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L’ambiguïté comme enseignement

François cultive l’ambiguïté comme aucun pape avant lui : il fait de l’ambiguïté un art oratoire. Souvent son propos paraît a priori hétérodoxe, et quand on regarde de plus près on s’aperçoit qu’on peut aussi lui donner un sens catholique, ce qui le plus souvent conduit à ne pas le commenter, puisqu’il convient de laisser au pape le bénéfice du doute…

Cette ambiguïté vient généralement d’une omission : or, omettre un élément, ce n’est pas nier cet élément. Quoiqu’on puisse pécher par omission… Cela est à mettre en rapport avec l’un des propos récurrents de François sur le fait que « la doctrine est connue » et qu’on ne va pas passer son temps à la répéter, parce qu’il faut « aller de l’avant ». Or la doctrine n’est plus connue du tout, et aller de l’avant dans ces conditions c’est aller nulle part, ou dans le fossé.

A des religieux latino-américains, en juin dernier, François avait même dit qu’ils ne devaient pas se préoccuper d’être en accord avec la doctrine : « Peut-être que vous recevrez même une lettre de la Congrégation pour la doctrine de la foi. Mais ne vous inquiétez pas, expliquez ce qu'il y a à expliquer et allez de l'avant ! »

Il ne s’agit même plus de privilégier une pastorale hasardeuse par rapport à l’orthodoxie doctrinale, mais de suivre une praxis, dans l’acception marxiste-léniniste du terme.

François a donné hier un exemple particulièrement spectaculaire de cette ambiguïté, dans son homélie quotidienne. Spectaculaire à cause du sujet dans le contexte actuel : le mariage, et « l’échec » du mariage… Radio Vatican l’a bien compris, qui a donné semble-t-il la totalité du texte de l’homélie, au lieu du canevas habituel orné de citations.

Voici le propos crucial (en respectant la syntaxe très… particulière du pape) : « Quand on laisse son père et sa mère pour s’unir à une femme, ne faire qu’une seule chair et aller de l’avant et que cet amour échoue, nous devons écouter la douleur de l’échec, accompagner ces personnes qui ont subi cet échec de leur propre amour. Ne pas condamner ! Marcher de l’avant avec eux ! Et ne pas faire de casuistique avec leur situation.»

Il convient de souligner que le pape ne fait pas ici de la sociologie. Il ne parle pas du mariage civil. Il commente l’évangile de saint Marc : 10, 1-12. Or, comme cela a été aussitôt relevé par le blog Rorate Caeli, il « oublie » de reprendre et de commenter ce qui est au cœur de la doctrine de l’Eglise sur la question et au cœur des débats actuels, et qui est un propos du Christ Fils de Dieu Verbe incarné : celui qui divorce et se remarie est un adultère, celle qui divorce et se marie avec un autre est une adultère. Ce sont les deux derniers versets.

On omet donc cette sentence, et l’on ne parle que d’« échec de l’amour », on souligne comme d’habitude qu’il ne faut pas condamner et qu’il faut aller de l’avant, sans parler une seule fois de “sacrement”, du sacrement de mariage et de ce qu’il implique, notamment quant à « l’amour ».

Le propos aux religieux latino-américains s’applique ici parfaitement. A ceci près que la réaction de la congrégation pour la doctrine de la foi n’est pas une possibilité à venir, mais une réalité concrète : à deux reprises le préfet de la congrégation a fermement rappelé la doctrine intangible.

Et voici le pape qui fait une homélie sur le sujet, et qui omet ce que le Christ en dit. En bref, et l’on a déjà entendu cela en plusieurs occasions, on connaît la doctrine (que l’on ne rappellera pas), mais il faut faire preuve de miséricorde.

On met la vérité entre parenthèses, au nom d’une miséricorde… qui est une imposture.

Car la miséricorde sans la vérité est un mensonge. Ce n’est pas pour rien que 20 fois dans le psautier les mots “vérité” et “miséricorde” sont étroitement associés. Car “vérité” et “miséricorde” sont, ensemble, indissolublement, le résumé de toutes les voies du Seigneur (psaume 24).

On s’achemine donc, dans l’affaire dite des « divorcés remariés », vers une mise entre parenthèses de la doctrine (qui est « connue », et qui restera intacte dans son tiroir) et une mise en œuvre de la « miséricorde » qui permet de faire tout ce que l’on veut (ce qui est déjà le cas dans nombre de diocèses), car « qui suis-je pour juger ? », et « il ne faut pas condamner ».

