Lors de la conférence de presse qu’il vient de tenir, Jean-Marie Le Pen a annoncé que tous les candidats FN aux législatives allaient demander l’annulation des élections.
Pourquoi ? Tout simplement parce que ces élections sont illégales : « La Constitution et la loi qui obligent à une égalité dans les découpages des circonscriptions ont été violées. » Le gouvernement était tenu de réviser le découpage des circonscriptions, et cela depuis 1999. Il ne l’a toujours pas fait. Or ce redécoupage était impératif en raison de l’évolution démographique des départements.
Les circonscriptions n’ont pas été modifiées depuis le rétablissement du scrutin uninominal à deux tours en 1986 (institué pour mettre fin aussi vite que possible à l’interlude de la proportionnelle, qui venait de commencer, et avait conduit une trentaine de députés FN à l’Assemblée nationale).
Après l’examen de la loi de 1986, le Conseil constitutionnel avait demandé que les inégalités résultant de la volonté du législateur d’établir un lien étroit entre l’élu d’une circonscription et les électeurs ne soient pas « sensiblement accrues par le biais des règles qui président à la délimitation des circonscriptions à l’intérieur d’un même département ». A cette occasion, il avait rappelé les principes qui s’imposent aux responsables du découpage, notamment le principe de prise en compte des bases démographiques, avec la possibilité de s’en écarter, mais sans pouvoir aller au-delà de plus de 20 % de la population moyenne des circonscriptions du département.
Ce qui vaut pour un département vaut aussi pour l’ensemble des circonscriptions. Dans ses observations sur les élections législatives de 2002, la Conseil constitutionnel soulignait que le découpage, qui était toujours celui de 1986, reposait sur les données du recensement de 1982. Or, depuis lors, « deux recensements généraux, intervenus en 1990 et 1999, ont mis en lumière de disparités de représentation peu compatibles avec les dispositions combinées de l’article 6 de la Déclaration de 1789 et des articles 3 et 24 de la Constitution ». « Il incombe donc au législateur de modifier ce découpage », concluait le Conseil constitutionnel.
Or rien n’a été fait. Le Conseil constitutionnel a réitéré sa demande en 2005. Et il n’y a toujours eu aucune modification.
Le fait est que d’importantes modifications démographiques ont eu lieu. Des départements comme la Seine-et -Marne, les Alpes-Maritimes, les Bouches-du-Rhône, l’Hérault, la Gironde , la Loire-Atlantique ou La Réunion ont connu une forte poussée démographique, alors que d’autres comme Paris, la Haute-Marne , la Meuse , la Saône-et -Loire ou la Nièvre ont vu leur population diminuer.
En 2003, un chercheur au CNRS observait que les 25 départements les moins peuplés ont un député pour 79.043 habitants, alors que les 25 les plus peuplés ont un député pour 112.123 habitants.
Sur la base du recensement de 1999, le vote d’un habitant de la deuxième circonscription de la Lozère compte six fois plus que celui d’un habitant de la deuxième circonscription du Val-d’Oise. Selon les données INSEE de 2005, un élu de Lozère représente 38.466 habitants, et un élu de Haute-Garonne 144.479 habitants.
Les disparités sont donc énormes. Et même en mettant de côté les départements les moins peuplés, qui par « tradition républicaine » ont un minimum de deux députés, l’écart va encore de 1 à 3 entre les circonscriptions.
Le Conseil constitutionnel souligne que cela est contraire aux dispositions combinées de l’article 6 de la Déclaration de 1789 et des articles 3 et 24 de la Constitution. L’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme est celui qui pose le principe de l’égalité des citoyens devant la loi, notamment l’égalité de leurs droits à concourir à l’élaboration de la loi. L’article 24 de la Constitution est celui qui dit que les députés sont élus au suffrage direct, et l’article 3 est celui qui pose en principe que le scrutin est « toujours universel, égal et secret ».
Et ce n’est pas tout. En parfaite conformité avec ce que dit le Conseil constitutionnel, le code électoral stipule, dans son article L. 125 : « Il est procédé à la révision des limites des circonscriptions, en fonction de l’évolution démographique, après le deuxième recensement général de population suivant la dernière limitation. » Le découpage des circonscriptions aurait donc dû être révisé lorsqu’ont été connus les résultats du recensement de 1999. Cela aurait déjà dû être fait pour les élections de 2002. On peut admettre que c’était un peu court : on ne peut modifier les circonscriptions que longtemps avant l’échéance électorale, afin d’éviter les soupçons de charcutage. Quoi qu’il en soit, le scrutin de 2007 a été manifestement organisé, quant à lui, en violation certaine de cet article du code électoral
Les gouvernements successifs s’érigent volontiers en juges du respect des « valeurs républicaines », mais ils refusent de respecter des textes fondamentaux de la République, et ne tiennent aucun compte des rappels à l’ordre du Conseil constitutionnel.
C’est pourquoi les candidats du FN sont fondés à engager systématiquement des recours en annulation des élections législatives, et c’est pourquoi ils le font.
On attend avec intérêt ce qui leur sera répondu...