Enfin vient le chapitre VI, qui affirme que « l’Église a toujours vénéré les divines Écritures, comme elle le fait aussi pour le Corps même du Seigneur, elle qui ne cesse pas, surtout dans la sainte liturgie, de prendre le pain de vie sur la table de la Parole de Dieu et sur celle du Corps du Christ, pour l’offrir aux fidèles ». Il faut donc que la prédication « soit nourrie et guidée par la Sainte Écriture ». « Dans les Saints Livres, en effet, le Père qui est aux cieux vient avec tendresse au-devant de ses fils et entre en conversation avec eux ; or, la force et la puissance que recèle la Parole de Dieu sont si grandes qu’elles constituent, pour l’Église, son point d’appui et sa vigueur et, pour les enfants de l’Église, la solidité de leur foi, la nourriture de leur âme, la source pure et permanente de leur vie spirituelle. »
Par conséquent l’accès à la Sainte Ecriture doit être « largement ouvert » aux chrétiens. C’est pourquoi dès l’origine l’Eglise a reconnu la Septante, version grecque de l’Ancien Testament, et tient en honneur les autres anciennes versions, « principalement celle qu’on appelle la Vulgate ». « Comme la Parole de Dieu doit être à la disposition de tous les temps, l’Église, avec une sollicitude maternelle, veille à ce que des traductions appropriées et exactes soient faites dans les diverses langues, de préférence à partir des textes originaux des Livres sacrés. »
Cette dernière précision est curieuse. Elle montre que les pères conciliaires étaient dans leur majorité sous l’influence de cette fausse… vulgate contemporaine selon laquelle le texte hébreu de l’Ancien Testament serait le « texte original ». Or le texte hébreu dont nous disposons, le texte dit massorétique, est celui qui a été publié par les rabbins aux IXe et Xe siècles après Jésus-Christ, après qu’ils eurent soigneusement détruit tous les textes antérieurs. (Alors que la Septante date des IIIe et IIe siècles avant Jésus-Christ, et la Vulgate de saint Jérôme, sur les textes hébreux de son époque, du IVe siècle.) Non seulement on fait du texte des rabbins antichrétiens le texte authentique de la Bible, mais on va jusqu’à accepter le sens qu’ils donnent aux mots.
Cela a des conséquences assez ahurissantes. Par exemple, à la fête de l’Annonciation, dans la nouvelle liturgie, l’évangile nous montre un ange venant annoncer à une vierge qu’elle va enfanter. La première lecture est le passage d’Isaïe où Dieu annonce qu’une… « jeune femme » va enfanter. Prophétie stupide, car il est simplement naturel qu’une jeune femme enfante. Or saint Jérôme avait montré et démontré que le mot hébreu « alma », dans la Bible, ne pouvait vouloir dire que « vierge », et que l’Eglise avait donc raison, pour cela, de faire de ce passage d’Isaïe une prophétie de l’Annonciation. Et en traduisant « alma » par « jeune femme », on s’oppose à saint Matthieu qui cite précisément cette prophétie, en employant le mot « vierge », qui se trouvait dans la Septante : « parthenos ». Dire que « alma » ne veut pas dire vierge, et l’enseigner dans la liturgie, c’est dire que saint Matthieu s’est trompé, et avec lui toute la tradition chrétienne. Et c’est évidemment, d’une façon détournée, saper le dogme de la virginité de la Mère de Dieu.
Cette référence aux prétendus « textes originaux » fait que désormais toutes les Bibles en langue vulgaire se réfèrent au texte massorétique, et que les dernières éditions de la Bible de Jérusalem sont faites exclusivement à partir des textes massorétiques. C’est dommageable, non seulement parce que l’Eglise catholique reconnaît ainsi l’autorité exclusive (et supérieure à l’autorité de son propre magistère…) des rabbins du IXe siècle sur la Sainte Ecriture, mais qu’elle avalise ainsi diverses falsifications opérées par les rabbins ; par exemple la suppression de « ils ont percé » (mes mains et mes pieds) dans le psaume 21, qui rend d’ailleurs le verset proprement incompréhensible, et d’autre part qu’elle prive le chrétien de textes qui sont parfois très différents de la version massorétique (Tobie, par exemple). C’est aussi en se référant au texte massorétique qu’on a (amplement) « révisé » la Vulgate, pour en faire une soi-disant « Néo-Vulgate » qui n’est plus la Vulgate. Enfin, les « spécialistes » auraient dû revoir leur culte du texte massorétique depuis la découverte des manuscrits de Qumran. Dans ces manuscrits, généralement très fragmentaires, figurait une version complète d’Isaïe. Or ce texte est beaucoup plus proche du texte grec de la Septante que du texte massorétique soi-disant « original »…
Dei Verbum continue en disant que l’Eglise favorise non seulement la connaissance de la Sainte Ecriture, mais aussi des pères de l’Eglise et des diverses liturgies. Et se termine par une vive exhortation :
« Le saint Concile exhorte de façon insistante et spéciale tous les fidèles du Christ, et notamment les membres des ordres religieux, à acquérir, par la lecture fréquente des divines Écritures, « la science éminente de Jésus Christ » (Ph 3, 8). « En effet, l’ignorance des Écritures, c’est l’ignorance du Christ » (saint Jérôme). Que volontiers donc ils abordent le texte sacré lui-même, soit par la sainte liturgie imprégnée des paroles divines, soit par une pieuse lecture, soit par des cours appropriés et par d’autres moyens qui, avec l’approbation et par les soins des pasteurs de l’Église, se répandent partout de nos jours d’une manière digne d’éloges. Qu’ils se rappellent aussi que la prière doit aller de pair avec la lecture de la Sainte Écriture, pour que s’établisse un dialogue entre Dieu et l’homme, car “nous lui parlons quand nous prions, mais nous l’écoutons quand nous lisons les oracles divins” (saint Ambroise). »