Mais la doctrine dont on (ne) parle (pas) n’est pas un livre poussiéreux, c’est la vérité, donc l’accès au Royaume ; et la prétendue « miséricorde » que l’on met seule en avant occulte la voie et la rend impraticable.

Cela dit sans préjuger de l’action du Saint-Esprit au moment des décisions.

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Addendum

François avait demandé au cardinal Kasper de faire un exposé sur la famille lors du consistoire. On sait que François est en « syntonie » avec Kasper, particulièrement sur le thème de la « miséricorde ». L’exposé du cardinal Kasper ne devait pas être publié. Ce qui est aujourd’hui mission impossible. Donc Il Foglio s’est procuré le texte et l’a publié. Avec un commentaire, ou plutôt une réplique, de Roberto de Mattei, dont Benoît et moi nous donne la traduction (1 et 2). Il n’y a dans tout cela aucune révélation, puisqu’il y a longtemps que l’hétérodoxe cardinal Kasper est notamment pour l’accès à l’eucharistie des « divorcés remariés », mais seulement une confirmation qu’on va vers une occultation de la doctrine catholique, ou plutôt de la Parole de Dieu, au nom d’une praxis prétendument miséricordieuse, comme le pape lui-même en a donné un exemple clair dans cette homélie.

(Sandro Magister publie une traduction en français de l'essentiel du propos du cardinal Kasper sur les divorcés remariés.)

Commentaires

  • Bonsoir et merci,

    1. La pensée du Pape François me semble susceptible de donner une légitimité pontificale à la vision de ceux qui pensent, je le dis rapidement, que quand il y a divergence entre la loi et la personne, ou entre la parole divine et la conscience humaine, c'est toujours la loi et la parole qui ont tort, et c'est toujours la conscience et la personne qui ont raison.

    2. Il ne s'agit pas de condamner des personnes, mais de formuler, notamment en soi-même (il arrive que l'on soit obligé de le faire, quand on est témoin, malgré soi, de certains échecs), une appréciation adéquate, sur les moyens ou les raisons, d'ordre motivationnel ou situationnel, par lesquels ou pour lesquelles les personnes concernées en arrivent à envisager de se séparer.

    3. Il arrive même que cette appréciation adéquate soit le fondement potentiel d'une mise en vigilance fraternelle, et néanmoins exigeante, au bénéfice et à destination de ces mêmes personnes, pour qu'elles s'efforcent, dans toute la mesure du possible, de résister à la tentation du divorce.

    3. La pensée du Pape François me semble également susceptible de donner le même type de légitimité à l'opinion de ceux qui estiment qu'il n'est d'accompagnement "évangélique", d'accompagnement "humanisateur", que dans la mesure où cet accompagnement est beaucoup plus émancipateur vis-à-vis de la loi, exonérateur de responsabilité, qu'édificateur au contact de la loi, réaffirmateur de responsabilité.

    4. En d'autres termes, l'absence de condamnation des personnes est toujours une bonne chose, à condition que cette absence de condamnation ne s'étende pas aux idées ou actes objectivement mauvais éventuellement commis par ces personnes, mais l'accompagnement des personnes peut très bien être, ou bien la meilleure, ou bien la pire des choses.

    5. Il règne parfois, pour le dire prudemment, une vision singulière et tendancieuse de la célèbre parole de Jésus-Christ :

    " Ne croyez pas que je sois venu pour abolir la loi ou les prophètes ; je suis venu non pour abolir, mais pour accomplir. Car, je vous le dis en vérité, tant que le ciel et la terre ne passeront point, il ne disparaîtra pas de la loi un seul iota ou un seul trait de lettre, jusqu’à ce que tout soit arrivé. (Matthieu 5 :17-18) "

    6. Pour certains, pour bien penser et pour bien vivre cette parole, il faut la lire comme si on ne devait pas abolir, mais comme si on pouvait censurer ou dépasser les éléments provenant de la loi ou des prophètes qui sont de nature à être tenus pour beaucoup trop contraignants ou exigeants, du point de vue des personnes ; c'est ce que l'on pourrait appeler la lecture de l'Evangile, non conformément à l'Ecriture, à la Tradition, au Magistère, mais conformément à "l'esprit de l'Evangile"...

    7. Par ailleurs, c'est entendu, une certaine "casuistique", une certaine "dialectique", constituent presque toujours des pièges, ou bien pour leurs auteurs, ou bien pour ceux à qui ces procédés sont adressés, plus souvent pour les asservir au mensonge que pour les éclairer dans la vérité.

