Extrait du commentaire de l'évangile par saint Jean Chrysostome.
Outre la guérison du paralytique, il y a encore ici une autre preuve, par laquelle Jésus-Christ fait voir qu’il est Dieu, égal à son Père. Les Juifs disaient en eux-mêmes : il blasphème, parce qu’il n’appartient qu’à Dieu de remettre les péchés ; et lui, non-seulement remet les péchés, mais auparavant, répondant à leur pensée, quoiqu’ils ne l’eussent pas exprimée, il montre qu’il est Dieu en pénétrant le secret 1es cœurs, qui n’est connu que de Dieu seul.
Et pour montrer qu’il n’y a que Dieu qui puisse connaître le secret des cœurs, il ne faut qu’écouter ce que dit le Prophète : "Vous êtes le seul qui connaissez les cœurs." (II Par. VI,30.) Et ailleurs : "Vous êtes le Dieu qui sondez les cœurs et les reins des hommes." (Ps IX, 10.) Et Jérémie : "Le cœur de l’homme est profond et impénétrable, et qui le pourra sonder ?" (Jérém. VIII, IX.) Et ailleurs : "L’homme voit la face, mais Dieu voit le cœur." (1 Rois, XVI, 9.) Nous pouvons voir par beaucoup d’autres endroits semblables, qu’il n’y a que Dieu seul qui puisse connaître les pensées de l’homme. Jésus-Christ donc voulant montrer clairement qu’il est Dieu et égal à son Père, révèle à ses ennemis ce qu’ils pensaient en eux-mêmes, et qu’ils n’osaient publier parce qu’ils craignaient le peuple. "Jésus connaissant ce qu’ils pensaient leur dit : pourquoi donnez-vous entrée dans vos cœurs à de mauvaises pensées ? Car lequel des deux est plus aisé de dire : vos péchés vous sont remis, ou, levez-vous et marchez ?" Il laisse voir encore ici une admirable douceur : "Pourquoi, dit-il, donnez-vous entrée dans vos cœurs à de mauvaises pensées ?" Si quelqu’un pouvait avoir de l’aigreur contre Jésus-Christ, ce devait être plutôt le malade que tout autre. Il pouvait se plaindre d’avoir été trompé. Il pouvait dire : je suis venu à vous pour trouver la santé du corps, et vous me parlez de celle de l’âme. Où pourrai-je savoir que mes péchés me sont remis ? Cependant il ne dit rien de semblable. Il s’abandonne entièrement à la puissance du médecin. Il n’y a que les scribes qui par l’excès de leur malice et de leur envie, s’opposent aux grâces que Jésus-Christ fait aux autres.
Le Sauveur les reprend d’une disposition si mauvaise ; mais il le fait avec une extrême douceur. Si vous ne croyez pas, leur dit-il, que je puisse remettre les péchés, mais que j’usurpe par vanité ce qui ne m’appartient pas, regardez comme une preuve de ma divinité la connaissance que j’ai de ce qui se passe dans vos cœurs, à laquelle j’ajoute encore la guérison de ce malade. Lorsque Jésus-Christ parle au paralytique, il ne lui déclare pas ouvertement qu’il est Dieu, il ne lui dit pas : "Je vous pardonne vos péchés", mais, "vos péchés vous sont pardonnés". Mais lorsque ses ennemis le pressent, et le forcent de se déclarer, il le fait enfin, et leur dit : "Or, afin que vous sachiez que le Fils de l’homme a le pouvoir sur la terre de remettre les péchés : Levez-vous, dit-il, emportez votre lit, et allez-vous-en dans votre maison. Et le paralytique se levant, s’en alla à sa maison."
On voit clairement par ces paroles que Jésus-Christ veut bien qu’on le croie égal à son Père. Car il ne dit pas que le Fils de l’homme ait besoin d’un autre, ou que Dieu lui ait donné cette puissance, mais il dit absolument : "Que le Fils de l’homme a cette puissance." Ce que je ne dis point par vanité, dit-il, mais pour vous persuader que je ne suis point un blasphémateur, lorsque je déclare que je suis égal à mon Père.
Il veut partout convaincre les hommes de la vérité de ce qu’il leur dit, par des preuves dont ils ne puissent douter, comme lorsqu’il dit au lépreux : "Allez vous montrer aux prêtres", lorsqu’il donne en un moment une santé si parfaite à la belle-mère de saint Pierre, qu’elle le sert à table en sortant du lit; et lorsqu’il permet aux pourceaux de se précipiter dans la mer. Il prouve ici de même par la guérison du paralytique que les péchés de celui-ci lui sont véritablement remis ; et il prouve la guérison en commandant à cet homme d’emporter son lit, afin qu’on ne s’imaginât pas que ce miracle ne fût qu’une illusion.