Constantinópoli sancti Tharásii Epíscopi, eruditióne et pietáte insígnis; ad quem exstat Hadriáni Papæ Primi epístola pro defensióne sanctárum Imáginum.
A Constantinople, saint Tharaise évêque, célèbre par son érudition et sa piété. On a la lettre que le pape Adrien Ier lui écrivit pour la défense des saintes images.
Jusqu’ici je n’avais pas prêté attention à cette mention du martyrologe de ce jour. Mais depuis que je me suis penché sur l’affaire Photius il en est autrement.
En effet nous avons la lettre du pape Adrien à Tharaise (ou plutôt Taraise : Ταράσιος). Dans cette lettre Adrien Ier appuie le projet de concile œcuménique pour restaurer le culte des images, idée qui tient à cœur à l’impératrice Irène pour mettre fin à l’atroce époque iconoclaste. Mais le concile devra se tenir à Nicée parce que les iconoclastes sèment le trouble à Constantinople.
Dans cette lettre le pape Adrien reproche à Taraise d’avoir été élu patriarche alors qu’il était simple laïc (oubliant que saint Ambroise n’était même pas baptisé). Mais cela ne va pas plus loin. Or, quelques années plus tard, le petit-neveu de Taraise, Photius, sera élu patriarche exactement dans les mêmes conditions (tous deux étant chefs de la chancellerie impériale). Alors le pape Nicolas Ier en fera un casus belli et provoquera un schisme, envenimant l’affaire avec la question du Filioque (et il est bien évident que Photius ne disait pas autre chose que Taraise, et que ce dernier aurait été bien étonné si on lui avait dit qu’il fallait dire que le Saint-Esprit procède du Père et du Fils…).
C’est qu’entre temps les Francs avaient accru leur pression sur Rome. Les fausses décrétales concoctées par les théologiens francs persuadaient le pape, dès Adrien, qu’il avait une autorité universelle, et ces mêmes théologiens firent en sorte que le concile de Nicée II reste lettre morte en Occident. Ils organisèrent même pour cela le « concile de Francfort » qui prenait le contrepied de Nicée II, qui est cependant toujours officiellement le 7e concile œcuménique. Le basculement autoritaire de la papauté coïncide avec l’abandon du culte des images : celles-ci ne seront plus que des ornements, au mieux pédagogiques, au lieu d’être un véhicule sacramental de la grâce pour ceux qui les vénèrent.
Tancé par les Francs, le pitoyable Adrien Ier gémira qu’il a accepté Nicée II parce qu’en contrepartie il a obtenu que plusieurs évêchés soient sous son obédience, et quelques avantages matériels…
Le concile eut lieu en 787. C’est seulement le premier dimanche de carême de 843 que sera pleinement rétabli le culte des images à Constantinople. Depuis lors ce dimanche est celui du « triomphe de l’orthodoxie » dans la liturgie byzantine et chacun apporte une icône portée en procession.