    8. Mais alors, que dire d'une certaine rhétorique, d'une certaine sophistique, qui relève de la culture de l'excuse, dans le cadre de laquelle personne n'est coupable et tout le monde est victime !

    9. Je termine ce message en formulant la remarque suivante : dans l'absolu, je ne demande pas au Pape François de nous faire marcher pour aller de l'avant, ou pour aller vers l'avant ; je lui demande de nous exhorter à cheminer pour aller vers le Christ, ce qui n'est peut-être pas toujours tout à fait la même chose, puisque, du point de vue de bon nombre de ceux, catholiques ou non, qui sont influencés par l'esprit du monde, aller de l'avant, aller vers l'avant, signifie,

    - non cheminer de l'esprit du monde, et des tentations qu'il inspire, à l'Esprit de Dieu, et à la vocation de baptisé qu'il permet d'accomplir,

    - mais cheminer du "passé" vers le "progrès", du passé, "fermé" sur un catholicisme porteur d'interdictions ou d'obligations, vers le progrès, "ouvert" sur un christianisme enfin affranchi, libéré, de toute appréciation négative et de toute prescription impérative.

    10. En d'autres termes, il n'est peut-être pas impossible de considérer que l'ambiguité que l'on est en droit de déplorer

    - ne découle pas seulement de ce que le Pape François prend bien soin de taire, alors que ce qu'il tait figure en toutes lettres en Saint Marc,

    - mais découle aussi de ce que le Pape François prend bien soin de dire, d'une manière aisément déformable ou détournable par des esprits mal intentionnés, qui pourront toujours dire, face à une objection éventuelle : "Qui êtes-vous pour juger ?".

    Bonne nuit et à bientôt.

    A Z

  • Réponse à AZ. Vous n'avez qu'à supprimer les dix commandements. Comme ça, personne ne jugera plus, pas même l’Église.

  • "Vous avez entendu qu'il a été dit : Tu ne commettras pas l'adultère. Eh bien ! moi je vous dis : Quiconque regarde une femme pour la désirer a déjà commis, DANS SON CŒUR, l'adultère avec elle" (Mt. 5, 27-28).

    Et qu'est-ce qui est pire ? La souillure du corps ? Ou celle du cœur ?

    Un prêtre qui écarterait de la communion une personne notoirement divorcée / remariée, mais qui ferait communier la suivante, qui, elle, serait physiquement, en apparence, "bien mariée", mais qui dans son cœur, serait en état d'adultère, ou en état de péché mortel, voir, devant Dieu, en état de péché pire que la première, agirait-il en JUSTE?

    Il faut enseigner / rappeler la grandeur du mariage et de l'amour conjugal (et non "accompagner" les "échecs"), afin que chacun, face à sa conscience, prenne position. Et se réajuste, si besoin...

    Mais il ne faut pas se positionner en "juge" et décréter, sur les apparences, qui a le droit de communier, et qui n'en a pas le droit.
    Chacun, qu'il soit en état de grâce ou de péché, et quel que soit le degré de ce péché, doit rester LIBRE.

    --> Jésus a toujours dit LA VÉRITÉ.
    Mais Il n'a pas empêché Judas de communier...
    Voilà l'attitude qui doit nous servir de modèle...

  • Avec un tel subjectivisme vous détruisez radicalement l'Eglise et tout ce qui va avec.

  • Si les baptisés étaient de vrais chrétiens, ils préfèreraient et donneraient la première place au Christ et à son Evangile comme lui-même l'a demandé. Avec la grâce de Dieu, les mariages chrétiens seraient de vrais mariages en Christ pour toute la vie et l'éventualité d'un divorce, de même les "désirs dans son coeur" pour un autre homme ou une autre femme, seraient inexistants dans les consciences....Ces couples tiendraient ferme dans leur attachement à la Vérité.... Je rêve ?? non : par bonheur, ces couples existent encore mais sont bel et bien en voie de disparition, quand on voit par exemple les carences actuelles de la préparation chrétienne au mariage pour des baptisés qui n'ont aucune idée de la vie chrétienne puisée dans l'Evangile, alors on débouche immanquablement dans le laxisme ambiant en conformité du "monde" !.
    En conséquence, chacun, de nos jours, y va de sa propre conception de la religion, et, c'est pourquoi ça part dans tous les sens....

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