son bien-aimé. Après cela il a été vu (ou : il a apparu) sur la terre, et il a conversé avec (ou : parmi) les hommes. »

    On fait immédiatement le rapprochement avec le prologue de l’Evangile de saint Jean : « Le Verbe s’est fait chair, et il a habité parmi nous. »

    C’est toujours ainsi que la tradition l’a compris, selon son sens obvie, et ce texte se trouve même deux fois dans la liturgie byzantine de Noël (aux « grandes heures » du 24 décembre et aux premières vêpres de la Nativité).

    Inutile de préciser que dans la soi-disant Bible de la liturgie, le texte a été maquillé :

    « Ainsi, la Sagesse est apparue sur la terre, elle a vécu parmi les hommes. »

    On ajoute « la Sagesse » qui ne se trouve pas dans le texte, et, certes, par « la Sagesse » on peut comprendre le Christ, mais ce n’est pas évident quand on n’isole pas le verset de ceux qui précèdent.

    Et si l’on va voir dans la Bible de Jérusalem s’il y a une explication, on découvre cette traduction :

    « puis elle est apparue sur terre, et elle a vécu parmi les hommes ».

    Qui, elle ? « La voie entière de la connaissance », semble-t-il.

    Et il y a une note qui dit :

    « En s’incarnant dans la loi juive : ce n’est pas une pensée universaliste. »

    Bref, non seulement « la voie entière de la connaissance » ne doit pas être vue comme la Sagesse qui représente le Christ, mais il s’agit uniquement de la loi juive. Dans son exclusivité. A rebours de l’enseignement des prophètes…

    Le plus fort est que les nouveaux traducteurs ne font même pas cela par servilité envers le texte massorétique, comme à leur habitude, puisque les juifs considèrent le livre de Baruch comme apocryphe, donc ils se moquent bien de savoir comment on le traduit. Et d’ailleurs on n’en a plus le texte hébreu. Il ne reste que le texte grec. Or, si le texte lui-même ne permet pas de déterminer quel est le sujet des deux verbes du dernier verset, toute la tradition, corroborée par le texte latin de la Vulgate qui est très ancien, très antérieur à saint Jérôme, montre qu’il s’agit de Dieu.

    Les nouveaux traducteurs sont tellement à plat ventre devant les rabbins que, même si les rabbins n’ont rien à faire de la traduction d’un texte qu’ils ne reconnaissent pas comme inspiré, il faut quand même qu’ils fassent comme si les rabbins étaient derrière leur dos pour surveiller qu’ils ne succombent pas à cette idée farfelue qu’il y aurait dans l’Ancien Testament des prophéties qui annoncent le Christ…

    D’ailleurs il y a longtemps qu’il n’y a plus besoin de rabbins, c’est devenu chez eux une seconde nature.

  • Saint Pie X

    Le moins qu’on puisse dire est que la messe de la fête de saint Pie X est « datée » (comme celle de saint Joseph le 1er mai). Le prêtre ou le fidèle qui connaît les psaumes n’est plus chez lui – on lui a changé la liturgie. Déjà. Eh oui. C’est une sorte de malédiction. Saint Pie X avait bouleversé le bréviaire de fond en comble, ce qui fut la première révolution liturgique de l’histoire chrétienne, qui ouvrait la voie à d’autres révolutions… Et saint Pie X lui-même allait « réformer » le missel, mais il mourut avant… Pie XII quant à lui avait entrepris de réformer le psautier, sans la moindre considération pour la tradition d’interprétation des psaumes par les pères et les docteurs (mentionnée comme une objection sans importance dans le Motu Proprio In cotidianis Precibus), ni pour le chant ecclésiastique qui ornait la version traditionnelle et ne pourrait pas, dans nombre de cas, s’adapter à la nouvelle version (objection même pas mentionnée dans le Motu Proprio).

    En 1945, Pie XII publia donc son nouveau psautier, élaboré par une commission d’experts (déjà) que dirigeait le cardinal Bea. Psautier établi selon les principes de la « critique textuelle », comme disait le pape lui-même, et qui était censé supprimer les obscurités de l’ancien et dérouler un beau latin classique. L’un des soucis de Pie XII était aussi le rythme. Or il est flagrant que par rapport au vieux psautier le nouveau est heurté, chaotique, et, comme l’ont immédiatement vu les bénédictins, proprement inchantable. Il ne fut accepté à peu près par personne, mais c’est lui qui fut imprimé dans tous les bréviaires jusqu’à… la réforme de Jean XXIII qui ne supportait pas non plus cette version et rétablit (de facto) l’ancienne.

    C’est donc ce psautier aussi qui servit aux messes et offices fabriqués en ce temps-là, dont la messe de saint Pie X.

    Ainsi l’antienne d’introït fait-elle immédiatement dresser l’oreille, car elle commence par une expression qui n’existait pas dans la prière de l’Eglise :

    Extuli electum de populo.

    J’ai élevé celui que j’ai choisi du milieu du peuple.

    Alors que l’on a toujours dit :

    Exaltavi electum de plebe mea.

    J’ai élevé, exalté, celui que j’ai choisi du milieu de mon peuple.

    Tous les textes de la messe sont ainsi, entrecoupés d’expressions traditionnelles qui ont été laissées, pour ne perturber les clercs qu’à moitié ou aux trois quarts…

    Mais toujours dans l’introït le début du psaume 88, tellement connu, tellement utilisé par les auteurs spirituels et les mystiques : Misericordias Domini in aeternum cantabo, est devenu : Gratias Domini in aeternum cantabo. Alors que dans le texte hébreu il s’agit de hesed, toujours traduit en latin par miséricorde. La soi-disant Néo-Vulgate a d’ailleurs rétabli « Misericordias »…

    Un autre exemple, le verset de l’Alléluia, pris du célèbre psaume 22 :

    Paras mihi mensam, inúngis óleo caput meum, calix meus ubérrimus est.

    Tu me prépares une table, tu oins d’huile ma tête, mon calice est très abondant.

    Alors que le psautier traditionnel chante :

    Parasti in conspectu meo mensam ; impinguasti in oleo caput meum : et calix meus inebrians, quam præclarus est !

    Tu as préparé devant moi une table, tu as graissé ma tête avec de l’huile, et mon calice enivrant, comme il est beau !

    « Enivrant » ne figure pas dans le texte hébreu massorétique. Mais il se trouve dans le texte grec, et aussi dans la version de saint Jérôme, donc il se trouvait et dans le texte hébreu des Septante et dans le texte hébreu qu’avait saint Jérôme. Il est donc illégitime de supprimer ce mot, comme l’a fait également la soi-disant Néo-Vulgate. Sauf à considérer que les Massorètes sont l’autorité suprême, même quand ils falsifient le texte pour le rendre moins chrétien. Car c’est bien le cas ici. Cette table c’est la table eucharistique. Et ce calice est enivrant parce que le sang du Christ procure l’ivresse du Saint-Esprit.

    Pas sûr que saint Pie X, le pape de l’eucharistie, eût apprécié cette censure…